Pratiquez les spores extrêmes dans le Forez

Publié le 30 Septembre 2019

Amis lecteurs,  je vous rappelle que nous organisons une sortie champignons dans notre région d'Alsace Bossue guidée par notre mycologue en chef, Gilles.
Cette sortie est ouverte à tous mais sur réservation, ceci  pour vous donner le meilleur accueil possible. (écrire sous l'adresse contact du blog en haut à gauche dans le bandeau noir de cette page).

Initiation et découverte des champignons guide Gilles de l'ANAB

RDV
le dimanche 6 octobre à 14h00
Lieu : Sarre-Union, route en direction Oermingen

Durée : 3 heures environ A prévoir: bonnes chaussures de marche et un siège de camping.

 

 

es Sapinières du plateau de La Chaise-Dieu sont le royaume des champignons. Ici Chrysomphalina chrysophylla s'ébrouant en liberté

es Sapinières du plateau de La Chaise-Dieu sont le royaume des champignons. Ici Chrysomphalina chrysophylla s'ébrouant en liberté

Publié sur Lavie le 27/9/2019
 

Dans les sapinières d'un plateau auvergnat réputé pour ses cueillettes de champignons, Christian Hurtado nous éclaire sur la diversité d'un règne fongique étroitement lié au destin de la forêt.

Deux taches mauves ressortent sur le vert tapis de mousse qui couvre le sol, au creux du vallon. Longeant le ruisseau, Christian Hurtado, président de la Société mycologique, botanique et lichénologique d'Auvergne, se penche sur sa trouvaille : « Des chanterelles violacées. C'est typique de la région. Ici, on appelle ça des massues. D'habitude, on en trouve aussi un peu plus haut dans la forêt, mais des arbres ont été coupés, et elles ont disparu. » L'écho d'une tronçonneuse au loin rappelle que le champignon sauvage n'est ici qu'un sous-produit de l'exploitation forestière. Les sapinières du plateau de La Chaise-Dieu, dans le parc naturel régional du Livradois-Forez, entre Haute-Loire et Puy-de-Dôme, sont parmi les plus vastes de France. Mais aussi parmi les plus prisées des amateurs de champignons. « Vous êtes sur un plateau granitique, à 1000 m d'altitude. Ici, la forêt conserve l'humidité », explique Christian Hurtado. Autour de La Chapelle-Geneste, siège de l'association, trois conserveries de champignons ont bâti leur prospérité sur ces conditions exceptionnelles mais fragiles.

Bolets, russules et clavaires

« Le problème, c'est qu'il y a des ânes qui ont tout retourné », peste le mycologue, pointant les bolets et russules sectionnés qui jonchent la forêt. Un cèpe d'été, boletus aestivalis, a échappé aux promeneurs du matin. Le geste du spécialiste est extrêmement doux et précis. « J'arrache le pied plutôt que je ne le coupe, ça lui évite de pourrir, et je rebouche le trou, car le mycélium n'aime pas la lumière. » Parcourant les taches de lumière que le soleil matinal dessine à travers les sapins blancs, bouleaux et autres épicéas, chaque regard vers le sol est l'occasion de découvrir une nouvelle espèce. « Là, il y a une belle russule olivacée », pointe Christian Hurtado, qui fait la leçon : « Il existe environ 800 russules différentes, de toutes les couleurs. Des clavaires, comme cette clavaire pâle, on en compte 130 environ. C'est tout un monde. » Tubes orange, pieds rouges, chapeaux bleus, les formes et les couleurs se succèdent dans une débauche de créativité, que le spécialiste parsème de noms latins. « Pour mon livre, j'ai photographié 900 espèces de champignons, dit-il. Dont au moins 700 dans cette forêt ! » Dans son gîte de La Chapelle-Geneste, l'ingénieur retraité et mycologue amateur, qui donne des cours à la faculté de pharmacie de Lyon, accueille des groupes de toute la France avides de la fabuleuse diversité fongique du plateau auvergnat.

Il existe environ 800 russules différentes, de toutes les couleurs.

