Le paradis, c’est ici
Publié le 4 Septembre 2016
Les DNA font paraitre cet été une série de beaux reportages sur la biodiversité dans notre région. Nous les relayons dans notre blog.
Article paru dans les DNA-Nicolas Blanchard le 11/08/2016
Serge Dumont en tournage dans les Vosges du Nord
Les caméras du biologiste, hydroécologue et réalisateur Serge Dumont scrutent depuis le printemps les zones humides des Vosges du Nord, dans le cadre d’un projet de médiatisation des richesses naturelles du territoire piloté par le Sycoparc. Chabots, lamproies, papillons et gomphes serpentins sont immortalisés dans un documentaire aux petits accents d’émerveillement. À découvrir début 2017 sur les écrans.
Premiers essais de la tyrolienne de la « câble cam » utilisée pour le tournage. PHOTOs DNA - Nicolas BLANCHARD
Les images prises par Serge Dumont et Christian Muller s’attachent à dévoiler la richesse des zones humides. Sous l’eau et au-dessus de la surface, parfois simultanément. PHOTO Serge Dumont
Aux premières heures du jour, la lumière est encore rasante sous les frondaisons. C’est le meilleur moment pour filmer : la luminosité est idéale pour capter l’atmosphère presque irréelle de ce petit bout de forêt perdu dans les Vosges du Nord, à quelques jets de pierre de Zinswiller.
Serge Dumont et son complice de toujours, le chercheur du CNRS, aérostier et président de La bulle du Ried [*] Christian Muller, se sont levés tôt pour en profiter. « Il ne faut pas traîner, je veux pouvoir tourner pendant qu’on a ces conditions exceptionnelles », lance le premier. Les deux compères tirent bientôt un câble sur une centaine de mètres entre deux arbres, « avec un système d’attache qui n’abîme pas le tronc, précise Serge, très soucieux de ce genre de détails. Quelques instants plus tard, le filin fait office de tyrolienne pour la caméra du réalisateur, bien connu dans la région depuis ses palmes d’or au festival international de l’image sous-marine d’Antibes pour les documentaires « Gravières du Ried » en 2007 et « Jungle d’eau douce » en 2012.
Le plan à tourner, pour cette première halte matinale, c’est un travelling au-dessus d’un petit ruisseau que les techniciens du parc naturel régional des Vosges du Nord ont indiqué, entre autres sites d’exception, au réalisateur. Tension palpable à la clé, la technique employée ce matin étant encore en phase de rodage. « C’est une première, explique Serge Dumont. Pour filmer les rivières, on utilise beaucoup le drone. Mais c’est une approche complexe pour immortaliser l’intimité des petits cours d’eau, parce qu’il est délicat de passer entre les arbres. C’est pour ça que j’ai pensé que ce serait génial d’avoir une caméra sur un câble, qui pourrait raser l’eau. C’est impossible d’avoir ce genre d’images autrement. »
Bientôt, les télécommandes se mettent en action. L’une sert à contrôler la motorisation du dispositif embarquant la caméra, l’autre à orienter l’objectif de l’appareil. Plusieurs prises sont effectuées, de plus en plus dynamiques à mesure que Serge et Christian prennent la mesure de leur nouveau « jouet ». Puis vient le moment de vérité : « On a quelques gouttes sur l’objectif, c’est dommage, juge Serge Dumont en regardant les prises. Mais c’est prometteur. »
Impossible de continuer aujourd’hui avec la tyrolienne, la motorisation du coûteux système ayant pris l’eau, mais les images sont là, qui parlent d’elles-mêmes : à quelques centimètres du ruisseau, en rasant les petites cascades et les touffes d’herbes, elles donnent un point de vue renversant sur ce bout de nature délicatement ensoleillé. Dire que l’on est à quelques minutes à peine des premières habitations…
Autorisations spéciales
Le travelling sur le ruisseau fait partie des passages obligés du documentaire commandé par le Sycoparc pour faire la promotion des zones humides et du patrimoine naturel des Vosges du Nord (lire à gauche). Le cahier des charges, inspiré par la directive européenne Natura 2000, en est conséquent : roselières, saulaies, friches acides à molinie et autres milieux humides y côtoient des espèces plus ou moins rares d’animaux qui ont élu domicile en ces lieux. Des papillons comme s’il en pleuvait, des libellules – dont le très protégé gomphe serpentin, emblématique des Vosges du Nord –, des oiseaux parmi lesquels le martin-pêcheur ou la grande aigrette, et bien évidemment des poissons, de la truite fario au chabot “commun” – il ne l’est plus tant que ça, son espèce étant classée vulnérable –, en passant par la discrète lamproie de Planer, dont Serge Dumont se réjouit d’avoir pu filmer la reproduction. Le Sycoparc a délivré des autorisations spéciales permettant aux deux partenaires de circuler librement à travers la réserve et dans l’emprise du camp militaire de Bitche, sanctuaire de nature auquel les civils ont rarement accès. Un privilège dont les deux amis ont profité avec un plaisir non dissimulé.
