Enquête mycologique, épisode 16, Peziza arvenensis (Pézize d'Auvergne)
Publié le 24 Juillet 2021
Identifier un champignon n’est pas chose aisée au premier abord et c’est pourtant une démarche essentielle pour éviter toute fâcheuse méprise qui peut devenir fatale si on consomme un champignon toxique ou mortel.
Le mois de juillet est décidément pluvieux, ce qui ne peut que ravir les gangs fongiques qui en profitent pour sortir du bois. C’est aussi l’occasion pour l’enquêteur de la Brigade d’identification des champignons (BIC) de faire des rondes de contrôle en forêt. Et très rapidement l’enquêteur tombe sur un spécimen.
Scène du crime
Nous sommes le 11 juillet 2021, dans la forêt de Siltzheim. Au sol se présente un champignon en forme de coupe, de couleur brune jaunâtre
Arme du crime
Les champignons en forme de coupe sont tous des décomposeurs de la matière organique
Profil du suspect
La morphologie en coupe est classique dans le groupe des champignons ascomycètes. Ces champignons ne fabriquent pas leurs spores dans des basides mais dans des « sacs » qu’on appelle des asques. La forme en coupe est en mycologie une apothécie et elle caractérise notamment les pezizes. Il y en a de toutes les couleurs et tailles et les identifier nécessitent les compétences du service scientifique. De prime abord, il faut prêter attention à la couleur de la coupe, intérieur et extérieur, si le bord est crénelé, s’il présente un pied et enfin l’endroit où il pousse. On est ici sur un sol forestier, sur de l’humus. On observe la présence d’un petit pied
L’examen par la police scientifique
Pour identifier plus précisément ce suspect, un examen microscopique est indispensable.
Le réactif utilisé est le Meltzer, pour tester une rection chimique entre l’iode du réactif et un sucre qui peut être présent dans un champignon. Cette caractéristique se traduit par une coloration bleue au microscope. Ici seul le haut des asques est bleu. Les spores sont elliptiques, sans gouttes à l’intérieur, de longueur inférieure à 18 micromètres et ponctuées de verrues. La manipulation n’a pas été faite ici mais le réactif bleu coton permet de mieux visualiser les ornements.
Entre les asques se trouvent des cellules allongées et stériles, les paraphyses. L’étude de leur morphologie est importante. Elles sont ici filamenteuses, avec une tête capitée.
Enfin, l’étude de la texture de l’apothécie est un élément important à observer. On observe, si on fait une coupe transversale, à chaque extrémité une couche de cellules globuleuses, la Textura globulosa, avec au milieu, un enchevêtrement de filaments de mycélium, la Textura intricata. Cette Textura fait environ 1/5 de la texture totale. Cet élément est important chez les pezizes, car ce qui sépare certaines espèces est la présence ou l’absence de cette Textura intricata ainsi que son épaisseur.
Textura intraca entourée de Textura globulosa de Peziza arvenensis . Pézize d'Auvergne Photo Gilles Weiskircher (Anab)
La conclusion de l’enquêteur
Avec tous ces critères, on est en présence très vraisemblablement de Peziza arvenensis. C’est un groupe très difficile, comprenant des espèces très proches et semblables comme cerea, repanda, micropus. Ces espèces ont des écologies qui se recoupent et des caractères microscopiques très proches. Selon les mycologues, l’approche pour les identifier n’est pas identique. Les pezizes, ce n’est pas une mince affaire.
Statut de protection:
Cette espèce Peziza arvenensis (Pézize d'Auvergne) est peu fréquente dans certaines régions comme la Lorraine. Elle y est classée déterminant ZNIEFF. Les ZNIEFF , Zones Naturelles d’Intérêt Écologique Faunistique et Floristique ont pour objectif d’identifier et de décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab)