La petite route
Publié le 24 Février 2015
Une petite route par un joli matin d’automne presque ordinaire… J’y ai croisé successivement un blaireau, un hérisson, trois renardeaux, un merle, un autre hérisson ! Le tout, sur une portion de départementale d’à peine 20 km.
L’ennui, c’est que, hormis une buse planant haut dans les cieux, une chevrette traversant promptement dans la lueur des phares et le vol saccadé d’un pic épeiche, toutes les bêtes croisées ce matin-là n’avaient plus aucune possibilité de fuite, écrabouillées qu’elles étaient, certaines au milieu, d’autres au bord de cette maudite chaussée, décidément bien meurtrière ! Circulant peu, j’avais oublié combien la route (fût-elle petite et peu fréquentée…) pouvait être assassine ! Cette horreur était tout bonnement routinière, coutumière, à tel point que rares étaient les usagers à y prêter encore quelque attention !
J’étais accablé et véritablement choqué par ce spectacle désolant. De plus, à la réflexion, sans doute n’avais-je vu qu’une partie des victimes : d’autres bêtes ayant probablement été percutées puis projetées dans le fossé proche, d’autres encore ayant tellement été raplaties par les puissantes roues que les petites dépouilles avaient certainement été littéralement avalées par le bitume et, de fait, ne laissaient plus qu’une petite trace à peine visible… Et puis, qui peut imaginer le nombre d’escargots imprudents, de grenouilles ou de crapauds ignorants les règles élémentaires de sécurité routière ? Qui se soucie du rapace ou du corbeau freux qui, pensant pouvoir profiter de la mésaventure malheureuse d’un petit rongeur qui venait de se faire happer il y a peu, allait, à son tour, périr heurté par un autre véhicule ? Certes, lorsque la victime percutée est de taille, il arrive que l’automobiliste concerné se donne la peine de stopper son engin : ramassant même quelquefois le lapin ou le lièvre… avec l’idée saugrenue d’en faire un ultime civet ! Enfin, il y a ces usagers qui n’ont d’autre possibilité que de s’arrêter lorsque leur route a malencontreusement croisé celle d’un chevreuil ou d’un sanglier : là, le choc est généralement rude et il arrive même que l’accident ne coûte pas la vie uniquement à la pauvre bête…
La route, une véritable calamité pour la faune.
Si on dénombre bien sûr des animaux domestiques (chiens, chats) parmi les victimes, voire quelquefois du bétail, le gros de l’hécatombe touche plus sûrement la faune sauvage – insectes y compris – et certaines périodes s’avèrent plus meurtrières que d’autres : ainsi, la fin de l’été (lorsque les petits commencent à s’émanciper et que les parents les chassent…) et les périodes de grands froids (quand les animaux sont contraints de parcourir de grandes distances pour trouver leur nourriture) sont-elles généralement entachées de tragédies à multiples répétitions ! Lorsque au printemps, les hérissons rescapés sortent de leur torpeur hivernale, on assiste, là encore, à un véritable massacre : selon certains observateurs, plus de 20 % de la population de ces petits mammifères finit ainsi, sur la route, sous forme de bouillie (1) ! C’est évidemment considérable, et l’indéniable calamité nationale, que constitue ce seul carnage, mériterait quelques aménagements susceptibles d’assurer davantage de sécurité aux animaux voire de les tenir à l’écart du trafic routier !
Les obstacles de protection.
Les solutions existent et sont largement connues : du simple agencement (des berges de cours d’eau, des coteaux, des talus de voies ferrées ou d’autoroutes…) en voies de déplacement et en refuges pour la faune à l’installation plus élaborée de divers obstacles artificiels qui empêcheraient certains animaux de franchir la chaussée… Avec un peu de volonté, il y a des solutions efficaces ! L’objectif principal étant la préservation des espèces, celle des espaces naturels est bien entendu indissociable : plus on permettra le développement d’une végétation spontanée et buissonnante, moins les bêtes auront ce besoin de traverser les routes ! Ceci est particulièrement vrai pour le hérisson mais concerne bien entendu de nombreuses autres espèces.
Or, l’actuelle politique environnementale privilégie toujours davantage l’uniformisation des paysages et leur appauvrissement à tous points de vue et ne semble nullement se soucier des millions d’animaux morts, dus aux routes ! Pourtant, outre la perte inestimable en matière de biodiversité, ces accidents (fatals pour l’immense majorité des bêtes) représentent également un coût considérable tant en sinistres (pour les compagnies d’assurances) qu’en blessures et en vies humaines lorsque la collision a lieu avec un gros animal ! Cela ne mériterait-il pas d’être pris en compte ? Pour autant, on observe une constante régulière : le nombre de véhicules ne cesse d’augmenter et, en matière d’infrastructure, tout est invariablement mis en œuvre afin de privilégier la vitesse (élargissement et rectifications de petites routes, abattages systématiques des arbres et des haies etc.) sans le moindre égard pour le monde animal !
Des installations efficaces.
Heureusement, quelques associations luttent pour la préservation des espèces ! C’est ainsi que, ponctuellement, sont mis en place des « crapauducs » permettant à des milliers de batraciens de rejoindre leurs lieux de reproduction. Grâce à des sollicitations (parfois longuement réitérées…) des passages spéciaux sont quelquefois installés, des structures hydrauliques voûtées pour les cours d’eau utilement réalisées… C’est bien peu de choses en regard de l’évidente gravité du phénomène mais, c’est déjà ça ! Si l’on y ajoutait, pour chaque conducteur, une dose de bon sens et une initiation (même sommaire) au respect du vivant, peut-être que les populations animales s’en porteraient bien mieux…
Il n’est pas simple d’éviter une collision avec une bête surgissant sans prévenir ! De fait, peu d’animaux survivent à ces chocs généralement violents : pour l’automobiliste, il incombe donc de lever le pied et de redoubler de vigilance selon les périodes (printemps, automne, hiver, aube ou crépuscule…) et les endroits (forêts…). Enfin, si l’accident n’a pas pu être évité, il convient de s’arrêter afin, le cas échéant, de porter secours à l’animal si celui-ci est blessé : on peut, selon le cas, l’emmener chez un vétérinaire (2) ou encore prévenir une personne compétente (3).
Si la victime n’a pas survécu, dans la mesure du possible, la déposer sur le bas-côté afin que les nécrophages puissent se charger de l’élimination du cadavre et ainsi d’éviter qu’un éventuel charognard se fasse heurter à son tour…
Sur ce : bonne route et, naturellement, prudence… autant pour vous que pour « eux » !