Christian et Serge finissent de ranger leur matériel et prennent la direction de leur deuxième spot de tournage de la journée. Les petites routes les mènent cette fois au nord de Mouterhouse, sur le sol mosellan. « On cherche une source, explique Christian Muller. On voit d’ailleurs qu’on n’est pas loin, la montagne suinte. » Mais le duo ne peut se fier, aujourd’hui, qu’à une marque de fluo laissée sur une carte routière au 1/25 000e. Un agent de l’ONF croisé sur le chemin donne bien quelques indications, mais rien n’y fait : le site reste introuvable. D’ailleurs, peu importe : Serge a repéré une petite rivière dont il pourrait tirer quelques belles ambiances. Il ne lui faut pas longtemps pour enfiler sa combinaison – l’eau est froide ! – et plonger sa caméra, cette fois en caisson étanche, dans l’eau limpide. Ici encore, les images que visionne bientôt le réalisateur laissent rêveur : en partie seulement immergé dans l’eau, et profitant du coup de pouce de quelques spots étanches pour pallier le manque de lumière, l’objectif capte les riches nuances de vert, sous l’eau et à la surface, qui ont tapé dans l’œil du réalisateur dès les premiers instants.
Christian, lui, a posé sa caméra devant une nuée de papillons de toutes les couleurs qui virevoltent, passant de fleur en fleur. Ici un Tabac d’Espagne, c’est sûr. Là, un Cuivré des Marais, peut-être – ce sera un Cuivré de la verge d’or, après vérification. « Ça se joue à pas grand-chose, complète Christian Muller. Il faut vraiment être là pile-poil quand les fleurs sont au top. » Les caméras, avides d’images, sont bientôt livrées à elles-mêmes. Elles tournent non-stop une petite heure durant, tandis que les deux passionnés de nature vaquent à d’autres occupations. Serge se réjouit déjà d’en découvrir, plus tard le soir, les résultats : « C’est toujours un plaisir de voir ce qu’on a obtenu, c’est un peu la surprise… »
Aux premières heures du jour, la lumière est encore rasante sous les frondaisons. C’est le meilleur moment pour filmer : la luminosité est idéale pour capter l’atmosphère presque irréelle de ce petit bout de forêt perdu dans les Vosges du Nord, à quelques jets de pierre de Zinswiller.
Serge Dumont et son complice de toujours, le chercheur du CNRS, aérostier et président de La bulle du Ried [*] Christian Muller, se sont levés tôt pour en profiter. « Il ne faut pas traîner, je veux pouvoir tourner pendant qu’on a ces conditions exceptionnelles », lance le premier. Les deux compères tirent bientôt un câble sur une centaine de mètres entre deux arbres, « avec un système d’attache qui n’abîme pas le tronc, précise Serge, très soucieux de ce genre de détails. Quelques instants plus tard, le filin fait office de tyrolienne pour la caméra du réalisateur, bien connu dans la région depuis ses palmes d’or au festival international de l’image sous-marine d’Antibes pour les documentaires « Gravières du Ried » en 2007 et « Jungle d’eau douce » en 2012.
Le plan à tourner, pour cette première halte matinale, c’est un travelling au-dessus d’un petit ruisseau que les techniciens du parc naturel régional des Vosges du Nord ont indiqué, entre autres sites d’exception, au réalisateur. Tension palpable à la clé, la technique employée ce matin étant encore en phase de rodage. « C’est une première, explique Serge Dumont. Pour filmer les rivières, on utilise beaucoup le drone. Mais c’est une approche complexe pour immortaliser l’intimité des petits cours d’eau, parce qu’il est délicat de passer entre les arbres. C’est pour ça que j’ai pensé que ce serait génial d’avoir une caméra sur un câble, qui pourrait raser l’eau. C’est impossible d’avoir ce genre d’images autrement. »
Bientôt, les télécommandes se mettent en action. L’une sert à contrôler la motorisation du dispositif embarquant la caméra, l’autre à orienter l’objectif de l’appareil. Plusieurs prises sont effectuées, de plus en plus dynamiques à mesure que Serge et Christian prennent la mesure de leur nouveau « jouet ». Puis vient le moment de vérité : « On a quelques gouttes sur l’objectif, c’est dommage, juge Serge Dumont en regardant les prises. Mais c’est prometteur. »
Impossible de continuer aujourd’hui avec la tyrolienne, la motorisation du coûteux système ayant pris l’eau, mais les images sont là, qui parlent d’elles-mêmes : à quelques centimètres du ruisseau, en rasant les petites cascades et les touffes d’herbes, elles donnent un point de vue renversant sur ce bout de nature délicatement ensoleillé. Dire que l’on est à quelques minutes à peine des premières habitations…
Autorisations spéciales
Le travelling sur le ruisseau fait partie des passages obligés du documentaire commandé par le Sycoparc pour faire la promotion des zones humides et du patrimoine naturel des Vosges du Nord (lire à gauche). Le cahier des charges, inspiré par la directive européenne Natura 2000, en est conséquent : roselières, saulaies, friches acides à molinie et autres milieux humides y côtoient des espèces plus ou moins rares d’animaux qui ont élu domicile en ces lieux. Des papillons comme s’il en pleuvait, des libellules – dont le très protégé gomphe serpentin, emblématique des Vosges du Nord –, des oiseaux parmi lesquels le martin-pêcheur ou la grande aigrette, et bien évidemment des poissons, de la truite fario au chabot “commun” – il ne l’est plus tant que ça, son espèce étant classée vulnérable –, en passant par la discrète lamproie de Planer, dont Serge Dumont se réjouit d’avoir pu filmer la reproduction. Le Sycoparc a délivré des autorisations spéciales permettant aux deux partenaires de circuler librement à travers la réserve et dans l’emprise du camp militaire de Bitche, sanctuaire de nature auquel les civils ont rarement accès. Un privilège dont les deux amis ont profité avec un plaisir non dissimulé.
