La santé au bord du chemin (2)
Publié le 5 Août 2016
Texte : Constance de Buor. Article publié dans "La Vie" le 20/07/2016
La nature, une pharmacopée
Ce samedi de juillet, c’est pour le Comité du tourisme des Hauts-de-Seine que Christelle, formée à l’École nationale supérieure du paysage de Versailles, mène un groupe de trentenaires dans la forêt de Fausses-Reposes.
À l’orée du bois, la créatrice de Petites Herbes, spécialisée dans la découverte de la flore sauvage, reprend les bases : « Avant de manger les plantes ou de se soigner avec, on apprend à les reconnaître. Pour cela on utilise une flore, un livre dans lequel elles sont classées par couleur des pétales ou par familles, rappelle-t-elle. Quand on est sûr d’avoir identifié la plante, on peut passer à la littérature sur les comestibles. On lit in extenso et on n’oublie pas de comparer les guides. »
À l’aide d’un herbier Christelle fait le point sur les fameuses apiacées – cerfeuil, carotte sauvage, berce, petite et grande ciguë – manifestement la famille à problèmes ! Le cours d’anatomie se poursuit : on va parler bractées, ombelles, pétiole, foliole, stipules, feuilles trilobées, lenticelles, mieux vaut savoir les situer. Yuliya est arrivée de Biélorussie il y a deux ans.
Sa mère soignait ses enfants par les plantes – framboisier contre la fièvre, tussilage contre la toux, millefeuille, camomille… – et préparait la soupe aux orties ou aux égopodes. « Je voulais savoir si ici les usages des plantes sont différents de ce que je connais et en profiter pour connaître leurs appellations françaises », raconte la promeneuse. En 1h30, le groupe apprend à différencier l’ortie (diurétique et énergisante), du lamier blanc (aux vertus digestives avérées), à reconnaître le millepertuis perforé (grâce aux glandes renfermant l’huile essentielle, qui par transparence donnent à la feuille l’air d’être couvertes de minuscules trous), à ne pas se laisser abuser par la fraise des Indes, pâle imitatrice de la fraise des bois, sans odeur ni saveur.
Pouvoirs cicatrisants du Géranium herbe à Robert, vertus anti-diarrhéiques de la ronce, fébrifuges du frêne, verrucides du lait de pissenlit… Les apprentis noircissent des pages de cahiers, prennent des photos et des notes dans leurs Smartphones, tendent l’oreille quand une plante rencontre un de leurs maux (« Le millepertuis, ça marche sur les troubles de l’humeur ? »).
Venu avec sa fiancée, ingénieure comme lui, Romain a le sentiment de vivre assez loin de la nature au quotidien et « aime s’y ressourcer ». Le jeune homme avoue avoir peu de connaissances en botanique « mais du plaisir à apprendre » et une préférence pour la cuisine et les soins « au naturel ». « La balade était une bonne initiation, mais il faudra en faire un peu plus pour que ça rentre et que je sois à l’aise avec les plantes sauvages », explique-t-il.
Prudence et curiosité : sans doute les premières qualités du botaniste en herbe !
« Pour enrichir les usages et préparations »
« Il y a un calendrier de la nature qui impose d’anticiper. Au printemps et en été, on cueille et on fait nos macérations, nos alcoolatures, nos huiles et teintures en prévision des ateliers d’hiver. On reste soumis à la nature, aux plantes qui tardent à venir, à la pluie qui contrecarre une sortie ! Plus on est nombreux à se passionner pour un sujet, plus on peut enrichir les usages et les préparations, chacun venant aux ateliers avec un macérat à partager, à échanger, la cire de sa ruche, etc. Je constate que les personnes retiennent mieux si je leur fais observer la plante, en prenant le temps, en s’émerveillant de sa matière et de sa couleur à la loupe de précision, puis en leur expliquant ce que l’on peut faire avec elle, plutôt qu’en additionnant des désignations latines qu’elles ne retiendront pas. Je veux qu’on puisse s’approprier ces savoirs par les usages. »
Valérie, accompagnatrice de l’association Plantes magiques
« Elles sont savoureuses, nutritives et soignantes » «
J’ai participé à deux ateliers de l’association Plantes magiques sur les baumes de soin et je cueille pour la première fois ! Je contribue à monter un jardin partagé avec un compost et des poules là où je vis. J’aimerais beaucoup y créer un espace pour les plantes. Pour moi, le médicinal et le culinaire sont liés : une jolie plante peut être toxique. Mais qu’elles soient savoureuses et nutritives quand elles sont aussi capables de soigner, cela me semble aller de pair ! L’ensemble de la chaîne m’intéresse : apprendre à reconnaître, cueillir, sécher en tisane ou préparer en sirop. Aujourd’hui, je rapporte des violettes de montagne et des bourgeons de sapin. J’ai demandé à une autre participante comment elle les transforme. Pour l’instant, je commence avec des espèces ciblées et limitées, car le plus dur reste de ne pas se tromper et d’oser cueillir seule… ! »
Louise, adhérente à Plantes magiques
L'avis de La Vie :
Des fleurs de sureau contre la toux, de l’aubépine pour dormir, de la mauve pour digérer mais aussi de l’ortie ou du pissenlit pour les gratins et les lasagnes… « Tout ce qu’il faut pour se soigner et se nourrir était présent autour de la maison », me racontait Maïty, biologiste et fidèle lectrice de La Vie, qui a acquis voici trois ans un terrain isolé dans le Massif central, resté à l’abandon durant 50 ans. « J’ai ainsi découvert, poursuit cette spécialiste du soin des plantes, que dans un environnement préservé pousse tout ce qui est utile à l’homme. » Et de fait, mère Nature semble avoir pensé à tout, concentrant dans les végétaux moult principes actifs pour nos remèdes et notre santé quotidienne.
Une pharmacopée incroyable qu’on a su utiliser pendant des milliers d’années, selon des principes de bon sens dont on a perdu le fil. Alors, rappelons-le, on ne s’improvise pas botaniste ou herboriste et la prudence est de mise face au pouvoir puissant des plantes. Mais on peut commencer par se familiariser doucement à travers des balades botaniques, des randos-cueillettes comme il en existe désormais dans la France entière.
Constance de Buor a rencontré pour vous quelques passionnés, accompagnateurs en montagne formés à la botanique. Un monde de modestie et de terrain où l’on observe beaucoup, où le savoir des uns et les usages des autres ne cessent de s’enrichir mutuellement.
Élisabeth Marshall, rédactrice en chef
À lire :
- Fleurs sauvages, 500 espèces, de Christopher Grey-Wilson, Larousse.
- Les Plantes sauvages, connaître, cueillir et utiliser, de Thierry Thévenin, Éd. Lucien Souny.
- Plantes sauvages comestibles. Les 200 espèces courantes les plus importantes, de Sttefen Guido Fleischhauer, Jürgen Guthmann, Roland Spiegelberger, Ulmer.
- Plantes sauvages médicinales, de Rudi Beiser, Ulmer.