Restaurer le biotope rhénan

Publié le 22 Novembre 2016

Article paru dans les DNA du 5/11/2016 Valérie Walch
 

Voici un article qui fait référence au travail de certains élus pour la reconquête des milieux naturels chassés par le maïs et l'urbanisation... Comme ce travail et long et difficile ! 

Admirons au passage l'engagement du CSA victime, chaque année, de la réduction drastique de ses subventions alors que pour d'autres grands chantiers -routes ou de prestige, et le foot via ses équipements- l'argent continue de couler à flots.
 

Roland




Via la signature de baux emphytéotiques, les Villes d’Illkirch et Eschau viennent de confier pour 36 ans au Conservatoire des sites alsacien la gestion d’1,7 ha de propriétés communales du côté des Hertenmatten et de la Schlangenlache. Objectif : renaturer le site pour restaurer un authentique biotope rhénan.

Avant les travaux d’aménagement du Rhin, de nombreuses diffluences – des petits bras – parcouraient le paysage, par ailleurs périodiquement en eau jusqu’à la création du plan d’eau de Plobsheim. Subsistent de ces temps révolus des zones humides que les communes d’Illkirch et Eschau ont voulu préserver à tout prix. C’est tout l’objet de la signature des baux emphytéotiques qui les lient depuis mercredi et pour les 36 années à venir au Conservatoire des sites alsaciens (CSA).

En confiant la gestion des Hertenmatten et de la Schlangenlache au CSA, « c’est une nouvelle couture, un ourlet de nature au milieu d’un océan de maïs, que nous espérons reconstituer. Ce petit couloir écologique est un espoir pour un futur plein de vie et de biodiversité », s’enthousiasme, avec son lyrisme habituel, l’adjoint à l’écologie et aux espaces verts et naturels d’Illkirch, Richard Hamm. Son homologue d’Eschau, Monique Eychenne, salue « une sensibilité écologique commune, au-delà d’orientations politiques différentes », à l’image de son maire – et conseiller départemental – Yves Sublon.

Un peuplier noir de souche rhénane a été planté symboliquement, lors de la signature des baux emphytéotiques entre Illkirch, Eschau et le Conservatoire des sites alsaciens pour la protection des Hertenmatten. Photo : DNA – Cédric Joubert

Un peuplier noir de souche rhénane a été planté symboliquement, lors de la signature des baux emphytéotiques entre Illkirch, Eschau et le Conservatoire des sites alsaciens pour la protection des Hertenmatten. Photo : DNA – Cédric Joubert

Un ancien pâturage

Président du Conservatoire des sites alsaciens, Théo Trautmann est revenu sur l’étymologie des deux vocables : Hertenmatten vient du vieil allemand « Herta », qui a donné « Herde », « troupeau ». « C’était un endroit où l’on menait les troupeaux à la pâture », remarque-t-il, rappelant qu’il est rare de trouver des traces de l’activité d’élevage dans les toponymes de la région. Quant à la « Schlangenlache », ses origines seraient grecques et viendraient de « Lache », « la flaque », « Schlangen » faisant référence à sa forme serpentine – et non à la présence d’éventuels serpents (ouf !).

Toujours est-il que ces deux types de paysages réunis forment « un corridor écologique fonctionnel d’environ 700 mètres linéaires », note Théo Trautmann, rendant hommage aux deux communes pour avoir su mener à bien et de concert « cette action exemplaire qui servira de modèle à d’autres ».

Pour que la nature retrouve ses droits – « si elle le veut bien » –, d’importants travaux auront lieu dans les mois et années à venir. Il s’agira notamment pour le CSA, en lien avec les bénévoles et l’association Eschau nature, et avec l’aide financière et logistique des deux communes, du conseil départemental du Bas-Rhin et de l’Agence de l’eau Rhin Meuse, de creuser des mares, de planter des haies, d’aménager des petits bois… Espèce exotique envahissante, le vinaigrier de Virginie sera éliminé pour laisser place aux espèces autochtones tel le saule blanc, le peuplier noir, l’aulne… Histoire d’offrir un abri à la faune, de clarifier ou de maintenir les limites de propriétés, mais aussi d’éviter les dépôts sauvages, comme ces restes de matériaux de construction dénichés mercredi dans un fossé. « Il n’est pas question de mettre le lieu sous cloche », prévient cependant Théo Trautmann, précisant qu’il faudra trouver une solution pour interdire le passage des véhicules, tout en maintenant l’accessibilité pour les piétons.

Un havre pour des espèces menacées

« Côté faune, il s’agit de favoriser l’épanouissement des espèces les plus représentatives et les plus menacées de ce milieu humide », explique Pierre Goertz, le technicien du CSA en charge du site. On retrouve ici deux criquets figurant sur la liste rouge (le criquet des roseaux et le criquet ensanglanté), de même que la libellule « æschne affine », le triton crêté – pour lequel les conditions seraient ici optimales – ou le crapaud calamite, observé en assez grand nombre au printemps, pluviosité record aidant. « Le site s’étendant sur 170 ares, il offre la possibilité de recréer différents types d’habitats écologiques : haies, petits boisements, roselières, prairies, mares… L’association de tous ces biotopes permettant aux différentes espèces de trouver un endroit pour vivre, manger et se reproduire. »

Pression foncière oblige, il aura fallu six ans pour que le projet aboutisse, ce qui a laissé le temps à la Ville d’Illkirch – qui a sur son ban 90 % du site impacté – d’anticiper les plantations. Ces deux dernières années, cornouillers, noisetiers, peupliers, chênes, sureaux, aulnes, rosiers sauvages, bouleaux et érables champêtres ont été plantés. Mercredi, un peuplier noir de quatre ans « élevé » à la pépinière municipale d’Illkirch les a rejoints. Et ce n’est qu’un début.

Rédigé par ANAB

Publié dans #Biodiversité hors région, #découverte nature

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