Une très discrète fougère

Article paru dans les DNA le 25/8/2016

par Simone Wehrung



Une nouvelle station de botryche à feuilles de matricaire, espèce classée en danger critique sur la liste rouge des plantes menacées dans la région, a récemment été découverte dans les Vosges du Nord. Une aubaine pour les botanistes.

En France, l’espèce est déjà rare parce qu’en limite sud de son aire de répartition. Elle n’aime pas la chaleur et se trouve plus fréquemment en Scandinavie.

Le botryche à feuilles de matricaire, cette petite fougère dont la partie foliaire rappelle celle de la camomille, ne goûte pas non plus les terres riches mais affectionne au contraire les terrains acides siliceux et l’herbe rase, un milieu qui n’existe guère en Alsace que dans les Vosges gréseuses.

Fleuron des pelouses sableuses

La typologie des prairies du massif vosgien élaborée récemment par le conservatoire botanique d’Alsace (CBA) en lien avec ses homologues de Franche-Comté et de Lorraine a permis, côté alsacien, de détailler les milieux ouverts des Vosges du Nord, curieusement assez peu connus des botanistes.

« La plupart du temps, les Vosges du Nord sont réduites aux milieux aquatiques, aux tourbières et aux rochers qui les singularisent, commente Nicolas Simler, phytosociologue du CBA. Et on en oublie les prairies sableuses. »

Milieu acide

Ce sable né de la désagrégation du grès est naturellement acide car composé de silice au pH inférieur à 7 qui conditionne dès lors la flore qui y pousse : des œillets à delta, du persil de cerf, des fétuques… Et plus exceptionnellement des botryches à feuilles de matricaires, véritable fleuron des pelouses acides.

Une nouvelle station de cette fougère en danger critique de disparition a ainsi été découverte lors des travaux de typologie par le conservatoire, trouvaille qu’il s’est dépêché de partager avec la société botanique d’Alsace, association de naturalistes spécialistes de la flore régionale (nous en tairons ici la localisation pour éviter l’afflux de curieux dans un milieu sensible).

Une sortie a même été organisée ce printemps à l’intention des membres de la SBA dont plusieurs n’avaient jamais vu cette espèce de botryche (un genre de fougères dont la fructification est en grappe).

Un pâturage pour les moutons

L’observation n’a pas été aisée, le botryche à feuilles de matricaire se caractérisant notamment pas sa petitesse et sa couleur verte qui se fond dans l’herbe.

Un pied a heureusement été repéré par un œil avisé et a été photographié sous toutes les coutures par les botanistes tout heureux de la trouvaille.

La rareté de la plante justifie évidemment un suivi de la station mais il appartiendra au parc naturel régional des Vosges du Nord de continuer à gérer la prairie comme il l’a fait jusqu’ici.

Car si un botryche a été observé là, c’est grâce à la gestion extensive dont les pelouses sableuses font l’objet sur le territoire du parc. De manière générale, des conventions sont passées avec des agriculteurs pour garder le caractère semi-naturel des prairies, fauchées mais non amendées.

Sur la nouvelle station découverte, ce sont des moutons qui gardent le milieu ouvert. Cette « technique » est plus homogène que la fauche et facilite la dissémination.

Le botryche restera une plante rare mais autant multiplier ses chances sur les quelques milieux où il peut s’épanouir.