Le GCO étrillé par les experts

Publié le 25 Août 2017

Le GCO étrillé par les experts

paru dans DNA DNA/Michèle Herzberg (23/08/2017)

Pour plus d'informations voir le site la feuille de chou


STRASBOURG - Impact environnemental du Grand contournement ouest


Les experts du Conseil national de protection de la nature (CNPN) jugent avec sévérité les mesures imaginées par Vinci et la Sanef pour compenser l’impact environnemental de la future autoroute de contournement de Strasbourg.

Les scientifiques du Conseil national de protection de la nature (CNPN) viennent de rendre deux avis défavorables et extrêmement sévères sur les mesures environnementales imaginées pour compenser les effets de la construction de l’A355, la future autoroute de contournement de Strasbourg (Grand contournement ouest).

Pour pouvoir lancer les travaux (en théorie en début d’année prochaine), Arcos, le concessionnaire, une filiale du groupe Vinci et la Sanef, qui construit l’échangeur nord, doivent obtenir un arrêté préfectoral. Cet arrêté dérogatoire à la protection des espèces doit valider les mesures environnementales proposées en compensation des effets sur la nature produits par la construction de l’infrastructure. Pour obtenir cet arrêté qui vaut autorisation de travaux, le dossier compilant l’ensemble des mesures doit être soumis au CNPN, un comité qui réunit 30 scientifiques. Un préalable avant enquête publique.

Les impacts provoqués par les travaux autour du tracé sont « largement minorés » et les impacts permanents « ne sont pas correctement évalués »

Selon la préfecture du Bas-Rhin, aucune date de mise en enquête publique n’est aujourd’hui arrêtée d’autant que, précisent les services de l’État interrogés par les DNA , les avis étant défavorables, « ils appellent la présentation d’éléments complémentaires que les concessionnaires Vinci et Sanef s’emploient à réunir ».

Bref, le passage devant le CNPN le 11 juillet dernier s’est très mal passé et les attendus des deux avis sont particulièrement sévères.

En premier lieu, le CNPN regrette que les conséquences environnementales du vaste aménagement foncier (ou remembrement) déclenché par le GCO sur 11 000 hectares ne soient pas intégrées au dossier qui lui a été soumis.

Et d’ajouter que les impacts provoqués par les travaux autour du tracé sont « largement minorés » et les impacts permanents (boisements détruits, zones humides forestières, continuités écologiques interrompues) « ne sont pas correctement évalués ».

Le CNPN critique certains aspects de la conception même du projet d’autoroute et estime ainsi « regrettable qu’il impacte la frange boisée du massif du Krittwald [à l’extrémité nord, NDLR], très ancien et parmi les plus remarquables de la région, tout cela pour épargner des zones agricoles » (lire ci-dessous). Le fractionnement du massif « aurait dû être en grande partie évité » ajoute-il. Et de résumer : « Les mesures d’évitement et de réduction des secteurs à très forts enjeux (habitats à hamster, à crapaud vert, forêt humide du Krittwald et de la Bruche) ne sont pas suffisamment mises en œuvre dans la conception du projet. »

Les travaux de réalisation du GCO et ses 24 kilomètres à travers le Kochersberg, impactent onze cours d’eau et zones humides, cinq zones de protection du grand hamster ainsi que, précise le CNPN, « des milieux forestiers divers et riches et une zone de plaine céréalière intensive où survit le grand hamster ». Soit 257 hectares de milieux ruraux et naturels. Et d’ajouter dans le décompte, « un impact pour des espèces de flore, des insectes, onze espèces d’amphibiens, cinq espèces de reptiles, quatre-vingt-dix espèces d’oiseaux, des mammifères terrestres et quinze espèces de chiroptères ».

Les experts font des préconisations adressées aux constructeurs et à l’administration. Parmi ces demandes ; une évaluation des impacts environnementaux du remembrement et ce avant l’autorisation des travaux, une rectification et extension des zones de protection à hamster, ou encore la réalisation de la transaction pour l’acquisition de la zone d’Entzheim (notre encadré).

