Désamorcer le risque écologique de la pêche en rivière et plans d'eau

Publié le 12 Mai 2017

Article paru dans DNA/Nicolas Blanchard (05/05/2017)


Une charte cosignée par Ried Bleu et la fédération de pêche du Bas-Rhin vient proposer des règles devant permettre aux pêcheurs et à la nature de mieux coexister dans les gravières.

Photo : Serge Dumont

Photo : Serge Dumont

À quelques mètres sous la surface, la vie est là, omniprésente. Les herbiers prospèrent, faisant respirer une eau limpide dans laquelle frayent des espèces de poissons variées. Brochets, gardons, crevettes, éponges ou méduses d’eau douce vivent ici, à l’abri des regards. À la surface, le grèbe, lui, niche dans une branche laissée à la nature.

Paysage bucolique ? Un exemple parmi d’autres, plutôt, d’un écosystème complet tel qu’il peut exister dans l’emprise d’une gravière. Le scientifique et cinéaste Serge Dumont filme ces trésors à longueur d’années, dans la région. Le problème, c’est que ces milieux sont fragiles. Le Benfeldois, hydroécologue spécialiste des gravières au laboratoire image, ville, environnement (LIVE) de l’Université de Strasbourg, traque inlassablement les pratiques pouvant porter préjudice à ces réservoirs de nature souvent insoupçonnés. Avec une visée pédagogique en priorité.

C’est cette démarche qui le pousse aujourd’hui, via l’association Ried Bleu, à cosigner avec la fédération de pêche du Bas-Rhin une « Charte de la pêche en gravière ». Le document, auquel associations et amicales peuvent souscrire librement, revient sur certains usages jugés problématiques dans des milieux naturels clos. Et fait des propositions pour une pratique du loisir plus en adéquation avec les enjeux d’aujourd’hui.

Risques d’eutrophisation

« Le plus gros souci, souligne Serge Dumont, c’est l’amorçage excessif. C’est de la matière organique, et certains pêcheurs utilisent parfois des dizaines de kilos de produits de ce type, chaque jour, pour appâter le poisson. Non seulement ça n’a pas de sens, mais en plus c’est une catastrophe pour l’équilibre de la gravière. » L’eutrophisation de l’eau qui peut s’en suivre favoriserait en effet la disparition progressive des herbiers, ce qui laisserait le champ libre à l’apparition de cyanobactéries, analyse le chercheur. « Ces bactéries sont neurotoxiques, dermatotoxiques et hépatotoxiques, alors imaginez les conséquences si la gravière est ouverte à la baignade ! »

Le document livre des préconisations qui ont été discutées avec la fédération de pêche du Bas-Rhin. La plus importante prévoit un kilo d’amorçage par pêcheur et par jour maximum, et proscrit cette pratique entre le 15/11 et le 15/03. Les « bouillettes » commerciales, dont la composition interroge les rédacteurs du texte, sont également dans le collimateur.

Plus largement, la charte aborde bien d’autres aspects de la pratique halieutique, à l’image des immersions de poissons en trop grandes quantités. Elle évoque le cas des carpes, jugées capables de « perturber fortement le milieu » : « Ces poissons remuent le fond sans cesse et favorisent la turbidité de l’eau », détaille Serge Dumont. Un empoissonnement est donc déconseillé.

Le « no-kill » dans le viseur

« Nous n’avons pas la capacité, ou l’envie, de forcer les amicales et les associations de suivre ces bonnes pratiques. Mais nous y sommes favorables », appuie de son côté Robert Erb, le président de la fédération des pêcheurs bas-rhinoise, pour qui « la bonne gestion d’une gravière doit tenir compte de la qualité du biotope, et du fait que ces eaux sont connectées à la nappe phréatique ». Le président des pêcheurs a également avalisé les préconisations concernant la pratique du « no-kill », laquelle constituerait une fausse bonne idée. « On n’y est pas totalement défavorables, notamment parce que le no-kill permet de sauvegarder certaines espèces fragiles et de limiter les prises des “viandards”. Mais le poisson n’est pas un jouet, et il faut parfois le sortir pour laisser la place à d’autres. En Allemagne, on commence à interdire le no-kill, c’est un signe : il est temps de responsabiliser la pratique. »

Disponible sur le site web de la fédération [*], la charte a vocation à être diffusée le plus largement possible. Elle est, surtout, le signe d’une prise de conscience de la nécessité de laisser la nature reprendre l’initiative dans des milieux trop anthropisés. Le chemin est tracé, il ne reste qu’à l’arpenter.

[*] http://www.peche67.fr/index.php?p=voir_actualite&idNews=79

La pratique de l’amorçage mène à des excès parfois remarquables, chez certains pêcheurs. Photo : Serge Dumont

La pratique de l’amorçage mène à des excès parfois remarquables, chez certains pêcheurs. Photo : Serge Dumont

Vallée de la Doller - Environnement

Des poissons pilotes dans le lit de la Doller



En partenariat avec la Fédération départementale pour la pêche et la protection des milieux aquatiques du Haut-Rhin, le conseil départemental, soutenu par l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, vient d’initier une étude de suivi des poissons dans la Doller.

Cette opération pilote intervient après une importante campagne de travaux visant à permettre aux poissons de franchir les chutes. Son objectif est d’évaluer le fonctionnement piscicole des aménagements, mais également d’étudier les déplacements des poissons dans la Doller.

Pour ce faire, les passes à poissons de Guewenheim, Sentheim, Lauw et Masevaux-Niederbruck ont été équipées d’antennes destinées à capter les signaux émis par les poissons. Ces derniers ayant préalablement été équipés d’un émetteur.

En tout, ce sont 400 truites, chabots et chevesnes qui ont ainsi été balisés. L’opération durera une année, pourra être renouvelée quatre fois avant que le dispositif ne soit déplacé dans un autre cours d’eau.

DNA (05/05/2017)

 

La balise est implantée sous la peau après une incision. Photo : DNA - Frédéric Stenger

La balise est implantée sous la peau après une incision. Photo : DNA - Frédéric Stenger

Rédigé par ANAB

Publié dans #Pollution-pesticides

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