Six hectares de prairies remarquables retournés
Publié le 8 Novembre 2015
Mauvaise nouvelle sur le front de la biodiversité régionale : six hectares de prairies accueillant des fleurs rares et protégées dans le Bruch de Bischoffsheim ont été labourés il y a quelques jours. Les élus locaux , engagés dans une démarche de concertation avec les agriculteurs, sont consternés.
« La plus belle » des trois dernières stations alsaciennes d’orchis des marais était recensée sur ces prairies désormais retournées. Document remis
Eric Brunissen a découvert l’étendue des dégâts il y a quelques jours, au hasard d’une balade dans le Bruch. En tant que vice-président de l’association Nature Ried de Meistratzheim (affiliée à Alsace nature), son sang n’a fait qu’un tour devant le spectacle.
Ce milieu à haute valeur écologique situé sur le ban de Bischoffsheim est réputé pour abriter « la plus belle » des trois dernières stations alsaciennes d’orchis des marais (13 pieds). Il abrite aussi quatre autres fleurs protégées dans la région : scorsonère humble, ophioglosse vulgaire, scabieuse colombaire, séneçon des marais. « C’était un miracle de trouver autant d’espèces rares sur des prairies sans protection », rappelle Eric Brunissen.
Mais cet espace sensible a été bouleversé. Un agriculteur de Bischoffsheim, locataire de ces terres communales, a travaillé la terre puis semé de l’orge pour éliminer une mauvaise herbe (le séneçon de Jacob) qui se retrouvait dans le foin destiné aux chevaux. Pour se justifier, l’exploitant plaide la méconnaissance des conséquences de son acte. « Je ne savais pas que le fait de labourer ruinait le développement de ces plantes -là. [l’ orchidée est un bulbe et non une graine , NDLR.] Je pensais qu ’ elles reviendraient. Je voulais refaire une prairie plus saine, ce n ’ était pas dans mon intérêt de supprimer ces fleurs et de nuire à l ’environnement. »
Du côté de la municipalité, on ne décolère pas. «On tombe de haut, c’est l’incompréhension totale », fulmine Christian Braun, adjoint en charge de l’environnement. Dans les faits, rien n ’interdisait à l’agriculteur de travailler cette prairie. La mairie pointe tout de même une non-conformité au bail : la commune aurait dû être prévenue en cas de changement de destination du terrain loué. « C’est une erreur », reconnaît l’agriculteur.
Outre le désastre patrimonial quasi irréversible , Christian Braun se dit surtout « écœuré devant cet acte qui ruine tout le travail engagé pour remettre des prés dans le secteur humide. »
Depuis plusieurs mois , la commune de Bischoffsheim a misé sur une « gouvernance participative » et le dialogue pour une gestion raisonnée des espaces sensibles situés sur son ban. « On est dans une démarche gagnant -gagnant avec les agriculteurs. D’un côté, il s’ agit de développer une filière agricole économiquement viable : mettre ces terres en herbe pour les animaux et abandonner la culture du maïs car deux années sur trois, ces champs sont inondés. D’un autre côté, le maintien des prairies est une question de préservation de la qualité de l’eau et de protection d’une biodiversité remarquable, détaille Christian Braun. Une vraie relation de confiance avait été tissée avec les agriculteurs, et on ne comprend pas pourquoi il ne nous a pas appelés avant d’agir. C’est un échec sur le plan humain. »
Passé la colère, viendra le temps des réparations. Dans l’immédiat, l’agriculteur a été sommé de ne plus toucher à ces parcelles, et de ne surtout pas y mettre de pesticides. « Même si on laisse revenir la prairie, cela mettra du temps à cicatriser, et il n’est pas certain que les fleurs se réinstallent », prévient Eric Brunissen.
Aucune plainte de la mairie – ni d’Alsace Nature – ne devrait être déposée ; en revanche, il s’agira de réfléchir à des mesures compensatoires. « Le mal est fait, termine Eric Brunissen. Mais profitons de ce contexte morose autour des prairies pour renouer le dialogue pour faire davantage pour leur préservation. »
DNA-Amandine Hyver 31/10/2015