La cigogne se sent pousser des ailes

Publié le 9 Décembre 2015

La réunion à Strasbourg du Groupe Cigogne France (CGF) a permis d’établir que la population de ces oiseaux a été multipliée par cinquante en une génération humaine. Une réussite.

Photo : Jean-Louis Schmitt (ANAB)

À son niveau le plus critique, la tribu des cigognes blanches en France ne dépassait pas une cinquantaine de couples. La fin n’était plus loin… Trois décennies plus tard, la famille s’est tellement agrandie que les experts en sourient : au moins 2 700 couples de cigognes peuplent le pays, dont un tiers en Alsace, a évalué le GCF, créé dans l’Hexagone en 2003 à l’initiative de l’APRECIAL (Association pour la protection de la faune sauvage et la réintroduction de la cigogne en Alsace- Lorraine).

L’espèce a tiré parti des programmes de réintroduction et de nourrissage, se félicitent de concert Gérard Wey (APRECIAL) et Sylvie Massemin (CEPE-CNRS Strasbourg). Les campagnes de sédentarisation aussi ont eu un effet bénéfique, « 90 % de la mortalité ayant pu être attribuée aux migrations ».

Effets climatiques

Aujourd’hui, après avoir failli disparaître, la cigogne s’est tellement bien réadaptée à son environnement que ces oiseaux retrouvent le chemin des migrations, sans que cela induise des conséquences trop néfastes pour les peuplements.

Avec un entrain de bon aloi, Gérard Wey, qui rappelle que l’APRECIAL a coordonné tous ces efforts depuis 1983, estime que « la cohabitation est plus harmonieuse avec le voisinage des nids », même si des riverains pestent ici et là contre les fientes.

Si les cigognes adultes peuvent être sédentarisées au bout de trois ans d’enclos, les jeunes, eux, restent portés d’instinct vers la migration. Et, en Alsace du moins, l’évolution du climat ne semble pas avoir d’effet visible sur les comportements. Une grande douceur hivernale incite les oiseaux à raccourcir leur périple, notamment dans le sud de l’Europe où une nourriture peut rester disponible durant la mauvaise saison. De fortes chaleurs sont susceptibles aussi d’agir sur le nombre de jeunes par couple, plus important en Normandie qu’en Alsace.

« On constate une adaptation aux isothermes », dit-on au GCF. L’un des grands facteurs de fixation reste les décharges et les sites de déchets à ciel ouvert. De faux amis pour la cigogne, qui peut y perdre ses réflexes d’alimentation en pleine nature et, de surcroît, pâtir de la toxicité des détritus en plastique, par exemple.

Des actions d’effarouchement sont donc entreprises pour inciter la cigogne à aller hiverner en des endroits plus propices. Les voyages forment l’instinct de survie, en quelque sorte. La sédentarisation des cigognes, tombée à 20 % des couples contre 50 % il y a dix ans dans le sud de la région, serait à prendre comme une bonne nouvelle. Même si l’on découvre, année après année, certains effets étonnants liés à la climatologie. L’étape prolongée l’hiver dernier d’une centaine de cigognes en provenance d‘Allemagne fait partie des constats qui intéressent les experts.

DNA-DIR (29/11/2015)

Photos : Jean-Louis Schmitt (ANAB)