Les défis d’un terroir en mutation

Publié le 8 Mars 2016

Terre historique de polyculture-élevage, la Lorraine est aujourd’hui confrontée à la nécessaire mutation de ses filières traditionnelles. Certaines ont pris le train en marche, d’autres tardent…
L’image lorraine très bucolique de la polyculture-élevage vacille face aux dures réalités du marché mondial ou national. Photo : Fabrice CAHEZ

L’image lorraine très bucolique de la polyculture-élevage vacille face aux dures réalités du marché mondial ou national. Photo : Fabrice CAHEZ

Veaux, vaches, cochons, couvées et céréales… Le visage de la campagne lorraine est indissociable du modèle de polyculture-élevage. Mais celui-ci est désormais fragilisé : en témoigne la crise actuelle des cours du lait et de la viande, une galère économique conjoncturelle aggravée par le contexte géopolitique de l’embargo russe et les effets de la sécheresse de l’été dernier. Bilan : la trésorerie de la plupart des 12 000 paysans de la région est vide. D’où un moral en berne, un profond désarroi dont ils expurgent l’acuité par les accès de colère ponctuels de ces dernières semaines.
L’agriculture lorraine ne manque pourtant pas de ressources. Considérée comme zone intermédiaire en raison de ses caractéristiques géographiques et climatiques, elle a su faire abstraction de cet inconvénient par la diversité de ses productions. Elle y a gagné en valeur ajoutée, notamment en développant les circuits de proximité de produits bio ou fermiers. Cette orientation n’est plus une niche puisqu’elle correspond aujourd’hui à près de 20 % du chiffre d’affaires agricole régional.
Et ce n’est pas fini : rien que pour 2015, 616 exploitations se sont engagées sur les chemins du bio, soit près de 9 000 ha convertis l’an passé, contre une progression moyenne de 2 000 ha les années précédentes. Du jamais vu. Nouveau patron de la Chambre d’agriculture du Grand Est, Jean-Luc Pelletier s’en félicite mais tempère : « Les circuits courts, parfaits, mais on ne peut pas les adapter à l’ensemble des filières. Il faut aussi répondre aux besoins du marché mondial et à celui de la consommation de masse alimentée par la grande distribution pour peu qu’elle joue le jeu de prix corrects. Sans le maintien d’un large éventail de débouchés, l’agriculture lorraine n’existe pas », analyse-t-il.
Innovation et compétitivité
Celle-ci a senti le vent : de plus en plus de fermes sortent du schéma classique de l’atelier lait/viande pour privilégier la céréale, jugée plus rentable et moins astreignante. Conséquence : la taille des exploitations s’agrandit - le nombre de celles de plus de 125 ha a doublé depuis les années 1980 - et le profil paysager du terroir se modifie. En 40 ans, la surface offerte aux grandes cultures est passée de 50 000 ha à plus de 330 000 ha !
Une quasi-révolution qui assombrit l’avenir de la polyculture-élevage traditionnelle car nombre de ses paysans n’ont pas anticipé le processus. « Malgré un potentiel de production limité, la Lorraine reste forte en lait et céréales. Toute la difficulté va être de trouver une homogénéité entre ces deux activités », ajoute Jean-Luc Pelletier. Pas question donc de lâcher la personnalité rurale de la région.
Au contraire : « La situation de crise est presque nécessaire pour remettre à plat le système et lui permettre de gagner en compétitivité », observe l’éleveur meusien, conscient que beaucoup de chefs d’exploitations souffrent d’un manque de formation face à l’évolution rapide des techniques agricoles. Un frein à la professionnalisation que la nouvelle chambre d’agriculture entend lever en misant sur l’innovation technologique pour accroître autonomie et revenus.
Avec l’Inra à Mirecourt, l’Ensaia à Nancy-Vandœuvre, l’Association pour la promotion en agriculture (ALPA) d’Haroué ou encore l’Institut du végétal Arvalis dans la Meuse, la Lorraine dispose déjà de plusieurs outils de formation et de recherches agronomiques performants qui vont compter dans le cadre du cluster de compétitivité agricole prévu sur l’ex-base aérienne 112 dans la Marne.
DNA-Patrice COSTA 24/02/2016

Rédigé par ANAB

Publié dans #Consommation

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