« Nuisible » ? C’est celui qui le dit qui y est !
Publié le 26 Juillet 2015
Plusieurs consultations publiques étaient organisées ces dernières semaines par le ministère de l’écologie avec comme sujet récurrent : les pseudos « nuisibles » et les modalités de destruction des animaux en question ! Pour qui connait un tant soit peu la nature, cette qualification est on ne peut plus injuste et stupide : la notion de nuisibilité étant parfaitement subjective et ne prenant évidemment en compte que des intérêts ponctuels et personnels…
Autant dire que les chasseurs et autres destructeurs patentés de la nature se mobilisent en nombre à chaque sollicitation du genre : pour eux, il est tout simplement inimaginable que certaines espèces autres que celles qui les intéressent en premier chef –en l’occurrence les chassables- bénéficient d’un statut particulier ! Pour bien des chasseurs, la nature se limite en effet à bien peu de choses : les espèces classées « gibiers », sujets de toute leur tendre attention et intérêt, celles cataloguées comme « nuisibles », généralement honnies mais donnant par ailleurs l’occasion de les détruire toute l’année y compris en période de fermeture officielle de la chasse et… tout le reste, ne présentant strictement aucun intérêt pour tout Nemrod qui se respecte !
C’est l’ignorance et la méconnaissance des interactions entre les espèces qui, dans le passé, ont conduit à ces cloisonnements et classifications jugés aujourd’hui parfaitement incohérents mais, ancrés dans les mœurs et croyances populaires et, de ce fait, quasi indéboulonnables ! C’est ainsi qu’en dépit des connaissances actuelles, pour le plus grand nombre, « prédateur » signifie forcément « nuisible » et présente une quelconque menace sinon un danger certain pour la société !
C’est évidemment absurde puisque dans la biosphère aucune espèce n’est véritablement nuisible tant que l’équilibre « prédateurs/proies » n’est pas perturbé… Or, c’est là que le bât blesse : à force de détruire les prédateurs, en toute logique, les espèces proies prolifèrent causant naturellement des dégâts et amenant l’homme à devoir intervenir avec notamment un emploi massif d’anticoagulants (pour tuer les rongeurs) d’où une réaction en chaîne et une perturbation des équilibres naturels !
La chose est entendue et pourtant…
Si, à l’heure actuelle, on sait parfaitement identifier le problème, c’est une toute autre affaire que d’y remédier de manière pertinente et sensée ! Certes, les vieilles croyances ont la vie dure mais, ce n’est pas tout…
Prenons l’exemple du renard. Son rôle de prédateur et de gros consommateur de rongeurs (1) bénéfique aux écosystèmes et aux activités humaines est désormais communément reconnu… mais, pour autant, bien loin d’être admis ! En effet, c’est plus fort qu’eux : les chasseurs ne peuvent s’empêcher de les éliminer dès qu’ils en ont l’occasion ! Et il en est de même pour les fouines, les martres, les putois et autres belettes et hermines… Certains oiseaux sont eux aussi les cibles régulières des porteurs de fusils dont la seule vue d’une pie, d’un corbeau, d’une corneille, d’un étourneau ou d’un geai les fait aussitôt dégainer et cela par pur plaisir puisque, hormis quelques cas particuliers, de telles destructions ne se justifient vraiment pas !
Concrètement, il s’agit là d’un véritable défouloir pour les chasseurs qui, de plus, est « légal » puisque les animaux concernés figurent sur la liste de ces fameux animaux « nuisibles »… et, cela ne semble pas choquer grand monde et certainement pas le législateur à qui ces questions indiffèrent au plus haut point.
L’alibi de la « légitime défense » si régulièrement invoqué pour justifier ces actes est de fait parfaitement inique puisque, comme on l’a vu, généralement infondé ! L’opinion publique, formatée par des décennies d’élucubrations aussi fantasques que mensongères laisse faire sans se poser de question et c’est là le véritable drame qui aboutit à un dérèglement total de la biodiversité.
Il faut en finir avec la notion de nuisible.
N’ayant véritablement aucun fondement biologique, il serait grand temps d’actualiser la réglementation en vigueur et cesser d’offrir des animaux en pâture à des chasseurs avides de massacres leur permettant de satisfaire leurs pulsions meurtrières !
Enfin, il faut rappeler qu’outre les tirs, la législation permet le recours au piégeage et ce par tous les temps y compris en période de reproduction. Il en est de même pour l’odieuse pratique du déterrage qui, tout comme certains pièges, engendre des heures d’angoisse et de souffrances aux animaux traqués. Ces méthodes particulièrement cruelles et barbares sont, aujourd’hui, parfaitement légales : de fait, ce sont les instances cynégétiques qui « conseillent » officieusement les pouvoirs publics qui ne rechignent en rien à satisfaire ces « amis » singulièrement influents !
Le loup inlassablement visé aussi.
Toujours organisée par le ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, une autre consultation invitait le public à donner son avis sur, d’une part, le nombre maximum de loups (à savoir 36) pouvant être « détruits » durant la période 2015-2016 et, d’autre part, sur les conditions dans lesquelles ces « destructions » pourront être organisées (2). Vous remarquerez que, pour les pouvoirs publics, les loups tout comme l’ensemble des bêtes d’ailleurs, sont volontairement assimilés à des choses ou des objets (que l’on « détruit » par conséquent) et non à des êtres vivants que l’on tue en tant que tels ! C’est une manière comme une autre de déshumaniser le sujet…
Ainsi, le loup, espèce pourtant protégée, sera-t-il à nouveau pourchassé et abattu et cela tout à fait légalement puisque c’est un arrêté ministériel qui valide lesdits abattages ! Une fois encore, on se préoccupe surtout de contenter chasseurs et éleveurs en se souciant peu ou prou d’instaurer une réelle cohabitation entre élevage et loup !
Bref, on préfère tirer des loups (cela fera éminemment plaisir aux chasseurs qui ne demandent pas mieux…) plutôt que d’inciter les éleveurs à mettre en place une protection efficace de leurs troupeaux ! Voilà qui est déplorable et montre que les nuisibles ne sont pas forcément ceux que l’on veut bien nous faire croire !
1. On estime à 6 000 le nombre de rongeurs consommés par un renard en une année ! 2. http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projet-d-arrete-fixant-les-conditions-et-limites-a1022.html?id_rubrique=2