Des Destins étroitement liés

Sous une rangée d'arbres bien alignés, au plus profond du bois, une Sparassis crispa, ou « morille d'automne », est repérée. « Je ne m'attendais pas à la trouver ici, sous les épicéas, s'étonne Christian Hurtado. Il doit y avoir une souche de pin pas loin. » Effectivement, la mousse environnante recouvre une vieille souche, relique d'une précédente intervention forestière. Arbres et champignons ont leurs destins étroitement liés. « Quand on trouve un "coin à cèpes", c'est que le mycélium du champignon est en dessous. Ce que vous appelez champignon est l'organe reproducteur, l'équivalent du fruit, explique le mycologue. Entre le mycélium et la radicelle de l'arbre, il y a un échange, où chacun trouve son compte. Mais on a encore plein de choses à découvrir sur ce point. C'est pour ça qu'il est dommage de réduire la mycologie au comestible. » De fait, lorsqu'il rentrera de cueillette, Christian Hurtado examinera les champignons au microscope plutôt qu'il ne les passera à la poêle. « J'en ai très peu mangé, et quand je sais ce qu'il y a dedans... Tenez, voici un bolet bai ! Côté goût, ça vaut le cèpe, mais ça concentre la radioactivité. » Véritables pompes du sol forestier, les champignons collectent également les métaux lourds. Sans compter les toxines naturellement présentes et que l'usage traditionnel des champignons a parfois sous-estimées. « Tout le monde croit savoir. Mais les connaissances sur la toxicité évoluent. » À nos pieds, un paxille enroulé sert d'exemple parfait. « J'en ai trouvé dans un vieux bouquin de cuisine, mais en fait il est mortel ! », lâche notre hôte, à moitié amusé. Puis, plus inquiet : « On n'a pas vu la russule belette, qui pousse pourtant sous les épicéas. Eh bien, depuis la sortie de mon livre, où je l'avais classée comme comestible, elle est devenue toxique... » Pour les comestibles courants, c'est la dose qui fait le poison. « J'ai cueilli des trompettes des morts pour ma fille, elle m'a assuré en manger peu à la fois et étalé dans l'année. Elle a bien retenu la leçon. Il faut aussi penser à ouvrir le couvercle de la casserole pour laisser échapper toutes les toxines, comme l'agaritine des champignons de Paris, qu'il faut éviter de manger crus. »

Véritables pompes du sol forestier, les champignons collectent également les métaux lourds.

Bio-indicateurs de l'état des forêts

L'église de Saint-Alyre-d'Arlanc sonne les 12 coups de midi. Nous entrons dans une partie plus sèche de la forêt, faiblement ombragée par des pins et couverte de callune, une bruyère aux fleurs roses. « J'essaie de faire passer le message que les champignons ne se cantonnent pas aux quatre ou cinq espèces que l'on trouve en magasins, on en est à 35.000 espèces recensées ! », précise Christian Hurtado, qui pointe, sur un pin sylvestre, un discret lichen. Pseudevernia furfuracea est utilisé dans l'industrie cosmétique pour fixer les parfums. Les usages médicinaux sont bien plus nombreux : « Les lichens sont là depuis 500 millions d'années, ils ont eu le temps d'élaborer des substances pour se protéger. On a extrait plus de 700 acides lichéniques. L'un d'eux agit contre l'hépatite C. » Le rhizocarpon, qui gagne d'un dixième de millimètre par an sur cet imposant rocher, est utile pour mesurer la pollution de l'air. « Ce sont des bio-indicateurs de l'état des forêts », explique le spécialiste, qui, en partenariat avec la direction régionale de l'environnement, a formé 130 personnes à reconnaître huit types de lichen. En souhaitant de tout coeur que les champignons deviennent, avant tout, un outil de connaissance et de protection de la forêt.

Savoir observer, ramasser et déguster

Afin de ne pas perturber la dispersion des spores, qui permet aux champignons de se reproduire, la première règle est d'éviter de les abîmer. Il ne faut les cueillir que pour une observation poussée ou une consommation. Ne jamais manger un champignon qu'on n'a pas identifié à l'aide d'un spécialiste ou d'un guide papier. Le mycélium étant fragile, il faut éviter de le couper, et déraciner délicatement le champignon.

Rédigé par ANAB

Publié dans #champignons

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B
Bonjour à tous, et merci à l'équipe de l'ANAB pour les articles toujours intéressants, à un rythme impressionnant. Bravo de le tenir dans la durée. J'ai longtemps hésité avant de m'abonner à cette newsletter, ayant tellement déjà d'autres choses ... mais je ne le regrette pas, les articles sont faciles à lire et diversifiés, sur des sujets qui m'intéressent toujours. Bonne continuation à Gilles, Roland et à tous les autres que je ne connais pas. Cordialement, Bernard.
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R
Bonjour Bernard,<br /> <br /> <br /> c'est très gentil ton commentaire et venant de toi nous l'apprécions d'autant plus<br /> que nous te savons très occupé.<br /> <br /> Oui nous avons plusieurs rédacteurs d'articles originaux. Tu trouveras aussi les signatures, d'Etienne, Hans, Francis<br /> et les contributions très importantes de Christian, Bernard (= un autre Bernard We.) et d'autres...<br /> Oui cela demande de l'effort pour choisir et écrire des articles.<br /> Petite remarque au passage, nous acceptons volontiers de reposter des articles déjà écrits sur les myxomycètes ou autres,<br /> si accessibles à un large public, que tu voudras nous confier.<br /> L'important est d'ouvrir l'information, les connaissances et conserver un côté local et original<br /> dans le but essentiel de protéger la nature et la biodiversité.<br /> <br /> Au plaisir de te lire ou de te revoir.<br /> <br /> -- <br /> Bien cordialement <br /> <br /> Roland