Fin de parcours pour le golf

Publié le 21 Octobre 2015

Vingt ans et près de deux millions d ’euros dépensés plus tard, le projet de golf public de la Sommerau est mort-né. Enterré par les efforts acharnés des opposants et les contraintes budgétaires des collectivités. La décision a été annoncée hier soir.
Il n’ y aura pas de golf sur ce terrain situé à la Sommerau, non loin de Marmoutier et de Saverne. Photo : DNA

Il n’ y aura pas de golf sur ce terrain situé à la Sommerau, non loin de Marmoutier et de Saverne. Photo : DNA

18 novembre 2014, par un petit matin froid et gris. Ils sont une poignée d’opposants, cinq ou six riverains, rejoints dans l’après-midi par des militants d’ Alsace Nature sur le site prévu pour le golf de la Sommerau, alors qu’un engin de chantier y installe ses chenilles. Un militant menace de poursuivre le conducteur en justice s’il continue. Celui-ci stoppe sa machine.
Le soir même, une réunion houleuse se déroule à l’hôtel de ville de Saverne. Le maire, Stéphane Leyenberger, est depuis avril 2014 président du syndicat mixte du golf de la Sommerau, regroupant les collectivités porteuses de ce projet : le premier golf public dans le Bas-Rhin. Au terme de la réunion, pressé par les opposants et par l’État, le maire calme le jeu et annonce une pause pour les travaux. Il a sans le savoir mis un genou à terre ; le projet ne s’en relèvera pas.
Personne ne l’imagine à ce moment-là, mais le chantier ne reprendra jamais. Depuis, hormis l’appui des partisans du golf avec à leurs côtés les maires des communes limitrophes de Birken-wald et d’ Allenwiller, le président se retrouve politiquement isolé. La dramatique affaire du barrage de Sivens, survenue quelques jours à peine avant le début du chantier (fin octobre, un jeune homme a trouvé la mort lors d ’une manifestation contre la construction d’un barrage dans le Tarn), est passée par là. L’État, prudent en ces temps de fortes tensions, ne veut pas voir l’ histoire se répéter.
Les opposants, requinqués, manifestent dans les rues de Saverne et continuent leur guérilla juridique. Imperceptiblement, le terrain d’affrontement se déplace de l’écologie à celui de l’argent public. En ces temps de crise, les collectivités en difficulté renâclent à lâcher les sommes promises. Stéphane Leyenberger lui-même a été élu à Saverne en mai 2014 sur une promesse de bonne gestion des deniers publics. Le 8 décembre 2014, le conseil municipal savernois vote une subvention de 200 000 € pour renflouer le projet, mais ne s’engagera pas plus loin.
Le projet paraît de plus en plus mal emmanché. Ce golf, qui quelques mois plus tôt semblait encore inévitable à certains, même parmi des opposants parfois découragés par 20 ans de lutte, soudain prend l’eau.
Le dernier coup sera porté en juin 2015. Alors que les élus du syndicat mixte se félicitent des résultats d’un rapport d’expertise environnementale favorable aux promoteurs du projet, ils apprennent que l’État ne versera pas les 500 000 € promis par le biais du Conseil national pour le développement du sport. Une somme considérable, s’agissant d’ un budget total de 5,3 M €, dont 1,865 M€ ont déjà été dépensés (860 000 € pour les acquisitions foncières, 435 000 € pour la maîtrise d’œuvre et les études, 570 000 € pour le fonctionnement du syndicat depuis sa création en 2003). Qui paiera la différence ?
L’argent étant comme toujours le nerf de la guerre, l’association pour la réalisation du golf public de la Sommerau lance une collecte auprès du grand public et des entreprises, qui permet de récolter 40 000 €. Trop peu, trop tard.
La construction doit en effet reprendre avant la date butoir du 6 février 2016, et il reste plusieurs centaines de milliers d’euros à rassembler. Qui plus est, si le chantier devait démarrer, cela se ferait en pleine COP 21, la grande conférence internationale sur le climat prévue en décembre à Paris. Pas le meilleur contexte politique pour une nouvelle lutte sur le terrain de l’écologie. Et puis surtout, en ces temps de disette budgétaire et de bouleversements pour les régions, une rallonge de la part de la Région Alsace ou du Département du Bas-Rhin paraît hautement improbable.
C’est pourquoi hier soir, lors d’une réunion du conseil syndical rassemblant à Marmoutier les représentants des collectivités concernées, le syndicat mixte du golf de la Sommerau a annoncé que « les conditions pour une réalisation sereine du projet ne sont plus réunies ». Observant que « les tergiversations administratives de l’État et ses exigences normatives supplémentaires accumulées durant plusieurs années avaient déjà fragilisé grandement la réalisation de ce projet », les délégués du conseil syndical présents hier soir ont regretté « la décision de l’État de ne plus apporter son soutien financier et politique à ce projet ».
Au vu de la situation, le syndicat a indiqué ne plus être en mesure d’apporter « toutes les garanties financières nécessaires au démarrage du chantier » avant les délais fixés pour la caducité du permis d’aménager, soit le 6 février 2016. Cette position a déjà été actée par deux commissions réunies. Hier, en l’absence de plusieurs délégués, le nombre de participants nécessaire pour procéder à un vote n’a pas été atteint, celui-ci est donc reporté au 26 octobre. Absences que déplore le président Leyenberger, qui a toutefois rappelé le caractère inexorable de sa position : « Nous n’avons pas les moyens d’aller au bout ».
Des terrains sur les bras
Pour le golf, tout se sera donc joué il y a presque un an, lors d’une froide matinée de novembre où est arrivé le premier (et dernier) engin de chantier, sur un site dont les terrains acquis par la collectivité doivent désormais trouver une nouvelle destinée. Raison pour laquelle les élus locaux demandent « aux collectivités régionale et départementale de coopérer avec [eux] pour que soient valorisés les investissements réalisés pour l’acquisition des terrains, afin de définir et mettre en œuvre un projet de substitution, au service du nécessaire développement économique du territoire ».
Même si les opposants ont toujours contesté l’argument des retombées économiques locales du golf, reste qu’après la récente perte du siège français d’Adidas, le canton de Saverne peut désormais être considéré comme un territoire à la recherche d’un avenir économique.
DNA-Emmanuel Viau (21/10/2015) 

 

Rédigé par ANAB

Publié dans #préserver les ressources

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