Le CNPN avance deux recommandations qui reviennent à demander des modifications du projet d’autoroute. Ainsi, les experts estiment que les passages pour la faune devraient s’inspirer d’un exemple allemand de rétablissement biologique qui comprend un pont de 100 m de large avec plantation d’arbres et végétation. De même, le CNPN préconise en une formulation peu claire, que « le franchissement de la vallée de la Bruche en viaduc devrait être allongé d’une centaine de mètres sur sa partie est, afin de réduire ses impacts sur la zone humide ».

Le calendrier de Vinci tablait sur un arrêté préfectoral l’autorisant à lancer les travaux, signé à la fin du mois de septembre. Un délai largement compromis.

Entzheim : la base militaire reconvertie en zone écologique ? Oui mais.

Vinci est en négociation avec l’Aviation civile pour l’acquisition de la base militaire d’Entzheim qu’il souhaite reconvertir en zone écologique qui accueillerait des espèces déplacées. Une idée « intéressante » estiment les experts du CNPN sauf que selon eux, la zone doit être acquise avant la signature de l’arrêté préfectoral validant les mesures. Mais surtout, « les sondages demandés par le CNPN ont révélé une pollution aux hydrocarbures et ne permettent pas d’effectuer les reports d’espèces comme le hamster en raison de la mauvaise qualité des sols ». Les scientifiques du comité demandent à Vinci de trouver d’autres sites, mais pas les cinq hectares boisés enserrés dans l’échangeur nord et imaginés comme hypothèse alternative. O.C.

DNA/Paru dans les DNA d'Olivier Claudon (24/08/2017)
Vinci prend acte de l’avis du CNPN et poursuit les travaux préparatoires

Le groupe de BTP Vinci dit prendre acte de l’avis défavorable du Conseil national de protection de la nature (CNPN), révélé hier dans nos colonnes et qui examinait les mesures compensatoires à l’impact sur le milieu naturel de la future autoroute A355. « Nous prenons acte de cet avis du CNPN », indique Margaux Allix, la directrice opérationnelle d’Arcos, la société concessionnaire de l’autoroute, filiale de Vinci. Et d’ajouter : « Il n’est pas rare que des projets fassent l’objet d’un avis défavorable, comme par exemple la rocade sud de Strasbourg, qui est aujourd’hui en travaux. » Pas question toutefois de porter un jugement sur les analyses particulièrement sévères exprimées par les scientifiques. « Nous allons apporter des compléments et sur le terrain, nous poursuivons nos interventions préalables dans le cadre d’un arrêté qui fait suite à un avis favorable du CNPN », dit encore Margaux Allix. Les travaux préparatoires ont été autorisés et lancés en fin d’année dernière. Les déviations de réseaux ont été réalisées en juillet et le concessionnaire annonce pour septembre des déboisements du côté de Vendenheim et Kolbsheim pour la réalisation de diagnostics archéologiques et de sondages géotechniques. L’avis du CNPN est consultatif mais visiblement les services de l’État attendent des éléments complémentaires de la part du concessionnaire avant de lancer l’enquête publique préalable à l’arrêté préfectoral qui autorisera le lancement du chantier en lui-même. Celui-ci était annoncé pour décembre 2017 puis le début de l’année 2018. Désormais, le concessionnaire se montre plus prudent et parle plus laconiquement d’un lancement du chantier « en 2018 ».

forêt de Haguenau  photo "la feuille de chou"

forêt de Haguenau photo "la feuille de chou"

Petite histoire du Krittwald

Parmi les griefs du Conseil national de la protection de la nature (CNPN) contre le projet, l’impact de la création de l’échangeur nord du GCO sur le «Krittwald». Les travaux toucheraient 26 ha et fractionneraient une forêt qui, en plus d’abriter de nombreuses espèces et habitats protégés, est chargée d’histoire.

La forêt de Brumath apparaît dans les chroniques à la fin du XV e siècle sous le nom de Herrenwald.
PHOTO La feuille de chou

Sur l’autoroute A4, un panneau indique Forêts de Brumath et du Grittwald. Ailleurs, on trouve mention d’un Herrenwald , qui serait le massif forestier. Ainsi, Grittwald et autres dénominations correspondraient à des lieux-dits.

