Le lynx bientôt de retour

Publié le 25 Février 2016

Lundi 11 janvier, Jean-Louis Pfeffer, président du Club vosgien de Wissembourg et délégué du district 1, avait organisé au chalet du CV à Lembach une présentation du projet de réintroduction du lynx dans la forêt du Palatinat (lire ci-dessous).
Le lynx est un animal discret, pas agressif et peu farouche. Photo : Yves Noto-Campanella

Le lynx est un animal discret, pas agressif et peu farouche. Photo : Yves Noto-Campanella

Jean-Louis Pfeffer avait invité Christelle Scheid, chargée côté français de la communication sur le projet de réintroduction du lynx dans le Pfälzerwald. Une trentaine de personnes venant des Vosges du Nord avait répondu à l’invitation — responsables de Clubs vosgiens, randonneurs, quelques chasseurs, un agriculteur et une restauratrice. Et l’incontournable question est venue en premier : « Les lynx ne vont-ils pas franchir la frontière ? »
Ce prédateur du chevreuil le fera-t-il disparaître de la région ?
Après une présentation par Christelle Scheid, vidéo à l’appui, de l’animal et du projet, qui porte sur 20 individus (lire ci-dessous), une personne a demandé à l’animatrice si l’initiative avait été approuvée par le Parc naturel régional des Vosges du Nord et l’ONF : c’est le cas, a-t-elle confirmé.
Le débat s’est ensuite engagé, avec quelques moments forts, surtout lorsqu’a été abordée l’alimentation du lynx. En effet, le plat principal de ce dernier est le chevreuil, qu’il dévore en commençant par les meilleurs morceaux, les cuisses et la selle. Il consomme environ 3 kg de viande par jour, soit l’équivalent d’un chevreuil par semaine. Il ne s’attaque pas souvent à des ovins, mais ça lui arrive, et n’est en revanche guère friand de viande de sanglier, dont il n’est pas un prédateur — « dommage… », dira un chasseur dans la salle.
Le public s’est demandé si le chevreuil ne risquait pas de « disparaître de notre paysage ». Un participant fortement impliqué dans la protection de l’environnement a souligné que le chevreuil est aujourd’hui la « bête noire » de l’ONF — rappelant toutefois qu’il ne faut pas fustiger les agents forestiers, ces derniers étant selon lui soumis à des pressions de leur direction pour « produire plus et plus vite ». Il a rappelé que dans les années 1950, on comptait 30 à 40 chevreuils au kilomètre carré. Ces derniers ne faisaient que très peu de dégâts dans le milieu forestier, qui ne leur servait que de refuge durant la journée. Le chevreuil sortait le soir dans les cultures brouter luzerne et trèfle, mettre bas au printemps dans l’herbe haute des prairies — beaucoup de faons furent victimes des faucheuses à la fenaison.
Dans les années 1960, le prix des chasses s’envolant, on vit arriver en Alsace-Moselle des chasseurs étrangers à la région, des « viandards » qui tiraient sur tout ce qui bougeait. Les années 1970 ont été encore plus fatales au gibier : les champs de luzerne et les prairies ont fait place aux champs de maïs avec les traitements afférents. Dans la forêt, pour économiser la main-d’œuvre, on a traité les parcelles à replanter au désherbant, éliminant la nourriture préférée du chevreuil — les mûriers, entre autres. À l’époque, on ramassait régulièrement des animaux morts : on pensait que ce petit cervidé était victime d’une maladie, avant de se rendre compte que la cause était le changement de son régime alimentaire et l’absorption de pesticides.
Aujourd’hui, l’ONF se base sur le comptage de 1980 du peuplement, un cheptel décimé, pour élaborer les plans de chasse et définir la densité acceptable en forêt. En résumé, le lynx serait un concurrent du chasseur pour la régulation du chevreuil, au détriment de ce dernier ? Le sujet a fait monter un moment le ton de la salle !
Par contre, les participants purent apprendre que le lynx est un animal discret, pas agressif du tout, et qui cohabite parfaitement avec les randonneurs, leur passage ne le dérangeant aucunement. Chaque individu est solitaire et a son territoire, celui du mâle empiétant sur celui de plusieurs femelles.
Aucun problème de cohabitation avec les randonneurs
Avant que l’organisateur ne remercie l’assistance, quelques personnes ont témoigné que le lynx est déjà de retour en Alsace depuis quelques années, la présence de l’un ou l’autre étant confirmé du côté de La Petite-Pierre, du Wintersberg et de l’étang du Fleckenstein — un individu s’étant même fait écraser du côté de la réserve transfrontalière de la Lutzelhardt. Dans le Pfälzerwald, les premiers lâchers de lynx sont prévus en mars-avril prochains, les opérations de capture étant en cours.

