L'activité humaine peut générer de la biodiversité

Publié le 24 Octobre 2017

Publié sur Sagascience  Renan Aufray (chargé de mission à la FRB)


La Dombes, région située dans le département de l'Ain, a la particularité d'être constellée d'étangs. Ceux-ci ont tous été créés par les habitants de cette région, au Moyen-âge, pour diverses raisons : drainage des sols marécageux, évitant ainsi les maladies liées aux marais (principalement le paludisme) ; apport d'une nouvelle source de nourriture à travers la pêche...
Etang dans les Dombes. Au premier plan, le Thou permet de vider l'eau de cet étang vers un autre.Un système permet de vider les étangs de leur eau et de la transférer vers d'autres plans d'eau. Les étangs vidés sont alors pêchés et peuvent ensuite être remplis de nouveau ou bien servir à l'agriculture pendant une période plus ou moins longue. Cette alternance "mise en eau" / culture permet d'utiliser les limons (des sédiments aquatiques) accumulés pendant la période en eau comme engrais naturels pour les cultures durant les assecs. De plus, le changement cyclique de type d'exploitation entraîne un renouvellement permanent de l'écosystème. Lorsque les étangs passent du mode pisciculture au mode culture, les espèces qui vivaient dans l'eau meurent et d'autres espèces arrivent sur les terres nouvellement émergées. L'inverse se déroule lorsque les étangs sont remis en eau. Cette méthode particulière d'exploitation est donc bénéfique à la biodiversité.

La création des plans d'eau a donc entraîné en Dombes une importante activité piscicole. Sur 12 000 hectares, les quelques 1100 étangs fournissent aujourd'hui entre 150 et 400 kilos de poissons par hectare. La carpe est le principal pêché ; animal emblématique de la région, c'est en fait une espèce introduite depuis le 14e siècle.
La Dombes est aujourd'hui une région connue pour la diversité de ses oiseaux. Une grande quantité d'oiseaux migrateurs passent par cette région en raison des plans d'eau qui leur fournissent nourriture et abris. Et les oiseaux ne sont pas sa seule richesse, une faune et une flore particulières l'habitent et ce, grâce à la grande influence de l'espèce humaine.

Etang dans les Dombes. Au premier plan, le Thou permet de vider l'eau de cet étang vers un autre.Il s'agit donc d'une zone où l'exploitation de la nature et l'important maniement du paysage ont permis le développement d'une biodiversité importante. Mais l'actuelle région d'étangs n'a probablement rien à voir avec les marais qui existaient avant l'aménagement par l'Homme et il faudrait pouvoir comparer la diversité des deux types de paysage pour savoir exactement ce que l'on a gagné et perdu en passant des marais aux étangs. L'alternance de mise en eau et d'assec assure une production conséquente de poissons et de diverses cultures et cet endroit est également un lieu de passage reconnu de nombreux oiseaux migrateurs. Plusieurs espèces se sont installées dans cette région, preuve qu'économie et biodiversité peuvent parfaitement cohabiter !

Des méthodes de gestion respectant la biodiversité

Les populations humaines n'agissent pas systématiquement à l'encontre de la biodiversité. Les méthodes de gestion du paysage qui respectent l'environnement ne manquent pas, et sont appliquées, parfois depuis de nombreuses années, par de multiples acteurs (agriculteurs, gestionnaires, structures de gestion du paysage...). Voici quelques exemples :

La mise en place des bandes enherbées

Les bandes enherbées correspondent à des zones tampons, ni cultivées ni pâturées, situées principalement entre les parcelles agricoles et les bords des cours d'eau. Ces bandes de terre ne reçoivent aucun traitement de la part des agriculteurs et sont parfois plantées de végétaux particuliers qui absorbent fortement les surplus de produits phytosanitaires provenant des parcelles agricoles. Elles permettent ainsi la diminution de la contamination par des produits polluants des rivières et des nappes phréatiques.Une bande enherbée de 6 mètres correctement réalisée peut ainsi intercepter jusqu'à 85 % des produits phytosanitaires qui ruissellent. Qui plus est, elle favorise également l'infiltration de l'eau dans le sol en filtrant les eaux de ruissellement. En outre, les bandes enherbées abritent des espèces prédatrices des « organismes ravageurs » de culture. Elles servent donc de refuges aux espèces qui ne peuvent plus vivre en zone agricole intensive. Mais ce type d'aménagement n'a pas la même portée écologique que le recours à une agriculture moins intensive. Les bandes enherbées apportent un peu de biodiversité dans un milieu qui en est très pauvre.

La fauche tardive sur le bord des chemins

Cette méthode consiste à attendre la fin de l'été avant de faucher le bord des routes, le temps que les plantes fleurissent et fructifient. Les fleurs nourrissent les insectes pollinisateurs (papillons, abeilles...) qui jouent un rôle primordial dans la reproduction des plantes et donc la création des fruits de nos vergers par exemple. Les fruits des plantes de bord de route, quant à eux, nourrissent quantité d'animaux, des rongeurs aux insectes en passant par les oiseaux. Cette méthode, très favorable au maintien d'une certaine biodiversité et dont le coût est quasi nul, puisqu'elle ne consiste qu'à déplacer les dates de fauche, a été testée en plusieurs endroits de France par les différentes gestionnaires routiers et même par la SNCF.

Le maintien des haies et du paysage de bocage

Paysage bocager près du Creusot. Le bocage, paysage d'origine anthropique, est un ensemble de parcelles de prairies séparées par un réseau de haies servant de barrières naturelles. Elles remplissent de nombreuses fonctions : le maintien des sols et la diminution de leur érosion par le vent, l'abri de nombreux animaux et végétaux, l'apport d'ombre et d'humidité pour les animaux d'élevage, la mise en place de microclimats et la filtration de l'eau et de polluants. Elles servent également de corridor biologique, c'est-à-dire de chemins utilisés par la faune ou la flore, pour relier deux écosystèmes (deux forêts par exemple). Les corridors écologiques sont très importants car en faisant la liaison entre deux écosystèmes, ils diminuent la fragmentation du paysage, source importante d'érosion de la biodiversité.

Par les différentes fonctions qu'elles remplissent, les haies sont une véritable source de biodiversité au sein des systèmes agricoles, ce qui se répercute positivement sur ces derniers (pollinisation, qualité des sols, microclimats...).

Rédigé par ANAB

Publié dans #Biodiversité hors région

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