Soyons pro-vie, sauvons les chauves-souris

Publié le 23 Février 2016

Les menaces les plus pressantes sur l’humanité et la civilisation ne viennent même plus ni de l’État Islamique ni de l’avortement ni du transhumanisme, mais de l’effondrement des écosystèmes.
Photo : © spielkkind/RooM the Agency/Co

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Exagération ? La tendance est en tout cas alarmante.
L’Observatoire national de la biodiversité a publié le 29 janvier les derniers résultats du taux d’évolution d’abondance des chiroptères (nombre de chiroptères par territoire et densité de leur population) métropolitains. Et les données ne sont guère encourageantes. Selon le suivi, l’abondance des chauves-souris a baissé de 46% entre 2006 et 2014. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout simplement moitié moins de chauves-souris en 2014 qu’en 2006. Autrement dit, les populations se sont littéralement effondrées en moins d’une décennie. L’observatoire précise que cet indicateur est à considérer comme un ordre de grandeur qui vise à alimenter le débat. Du point de vue méthodologique, il faut noter que le protocole suivi garantit la « robustesse » et la « représentativité » des données collectées. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un indicateur représentatif de toutes les espèces françaises, seulement de celles les plus fréquemment contactées. Les rhinolophes, plus difficilement contactables que les murins, ne sont pas bien étudiés par cet indicateur mais les suivis locaux montrent qu’ils subissent eux aussi de fortes pressions.
Malgré cette limite, l’indicateur de l’observatoire de la biodiversité reste un indice fiable de l’évolution des populations de chauves-souris communes en France.
Il a été mis en place en 2006 sous la pression de l’Europe, car la France, à l’époque, ne disposait pas d’évaluations suffisamment précises de ses populations de chauves-souris dans leur ensemble. On dispose donc de très peu de données sur ce qui se passait avant 2006. D’où deux possibilités. Soit l’abondance était stable en 2006 et n’avait que peu baissé depuis des dizaines d’années, et l’effondrement observé entre 2006 et 2014 est catastrophique ; soit l’abondance des chauves-souris françaises s’était déjà effondrée, et les données du suivi de l’ONB révèlent la poursuite de la catastrophe. La première hypothèse est peu probable, la population de chauves-souris s’étant effondrée en Europe dans la deuxième moitié du 20ème siècle avec le développement de l’agriculture intensive et l’augmentation du recours aux entrants chimiques. Les haies, élément essentiel de leurs habitats, ont massivement disparu : si cette tendance s’est ralentie après 1990, la France a, par exemple, perdu la moitié de son linéaire de haies entre 1975 et 1987. Les refuges où les Chauves-souris hivernent ou se reproduisent ont été, parfois volontairement, détruits ; les vieux bâtiments en bois où elles aiment à se loger ont été traités chimiquement. Ce qui n’est pas non plus une bonne nouvelle, c’est que la tendance française est à l’opposée de celle d’une partie de l’Europe. En janvier 2014, une étude avait montré que la population de chauves-souris avait augmenté de 43% entre 1993 et 2011 dans neuf pays européens.
En quoi cette tendance est-elle une mauvaise nouvelle pour la vie humaine ?
Les chauves-souris sont des auxiliaires indispensables de l’agriculture. Insectivores, elles se nourrissent notamment de parasites ravageurs pour les cultures et permettent à l’agriculture mondiale d’économiser un milliard de dollars, et surtout de répandre dans les écosystèmes quelques milliers de tonnes de poisons de moins. Elles aident ainsi à la culture des champs de maïs et des vergers. Elles produisent également un engrais extrêmement riche qui remplace avantageusement – et gratuitement – les intrants chimiques. Dans l’Hérault, le conseil général investit dans la lutte biologique : pour lutter contre les ravageurs de vignes sans avoir recours aux phytosanitaires, les vignerons sont incités à prendre des mesures favorisant l’installation de chauves-souris près de leurs vignes. Les chauves-souris jouent aussi un grand rôle dans la gestion naturelle des forêts. Régulateurs naturels des insectes, les chiroptères sont donc un maillon indispensable de l’équilibre des écosystèmes dont l’homme tire sa subsistance et de nombreuses autres ressources.
L’autre mauvaise nouvelle est que les indicateurs d’abondance des chiroptères rejoignent une tendance observable pour d’autres groupes faunistiques.