Les naturalistes y voient un des dernier vestiges des zones forestières naturelles typiques «du cône alluvionnaire sous-vosgien de la Zorn» peuplé de chats sauvages, de chauve-souris, de pics et de pélobates bruns, des amphibiens.

Pour les membres de la Société d’histoire et d’archéologie de Brumath et des environs, le lieu est un condensé d’histoire régionale. « Cette forêt, rappelle son président, Louis Ganter, appartenait à la noblesse jusqu’à la Révolution, d’où l’appellation de Herren, seigneurs, et Wald, forêt, qui apparaît en 1492. Son histoire est jalonnée de nombreux conflits, notamment entre les communes de Brumath, Eckwersheim et Geudertheim sur le droit d’usage de la forêt qui appartenait aux seigneurs de Hanau-Lichtenberg. »

Les autorités de Brumath et Geudertheim se heurtaient avec celles d’Eckwersheim sur des questions de de périmètres. Et Geudertheim payait « quand bon lui semblait le canon », loyer que les habitants devaient au seigneur.

Avant la Révolution, le lieu était nommé Herrenwald ou Konigswald. Au total, un millier d’hectares de forêt sur les bans de Brumath, Vendenheim et Geudertheim traversé par un fossé alimenté par une source dans les champs de Brumath et coulant jusqu’à l’ancien hôpital de Hoerdt. « En 1778, raconte Louis Ganter, on a 676 hectares de chênes, pins, frênes, avec des secteurs de taillis. En 1734, et 1739 deux tempêtes ont causé de gros dégâts. »

Des pâturages dans la forêt

La forêt servait alors de pâturage. « On pouvait mener en forêt chevaux et vaches mais pas les cochons. » En 1745, il y avait ainsi 1 032 animaux sous la responsabilité du garde-forestier. Et c’est le seigneur qui indiquait quel bois ramasser. «Le bois tombé était partagé. Ceux qui travaillaient pour le seigneur avaient du bois gratuit. Les prêtres de Brumath, Geudertheim et Reitwiller y avaient droit tout comme Gimbrett pour son école. »

Les seigneurs autorisaient « la coupe pour la construction de presbytères, églises, écoles et pour tous les ponts ». En outre, pour le meunier de Brumath et celui de Geudertheim, « le bois était gratuit en cas de dégâts à leur moulin » afin de limiter les riques de disette.

Après 1800, « le Herrenwald était propriété de trois familles. Une de Paris et Osthoffen, un marchand de bois de Brumath, Geutz, et un dernier de Reischoffen ». Geutz vendit sa part en 1850 avant son départ en Yougoslavie. Cette partie a été découpée en parcelles. «Cette zone centrale était la forêt des paysans, avec une parcelle de 36 hectares non vendue car inondable. »

C’est à la même époque que la voie ferrée entre Vendenheim et Haguenau est inaugurée, opérant une nouvelle tranchée dans la forêt.

En 1920-1930, la forêt Herrenwald « est achetée par M. Hoffstetter, marchand de bois et propriétaire de la scierie ». En 1968 commencent les travaux d’aménagement de l’autoroute qui traverse la forêt. Il a fallu dédommager les propriétaires.

Dans les années 60, la partie « au sud de la voie ferrée appartenait à la Caisse d’épargne de Strasbourg (77 hectares) et la partie est (190 hectares) à la Ville de Strasbourg. Subsistait entre l’autoroute et la RN 83, une portion détenue par la famille Hoffstetter qui a créé la société Herrenwald ».

En décembre 1999, le complexe forestier Grittwald, forêt de Brumath, forêt du Herrenwald et le bois de Geudertheim a été gravement touché par la tempête et nombreux sont les automobiliste qui gardent en tête les images des arbres jonchant le sol le long de l’autoroute. La forêt n’est encore que convalescente que de nouveaux déracinements s’annoncent.

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