Trois lynx aux portes de l’Alsace
Publié le 9 Août 2016
Luna, Kaja et Lucky, trois lynx capturés dans les Carpates slovaques ont été relâchés hier dans le Pfälzerwald, prolongement des Vosges du Nord en Rhénanie-Palatinat. À terme, une vingtaine d’individus seront réintroduits.
Trois bonds pour rejoindre la forêt… Les lynx sont munis de puces ainsi que de colliers GPS qui tomberont d’eux-mêmes d’ici deux ou trois ans quand la volumineuse batterie se sera vidée. PHOTO DNA - Marc ROLLMANN
Lucky, jeune mâle d’un an et demi, Kaja (trois ans) et Luna (cinq ans) : trois lynx gambadent en ce moment même dans les forêts du Pfälzerwald, premiers individus à réinvestir les lieux dans le cadre d’une vaste campagne de réintroduction qui doit permettre à l’espèce de repeupler le massif ces prochaines années.
« Peu de chances de les rencontrer »
Capturés en Slovaquie, les félins ont quitté vendredi soir la région de Bojnice dans un camion climatisé, une fois calmés après le stress d’un gros orage. Ils sont arrivés hier à destination, à 40 km de l’Alsace, avec six heures de retard sur l’horaire prévu. Au terme de ce périple de 1000 km et 11 h de route, ils ont été relâchés à 12 h 30 en présence de quelques invités triés sur le volet.
Les trois cages ont été ouvertes l’une après l’autre, laissant les lynx, d’abord un peu intimidés, filer vers la forêt. Le dernier a même pris la pose à l’orée du bois et s’est retourné plusieurs fois avant de disparaître en quelques bonds sous les frondaisons. Idéalement, les lynx pourraient se reproduire dès l’année prochaine, s’ils se croisent. Il faut savoir que ces félins peuvent parcourir 70 km par jour. Ils ont besoin d’un vaste territoire, de 50 000 à 70 000 hectares par individu. Autant dire que les randonneurs ont fort peu de chances de rencontrer ces animaux farouches, a insisté Ulrike Höfken, ministre de l’Environnement du Land de Rhénanie-Palatinat, présente pour assister au lâcher.
Michaël Keller, éleveur de moutons, convient que le projet est une importante contribution à la biodiversité. « C’est un animal sauvage et s’il se plaît ici, s’il n’est pas dérangé, s’il trouve à manger, il restera. Mais pour la première génération, ce sera difficile ». Le lynx pourrait aussi être attiré par les forêts hexagonales : « En huit jours, les lynx pourraient être dans les Vosges mais il faudrait qu’ils franchissent sans encombre la B10 qui mène de Landau à Sarrebrück ».
Gundolf Bartmann, vice-président du Landesjagdverband, a salué l’arrivée des lynx et affirmé que les chasseurs protégeront l’animal, qu’ils ne considèrent pas comme un concurrent. Il pourrait même devenir le symbole du Palatinat.
Côté français, Claude Kurtz, de l’association « SOS faucon pèlerin lynx », a nourri l’espoir d’une entente avec les chasseurs, souvent cités parmi les causes de l’échec de la réintroduction de l’espèce dans les Vosges (lire ci-dessous). « Il faut absolument trouver un compromis ».
Pour Jean-Claude Génot, chargé protection nature au parc naturel régional des Vosges du Nord, « la réintroduction de ces trois lynx est un aboutissement pour tous ceux qui ont contribué au développement du programme ». En France, il reste du travail à accomplir pour améliorer l’acceptation du prédateur. « Dans le cadre du parlement du lynx, tous les membres ont exigé une totale transparence. Dès que nous aurons des informations sur la localisation de l’animal, nous les transmettrons. »
DNA-Marie-Colette Becker 31/07/2016
A suivre...