Le parallèle est fait par l’observatoire de la biodiversité lui-même, commentant le résultat des suivis STOC (suivi temporaire des oiseaux communs) : « comme cet indicateur concerne principalement des espèces abondantes et largement réparties, il est possible de faire un parallèle avec les résultats observés chez les oiseaux. Chez ces derniers, les espèces rares, localisées et protégées évoluent positivement en moyenne tandis que des espèces spécialistes les plus communes déclinent » .L’Atlas des oiseaux de France récemment paru affine ces tendances, qui sont expliquées en détail par le blogueur Phylloscopus. « Même si le nombre d’espèces recensées dans les atlas tend à se maintenir, vaille que vaille, une grande partie de cette richesse est d’ores et déjà réduite à des noyaux enfermés dans quelques bastions, et donc dans une situation très précaire », écrit-il. «La fraction réellement répandue de la diversité ornithologique, ce qu’on pourrait appeler la « biodiversité ordinaire » ou « moyenne » de notre territoire est beaucoup plus faible que ça. » Ou, « pour le résumer en une phrase : la majeure partie de nos territoires a perdu, en quelques décennies, la majeure partie de sa biodiversité ». Or cette biodiversité nous est tout simplement indispensable, et pas seulement pour peupler les documentaires animaliers du dimanche. À ce titre, la disparition des chauves-souris, maillon-clé des écosystèmes, révèle le risque d’un effondrement dont nous non plus ne nous relèverions pas.
L’usage veut que les argumentaires pro-vie soient centrés sur la défense de la vie humaine naissante et faible, en militant contre l’avortement et l’euthanasie. Il est urgent d’admettre que d’autres menaces pèsent sur la vie humaine.
Celle-ci dépend de l’existence d’une vie non-humaine dans les écosystèmes, et on ne peut pas défendre la dignité de l’être humain sans défendre les conditions d’existence de la vie humaine sur terre. Autrement dit, il est vain de protéger la vie humaine si on ne protège pas en même l’autre, celle grâce à qui l’homme peut respirer, se nourrir, répondre à ses besoins vitaux. Sans cette vie non-humaine, l’humanité est vouée à disparaître. La solution ne vient pas des fermes-usines ou fermes hors-sol. Celles-ci, qui entraînent de nombreuses questions éthiques, ont un coût énergétique élevé et sont une source de pollution aquatique non-négligeable. La multiplication de ces projets dans l’Ouest de la France alerte militants écologistes et spécialistes de la pollution des cours d’eaux ou des algues vertes de Bretagne, à la nocivité désormais connue. Leur impact n’est donc pas uniquement sur l’environnement, il concerne aussi l’homme de près. Or les enfants naissent aujourd’hui « pré-pollués », contaminés in utero par les substances chimiques dans lesquelles nous baignons. Si la biodiversité continue de s’effondrer, pour pallier les effets de cette disparition, il nous faudra avoir de plus en plus recours aux produits qui agressent les enfants avant même leur naissance et font progresser l’infertilité masculine et féminine. Quoi qu’il arrive, l’humanité sera condamnée à court terme.
La chute vertigineuse des populations de chauves-souris est l’indice d’un danger mortel à très brève échéance. Les menaces les plus pressantes sur l’humanité et la civilisation ne viennent même plus ni de l’État Islamique ni de l’avortement ni du transhumanisme, mais de l’effondrement des écosystèmes et des bouleversements écologiques que nous vivons. Si leur fonctionnement venait à s’interrompre, tous nos autres combats seront vains. Soyons donc pro-vie jusqu’au bout, sauvons les chauves-souris.
La Vie le 08/02/2016

Rédigé par ANAB

Publié dans #Biodiversité de notre région

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J
On ne le répètera jamais assez : tout est lié ! <br /> <br /> Cet article –excellent au demeurant- met l’accent sur des populations animales ignorées et méconnues par le plus grand nombre : les chauves-souris ! <br /> <br /> La forte diminution des effectifs devraient nous interpeller au-delà de l’émotion que peut susciter la simple disparition d’une espèce ! Tout comme ce qui concerne le drame lié à l’apiculture et la mort de millions d’abeilles et plus largement l’ensemble des pollinisateurs imputables directement aux produits phytosanitaires copieusement –pour ne pas dire excessivement- utilisés, il serait grand temps que l’Homme comprenne que, s’il veut éviter l’autodestruction -ce qui entre parenthèses ne serait pas une grande perte pour l’univers…- il serait temps de changer de paradigme !
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