Christian et Serge finissent de ranger leur matériel et prennent la direction de leur deuxième spot de tournage de la journée. Les petites routes les mènent cette fois au nord de Mouterhouse, sur le sol mosellan. « On cherche une source, explique Christian Muller. On voit d’ailleurs qu’on n’est pas loin, la montagne suinte. » Mais le duo ne peut se fier, aujourd’hui, qu’à une marque de fluo laissée sur une carte routière au 1/25 000e. Un agent de l’ONF croisé sur le chemin donne bien quelques indications, mais rien n’y fait : le site reste introuvable. D’ailleurs, peu importe : Serge a repéré une petite rivière dont il pourrait tirer quelques belles ambiances. Il ne lui faut pas longtemps pour enfiler sa combinaison – l’eau est froide ! – et plonger sa caméra, cette fois en caisson étanche, dans l’eau limpide. Ici encore, les images que visionne bientôt le réalisateur laissent rêveur : en partie seulement immergé dans l’eau, et profitant du coup de pouce de quelques spots étanches pour pallier le manque de lumière, l’objectif capte les riches nuances de vert, sous l’eau et à la surface, qui ont tapé dans l’œil du réalisateur dès les premiers instants.
Christian, lui, a posé sa caméra devant une nuée de papillons de toutes les couleurs qui virevoltent, passant de fleur en fleur. Ici un Tabac d’Espagne, c’est sûr. Là, un Cuivré des Marais, peut-être – ce sera un Cuivré de la verge d’or, après vérification. « Ça se joue à pas grand-chose, complète Christian Muller. Il faut vraiment être là pile-poil quand les fleurs sont au top. » Les caméras, avides d’images, sont bientôt livrées à elles-mêmes. Elles tournent non-stop une petite heure durant, tandis que les deux passionnés de nature vaquent à d’autres occupations. Serge se réjouit déjà d’en découvrir, plus tard le soir, les résultats : « C’est toujours un plaisir de voir ce qu’on a obtenu, c’est un peu la surprise… »
S’envoler au-dessus du château du Waldeck
La journée est déjà bien avancée. La deuxième étape, marquée par l’incontournable petite pause déjeuner à laquelle Christian est attaché, a finalement donné quelques fruits inespérés. Serge et Christian reprennent la route pour découvrir, à quelques pas de là, une petite source. Celle qu’ils cherchaient ? Petite déception à la clé en tout cas, l’eau surgit d’un tuyau de plastique scellé dans un mur de grès rose. Pas exactement ce dont le duo rêvait…
En revanche, l’arrivée aux abords du château de Waldeck, à Eguelshardt, est à la hauteur des attentes du duo. Là, libellules et plantes aquatiques mobilisent toute l’attention des deux compères, qui en profitent pour réaliser quelques prises de vue du plus bel effet. L’après-midi touche déjà sa fin, mais Serge peut compter « sur quelques plans de toute beauté ». Ils intégreront sans doute le film, qui aura sans doute du mal à tenir dans le format souhaité par le Sycoparc. « Ils ont demandé un format de quinze minutes, sourit Serge, mais rien qu’avec la lamproie, on a déjà plus de 40 minutes d’images dérushées. » De là à livrer une version plus longue ? Pourquoi pas. Pour Serge, « ce serait dommage de se limiter. » Quand on aime…
[*] Association pour la découverte et la protection du Ried alsacien.
DNA-Nicolas Blanchard
11/08/2016