DNA-Hub. K. (24/01/2016)

 Photo : Yves Noto-Campanella

Photo : Yves Noto-Campanella

Vingt lynx en cinq ans, premiers lâchers en mars-avril

Trois décennies après les premiers lâchers de lynx dans les Vosges et alors que la petite population qui s’y était constituée est en déclin, un nouveau projet de réintroduction est actuellement en cours dans la forêt du Palatinat (Pfälzerwald), massif forestier qui prolonge les Vosges du Nord côté allemand.
Le Pfälzerwald et les Vosges du Nord forment en effet une entité forestière d’une surface avoisinant les 2 500 kilomètres carrés. Cette grande forêt représente un habitat favorable pour le lynx, et pourrait accueillir jusqu’à 45 individus.
Le lynx boréal ou lynx d’Eurasie était autrefois répandu dans toute l’Europe. La déforestation, la raréfaction de ses proies, principalement le chevreuil, les tirs et piégeages avaient conduit à sa disparition d’Europe occidentale au milieu du XXe siècle. Actuellement, les forêts sont à nouveau plus denses, hébergent de nombreuses proies et peuvent accueillir le félin.
Celui-ci ne reviendra cependant pas de lui-même, car il a un comportement peu colonisateur, c’est-à-dire qu’il se disperse difficilement vers des zones où l’espèce n’est pas déjà présente.
Le projet de réintroduction « Life Lynx Pfälzerwald » est porté par la fondation pour la Nature et l’Environnement de Rhénanie-Palatinat, et compte plusieurs partenaires associés. Il bénéficie du soutien de la fédération des Chasseurs de Rhénanie-Palatinat, de la fédération des Éleveurs d’ovins et de caprins du Land ainsi que de nombreuses autres associations et structures. Financé à 50 % par l’Union européenne, il a débuté sa phase opérationnelle le 1er janvier 2015.
Équipés de colliers GPS
Il prévoit la réintroduction de 20 lynx sur une période de cinq ans, de 2016 à 2020. Les animaux capturés proviendront du Jura suisse et des Carpates slovaques, régions où l’espèce est actuellement présente. Les premiers lâchers sont programmés dans le Pfälzerwald aux mois de mars-avril prochains.
Les lynx seront tous équipés de colliers GPS, afin de suivre leurs déplacements au sein du territoire. À côté de la réintroduction et du suivi des félins, de nombreuses actions de communication et de sensibilisation sont réalisées afin de favoriser leur acceptation dans la région.
Certains de ces lynx ou leurs descendants se disperseront à court ou moyen terme vers la forêt des Vosges du Nord, qui est en contact direct avec le Pfälzerwald. Le syndicat de coopération pour le Parc naturel régional des Vosges du Nord (Sycoparc) est le partenaire français du projet et interviendra dans des actions d’animation et de sensibilisation.
Le projet « Life Lynx » a pour objectif de rendre à la réserve de biosphère transfrontalière des Vosges du Nord – Pfälzerwald une espèce emblématique des forêts européennes. En tant que grand prédateur, le lynx joue un rôle essentiel pour la régulation et la sélection des espèces animales forestières. Il ne présente pas de danger pour l’homme, aucun cas d’attaque n’ayant été recensé. Il peut cependant, dans de rares cas, s’attaquer à des ovins, un fonds d’indemnisation étant prévu à cet effet. Cette réintroduction permettra de reconstituer une population de lynx dans la forêt du Palatinat et des Vosges du Nord, et d’améliorer son statut encore précaire en Europe occidentale.

DNA-24/01/2016

Rédigé par ANAB

Publié dans #Biodiversité de notre région

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D
Excellent exemple de coopération franco-allemande !<br /> Les Allemands en réintroduiront 45, les Français en flingueront 30…<br /> Solde positif probable : 15… auquel il faudra soustraire les individus victimes d'accidents de la route et autres aléas de la vie au grand air !
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H
Bien pensé !!