Le pigamon simple dans la prairie
Publié le 11 Septembre 2016
En cours de classement en réserve naturelle, la forêt rhénane de la Robertsau à Strasbourg loge des plantes inscrites sur la liste rouge des espèces menacées d’Alsace. Redécouverte par hasard en 2012, dans la prairie du Beckenwoerth, la station du pigamon simple doit aussi faire face à une espèce exotique envahissante, le solidage, régulièrement fauché.
Benoît Lamard, jardinier-botanique du Conservatoire botanique d’Alsace, réalise un suivi une fois toutes les deux semaines et travaille à un protocole de germination du pigamon simple. Photo DNA – Marc ROLLMANN
"C’est la perle de la prairie du lieu-dit de Beckenwoerth à la Robertsau" , lance Nicolas Simler, chargé de mission au Conservatoire botanique d’Alsace (CBA), en pointant une sous-espèce galioides du pigamon simple.
Entre deux averses, on approche cette plante vivace en pleine floraison, inscrite sur la liste rouge des espèces menacées établie par le CBA et la Société botanique d’Alsace. En cet après-midi de la mi-juillet, on se bat contre de voraces moustiques qui s’activent sur la prairie fauchée.
Enjeu important pour le classement en réserve naturelle
Aérienne, élégante aux fleurs blanches, cette sous-espèce de pigamon simple a totalement disparu des prairies françaises.
Redécouverte par hasard en 2012 lors d’un suivi floristique par Adèle Sonnenmoser, botaniste chargée de mission aux espaces verts de la ville de Strasbourg, la station alsacienne est un cas unique. Très répandue en Alsace au XIXe siècle comme le note Frédéric Kirschleger dans son guide botanique (lire ci-dessous), on perd peu à peu sa trace. « Au point que certains botanistes s’interrogeaient, raconte Nicolas Simler, sur une éventuelle erreur de détermination. La dernière mention remonte à 20 ans. Nous avons mené des recherches localisées dans les lieux cités par Kirschleger. À Eschau, une gravière a été implantée, à Plobsheim, dans la Hardt, on n’a rien trouvé… Mais avec de nombreux bénévoles, nous poursuivons les observations. »
Dotée de petites feuilles plus fines que le pigamon simple, cette sous-espèce galioides s’épanouit aux abords de la prairie sur l’ancien lit majeur du Rhin. Qui a façonné un sol riche en calcaire, alluvions, graviers, sable.
La station du pigamon occupe une surface minuscule de moins de 10 m² et bénéficie d’une manutention manuelle. Et d’une attention presque hebdomadaire de la part du CBA. « Nous accompagnons le gestionnaire qui est la ville de Strasbourg ». Sur le terrain, le jardinier-botaniste Benoît Lamard surveille aussi l’avancée du solidage, une plante invasive originaire d’Amérique du Nord, qui menace le pigamon simple. Aussi la fauche-t-on régulièrement.
Sous nos yeux, le jardinier a compté une cinquantaine de pieds de pigamon. Il travaille actuellement à l’élaboration d’un protocole de germination. Pour l’instant, le CBA n’a réalisé aucun réimplant, ni récolte de graines in situ. Celles qu’il possède dans ses locaux de la ferme Bussierre proviennent de l’antenne mulhousienne. Certaines ont été semées dans le jardin botanique de la ferme mais sans succès. Il va falloir déterminer le pourcentage de levée des graines, la meilleure période pour semer – printemps ou automne… Autant d’informations qui permettront d’affiner le protocole de germination.
Aux bords de la prairie du lieu-dit de Beckenwoerth, dans la forêt de la Robertsau à Strasbourg, une sous-espèce du pigamon simple en floraison – cas unique en France. Une cinquantaine de pieds s’y épanouissent depuis la redécouverte de la plante en 2012. Photo DNA – Marc ROLLMANN