La nature subviendra de plus en plus difficilement aux besoins humains

Publié le 26 Juillet 2016

Article complet paru dans LE MONDE le 20.07.2016 Par Guillaume Krempp

La nature subviendra de plus en plus difficilement aux besoins humains
L’alarme n’est pas tirée par des zadistes opposés à la destruction d’une zone humide. Ni par des militants de la Ligue de protection des oiseaux, inquiets de la disparition des volatiles. C’est une étude publiée dans la revue Science, qui conclut que 58 % de la surface terrestre, habitée par 71 % de la population mondiale, connaît une chute de la biodiversité terrestre remettant en cause la capacité des écosystèmes à subvenir aux besoins humains.

Selon les 23 scientifiques internationaux ayant traité statistiquement 2,38 millions de rapports sur l’état de la faune et la flore terrestres, la diversité des espèces a en effet baissé de 15,4 % sur plus de la moitié des terres émergées. Pour être soutenable, la perte de biodiversité doit rester inférieure à 10 %, selon une autre étude publiée dans Science en 2015. « Cette perte de biodiversité, si elle reste incontrôlée, sapera les efforts vers un développement durable de long terme », concluent-ils.

Newbold, chercheur spécialisé dans l’impact humain sur la biodiversité au sein du University College of London, a dirigé ces recherches. Pollinisation, épuration des eaux, production d’oxygène… Ces services écosystémiques sont aussi nombreux que vitaux. La pollinisation, la production de nutriments nécessaires à la croissance des plantes, l’épuration naturelle des eaux ou encore la production d’oxygène sont pourtant menacées par la baisse de la biodiversité des écosystèmes. Le directeur de recherches doute de la capacité de l’être humain à imiter la nature grâce aux innovations technologiques : « Je ne pense pas que quiconque puisse aujourd’hui affirmer que l’être humain en est capable. » Pour Pierre-Henri Gouyon, chercheur à l’institut de systématique, évolution et biodiversité au Muséum national d’histoire naturelle, la question n’est pas tant de savoir si une telle option est réalisable, mais souhaitable : « On pourrait sans doute remplacer les abeilles par de petits robots. Ce serait avant tout moins efficace et plus coûteux. Tout cela alors qu’on pourrait préserver la biodiversité et les services écologiques qui en découlent. Ce n’est tout simplement pas le monde dans lequel je nous souhaite de vivre . » Cette érosion de la biodiversité est documentée de longue date par la communauté scientifique. En 2009, une équipe internationale de chercheurs, menée par Johan Rockström, définissait neuf limites planétaires à ne pas dépasser L’étude portait notamment sur les seuils à respecter en matière d’utilisation de l’eau douce, de pollution chimique et de changement climatique. Ils concluaient déjà à une érosion de la biodiversité qui mettait en danger les écosystèmes dans lesquels l’être humain vit.

Pour Tim Newbold, il est alors impératif de mettre dès à présent en place une protection efficace de la biodiversité. « Nous profitons gratuitement de services écosystémiques dont la valeur est astronomique », rappelle-t-il. En 2014, une étude menée par l’économiste américain Roberto Costanza (http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959378014000685) concluait que la valeur de ces services écologiques globaux s’élevait à 125 000 milliards de dollars par an. « Le rapport de l’être humain au monde naturel ne se limite pas à cette logique économique, regrette toutefois Virginie Maris. La biodiversité englobe aussi un ensemble de valeurs culturelles, esthétiques et morales qu’il serait plus intéressant d’approfondir pour aboutir à une réelle protection des écosystèmes. »

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