À l’hôpital Robert-Debré, les abeilles peuvent aussi soigner
Publié le 30 Juin 2016
Article extrait du journal LE MONDE (17 juin 2016)
Au centre de l’imposant bâtiment, les senteurs des plantes et des fleurs du jardin intérieur titillent les narines. Sur la terrasse, quatre ruches et quelque 200 000 abeilles s’activent. Nous ne sommes pas chez un apiculteur, et encore moins à la campagne, mais dans un hôpital du 19e arrondissement de Paris. En septembre 2015, l’hôpital universitaire Robert-Debré AP-HP, l’un des plus grands hôpitaux pédiatriques de France, a inauguré un rucher. Ce projet entre dans le cadre de la charte « Abeilles, sentinelles de l’environnement », créée en 2005 par Henri Clément, porte-parole de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF).
Volkan Tanaci (apiculteur référent), Jennifer Hallot et Dominique Céna dans le rucher de l’hôpital Robert-Debré. Francisco BATISTA/RDB/APHP
L’association se bat pour rappeler à tous que les abeilles sont indispensables à la biodiversité. Selon une étude de l’INRA et du CNRS datant de 2008, les butineuses sont à l’origine de 35 % des ressources alimentaires de la planète, tandis que 65 % de la diversité de nos repas dépendent de la pollinisation. Si l’importance de ces insectes pour notre alimentation est plutôt bien connue, leurs vertus pédagogiques et thérapeutiques sont plus souvent ignorées. Or, les abeilles sont en déclin et environ 300 000 colonies disparaissent chaque année.
Les apiculteurs lancent l’alerte, notamment lors des Apidays, un festival qui se tient du 16 au 18 juin dans plus de cent lieux en France et à Monaco. Trois jours pour « expliquer aux citoyens l’importance des abeilles pour le bien-être de l’homme et de la nature ». L’événement est ouvert à tous, et l’hôpital y a pris part en soumettant les noms des quatre ruches au vote du public.
Lire aussi : Les insectes pollinisateurs, facteur le plus déterminant des rendements agricoles
« Des abeilles ? Dans un hôpital ? Avec des enfants ? »
Pour en arriver là, les démarches n’ont pas été simples car l’idée n’a pas tout de suite été bien accueillie. « Des abeilles ? Dans un hôpital ? Avec des enfants ? Beaucoup nous ont traités de fous. Mais c’est une réaction sensée, ça peut faire peur quand on ne connaît pas l’apiculture », explique Jennifer Hallot, responsable du mécénat et des partenariats de l’hôpital. Mais finalement, comme le souligne Dominique Céna, porte-parole adjoint de l’UNAF, « ce projet crée un très beau lien entre les abeilles, les éducateurs et les enfants, un lien social mais aussi thérapeutique. Cela leur permet d’oublier un peu leur maladie et de découvrir de nouvelles choses ». « C’est une forme de thérapie », abonde Jennifer Hallot.
Dans le service de psychiatrie de Robert-Debré, où sont soignés des enfants autistes, hyperactifs ou atteints de troubles de l’alimentation, les éducateurs spécialisés et l’équipe médicale développent des outils de médiation. L’une des cadres du service, Laurence Hannebicque, explique que « le jardinage ou les activités autour des abeilles permettent d’instaurer une relation avec les enfants, pour pouvoir plus facilement cibler les symptômes psychiatriques ».
Une source de savoir
Au-delà de l’aspect purement thérapeutique, le contact entre les enfants et les abeilles se révèle être un puits de connaissance. Anne-Françoise Thiollier, infirmière puéricultrice spécialisée dans les douleurs et les soins palliatifs, et passionnée d’apiculture, vante les mérites de l’insecte pour l’éducation : « Nous avons créé une ruche pédagogique, et à la place des abeilles, nous avons mis des photos qui retracent les étapes de la vie de la ruche, sans oublier les enjeux écologiques », raconte-t-elle.
La ruche pédagogique explique les étapes de la vie de la ruche aux enfants. Francisco BATISTA/RDB/APHP