Alsace Nature : « Les crues sont la norme »
Publié le 19 Mai 2016
Les inondations dites ‘‘tardives’’, mi-avril dans le Ried de Centre-Alsace, avaient mis en colère les agriculteurs de la FDSEA et des JA*. Alsace Nature réagit en rappelant que les crues de printemps sont normales et met en cause l’endiguement de l’Ill.
Comme l’an dernier début mai , ce printemps a vu le Ried sous les eaux entre Sélestat et Erstein, causant des dégâts aux prairies que les agriculteurs comptaient faucher pour offrir du fourrage à leurs bêtes (DNA du 21 avril).
« L’objectif qu’on devrait tous se fixer, c’est de ne plus avoir ce scénario en avril », avait estimé Gérard Lorber, secrétaire général de la FDSEA 67, lors d’une conférence de presse devant la plaine inondée à Ebersheim. Ceci en présence de responsables de la Région, gestionnaire de l’Ill entre Colmar et Strasbourg, qui avaient annoncé la volonté de créer « un établissement public de bassin de l’Ill » et rappelé le plan 2014-2024 de « 19 millions d’euros sur dix ans dans des travaux de restauration des berges et d’entretien des cours d’eau ».
Mais pour Pierre Sigwalt et Clément Renaudet, respectivement vice-président et membre d’Alsace Nature, « d’après les statistiques du service de l’Ill, on sait que les crues en avril sont la norme… »
« Avant, les syndicats d’irrigation gérés par les agriculteurs provoquaient même des inondations […] permettant d’avoir une bonne fauche des prairies en juin puis en septembre », indiquent les naturalistes. Alors pourquoi le phénomène dérange-t-il aujourd’hui ? « Ce qui a changé, c’est qu’à partir des années 1980, les agriculteurs ont dit qu’il fallait trois coupes d’herbes. » Et donc une au début du printemps.
« En 1985, Alsace Nature a gagné son procès contre le projet d’endiguement de l’Ill », rappelle Clément Renaudet, pour lequel, avec la construction de digues « de manière illégale » entre Colmar et l’entrée de l’Ill dans le Bas-Rhin, « les agriculteurs haut-rhinois ont réglé leur problème d’inondations, mais l’ont répercuté sur les Bas-Rhinois ».
« La FDSEA et les JA feraient mieux de se plaindre auprès de leurs collègues haut-rhinois », ajoute Pierre Sigwalt en notant que ces aménagements en amont aggravent le phénomène en aval. Les militants d’Alsace Nature ne veulent pas d’endiguement supplémentaire de l’Ill et prônent l’extension des prairies, « la culture la mieux adaptée aux crues », relève Pierre Sigwalt. Le maïs, plus rentable, a le plus souvent eu la préférence des agriculteurs, même si des mesures agro-environnementales subventionnées ont permis de maintenir des prés dans le Ried. « Il y avait 12 500 hectares de prairies en 1975, il y en a 2 800 actuellement. »
Autre piste évoquée à la Région pour détourner les crues et dénoncée par les naturalistes : utiliser des gravières. « Une ineptie », pour l’enseignant-chercheur à l’Université de Strasbourg, Serge Dumont. « Le problème, c’est que dans les gravières il n’y a pas de courant… Dès que l’eau va arriver, la sédimentation va y étouffer la vie », explique le biologiste, qui remarque que les agriculteurs ne peuvent « pas réclamer de l’eau de la nappe pour irriguer et en même temps se plaindre des inondations qui rechargent cette nappe ».
* FDSEA : Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles, syndicat majoritaire chez les exploitants ; JA : Jeunes agriculteurs.
DNA-Julien Eynard 13/05/2016