Enquête mycologique, épisode 15, Candolleomyces condolleana
Publié le 3 Juillet 2021
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.
Ces derniers jours ont été arrosés et orageux, faisant suite à un épisode de forte chaleur. Des conditions idéales pour que les loups sortent du bois, où plutôt que les champignons pointent leurs chapeaux. Très rapidement, le téléphone de la brigade d’identification des champignons (BIC) se remit à sonner. Un promeneur signala qu’une lisière de forêt était prise d’assaut par un gang de champignons, des dizaines et des dizaines avaient pris possession du terrain. C’était l’heure pour l’enquêteur de se rendre sur place.
Scène du crime
Nous sommes le 30 juin 2021, dans la forêt de Zetting. Au moins une trentaine de champignons se trouvaient en lisière au sol
Arme du crime
Un champignon qui pousse au sol peut signifier qu’il fait soit des associations avec les arbres (on dit qu’il est mycorhizien), soit qu’il se nourrit de matière en décomposition (on dit qu’il est saprotrophe ou décomposeur). Ce n’est jamais facile à évaluer d’emblée et dans ce cas il faut examiner la base du pied. Ici l’enquêteur observe une accumulation de débris organique, ce qui donne un indice allant vers un saprotrophe. L’enquêteur en profite aussi pour rappeler qu’on n’appréhende jamais un suspect sans avoir observé la base de son pied.
Profil du suspect
Le profil est classique, champignon avec un pied, chapeau et des lames. Ce qui surprend de prime abord est que ces champignons forment une véritable « colonie ». On dit que leur pousse est grégaire. C’est un point important à noter. Le chapeau est légèrement convexe, les lames grisâtres, adnées et serrées, crénelées et le pied lisse, fragile et creux. L’odeur est un peu fruitée. Il n’y a pas d’éléments significatifs à la base du pied comme un bulbe, une volve ou des cordons de mycélium. Le champignon est fragile à la manipulation.
L’observation des voiles montre qu’il y a des résidus de voile blanc sur le chapeau et le pourtour, surtout sur les jeunes spécimens. C’est un point important à observer. Pour l’enquêteur c’est une aubaine de disposer de suspects à différents âges car celui lui permet d’avoir une vue globale sur toutes les caractéristiques. Chez plusieurs gangs, comme celui des cortinaires, des psathyrelles ou des agarics, certains caractères disparaissent quand le spécimen grandit, ce qui rend l’identification quasiment impossible.
Empreinte des spores
La couleur de la sporée est noire
La conclusion de l’enquêteur
Le profil plutôt grêle, la fragilité, le caractère saprotrophe, la présence d’un voile, la couleur des lames pâles grisâtres, tous ces éléments orientent vers un membre du gang des psathyrelles. On a ici la Psathyrelle de De Candolle, un classique dans ce gang qui apparaît en général rapidement après des pluies abondantes. Exceptés quelques membres facilement identifiables comme notre suspect, c’est très difficile d’identifier un membre du gang des psathyrelles sans passer par une longue étude microscopique. On estime à environ 180 le nombre d’espèces de psathyrelles en Europe.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)
Voir aussi notre article: Psathyrelle de De Candolle, Psathyrella candolleana