La chasse aux écolos est ouverte
Publié le 4 Juillet 2016
La droite décomplexée, c’est maintenant ! À la tête de leurs méga-régions, Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand et quelques autres ont décidé de sabrer les subventions aux associations de défense de l’environnement qui défendent, euh… l’environnement. Wauquiez a annoncé la couleur (vert kaki) : les vrais écolos, ce sont les chasseurs ! Des types pragmatiques, eux, pas comme ces écolos « dogmatiques » qui vous annulent des permis de construire.
Traduction concrète dans les récents budgets : ça canarde à tout va… La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), qui enquiquine les préfets sur les dates d’ouverture de la chasse ? Punie ! Sa subvention est sabrée de 50 %. La Frapna, la fédération des associations de protection de la nature de la région Rhône-Alpes, est carrément mise à genoux : 400 000 euros de moins et 18 postes supprimés ! Cette fédération, qui emploie une centaine de salariés et anime des « classes de nature » depuis des années, a eu le front de critiquer le projet deCenter Parcs à Roybon, dont l’implantation est prévue dans une zone humide. La justice a suspendu le chantier, mais Wauquiez ne s’avoue pas vaincu : il vient d’allonger 4,7 millions pour ce projet en béton.
Droite au but
Le président de la Frapna, Éric Feraille, n’en revient pas : « On a toujours travaillé avec des exécutifs de gauche ou de droite, et on travaille encore très bien avec le département (LR) de Haute-Savoie ou le maire de Saint-Étienne (un UMP bon teint). C’est la première fois qu’on est frappés par une décision politicienne. C’est vraiment une question de personne… » Et pas n’importe laquelle… Alors que la neige artificielle ne tient même plus sur les pistes, pour des raisons de réchauffement climatique (+2° C dans les Alpes), le visionnaire Wauquiez veut investir 200 millions en six ans dans les canons à neige. Un « véritable gâchis » a dénoncé l’association Mountain Wilderness, le 12 mai, dans une lettre ouverte au président de région. Taïaut ! L’association n’a plus qu’à faire une croix sur ses 20 000 euros de subvention : « On savait déjà qu’elle serait supprimée… » soupire l’association, qui a eu le malheur de s’opposer à un projet de téléphérique et à l’extension du domaine skiable en Tarentaise.
Pan-pan cucul !
Dans les Hauts-de-France, l’heure est aussi au tir au pigeon et à l’amour tendre avec les chasseurs : « pas des intégristes, pas des idéologues », mais « des pragmatiques », biche Xavier Bertrand. La commission de l’environnement est désormais présidée par… le patron des chasseurs de l’Oise. Et pas moins d’une vingtaine d’associations sont dans le collimateur, coupables, entre autres, d’avoir obtenu en justice l’annulation de quelques permis de construire ou d’arrêtés illégaux. « Les élus pensent, que s’ils baissent nos subventions, on ne fera plus de contentieux, soupire Patrick Thiery, président de Picardie Nature. C’est faux : les subventions vont à des projets bien précis. Si on n’a plus de projets à mener, on aura tout le temps de faire du contentieux. »
Dans la région Grand-Est, présidée par Philippe Richert (LR), les économies sont aussi finement ciblées : « Alsace Nature, qui s’est opposée au projet de golf de Sommerau, ou Mirabel-Lorraine Nature Environnement, qui dénonce les dangers du projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure, sont les premières touchées », constate Sophie Fleckenstein , de France Nature Environnement, qui fédère les associations au niveau national.
Et pour la chasse aux associations, même pas besoin de permis…
Le Canard Enchaîné N° 4991 du 22 juin 2016