Traces de castor- découpes (1/2)
Publié le 14 Décembre 2016
De nouveaux chantiers de bûcherons polonais en Alsace Bossue ??
Les polonais sont réputés travailleurs et donc les bûcherons polonais aussi.
En découvrant certaines traces d’abattage d’arbres, sur des placettes de ripisylves le long de la Sarre, nous avons tout d’abord cru à un chantier d’une équipe de ces courageux travailleurs de la forêt.
Et bien non, c’est le dénommé Castor fiber, autrement dit pour les intimes, le Castor d’Europe qui était à l’œuvre.
C’est avec beaucoup de joie que nous avons découvert les traces de ce nouveau venu dans notre région, le long de la Sarre.
D’où l’idée de vous faire partager ses mœurs en matière d’arbres, nourriture et découpes.
Nous aurons l’occasion de revenir sur d’autres aspects de cet animal méconnu.
Préférences alimentaires
Castor fiber a une nette préférence pour les bois tendres, peupliers, saules et trembles. Ces espèces, remarquez-le, appartiennent toutes à la famille de plantes des Salicacées (Salix , c'est le saule).
Ce sont des espèces dont la particularité est d’être à croissance rapide et de pousser dans les zones humides, le long des rives des cours d’eau et des lacs.
Le castor consomme les autres essences comme les aulnes, certains résineux ou les arbres fruitiers en l’absence des premières.
Origine principale des traces : elles proviennent de ses besoins alimentaires
Castor fiber doit se nourrir de 2 kg matières issues du bois par jour ou de l’équivalent en plantes et feuilles dont 600 à 700 grammes d’écorce pour couvrir ses besoins énergétiques.
Son estomac est conçu pour digérer la masse ligneuse et en produire de l’énergie.
Il consomme les arbres plutôt en arrière saison et en hiver, les herbes étant à cette saison moins disponibles.
Techniques de coupe :
Quand il veut abattre un arbre le castor s’assied au pied du tronc sur ses pattes arrières et sa queue.
Avec sa tête en position perpendiculaire au tronc il entreprend alors de le couper. Il pénètre dans les bois avec ses dents comme un ciseau de menuisier en avançant par à coups. En 3 à 4 fois les mâchoires se rejoignent et détachent un copeau. Ceci explique que la hauteur de la ligne de coupe est de 40 cm en général mais varie de 5 à 80 cm selon le diamètre de l’arbre.
Les copeaux mesurent de 5 à 30 cm de long sur 2 à 4 cm de large et 0.5 à 2 cm d’épaisseur.
Le castor commence par la partie la plus tendre, l’extérieur puis attaque le centre du tronc. Il se concentre sur une ligne principale de coupe mais coupe de part et d’autre de cette ligne pour pouvoir dégager les copeaux.
Il en résulte une taille du tronc, caractéristique en forme de sablier. (voir photos).
Castor -Si un obstacle l’empêche de tourner au tour du tronc la taille prend une forme singulière de K.
Dimensions des arbres abattus
Un arbre abattu servira de nourriture avec ou sans ses feuilles.
Si l’arbre mesure moins de 3 cm de diamètre le castor le coupe en quelques coups de dents en s’appuyant dessus, c’est une coupe en sifflet.
Le castor s’attaque à des arbres plus imposants. Nous avons vu de nombreux troncs de 20 à 25 cm abattus. Sur la Loire, en Touraine des saules de 72 cm et des peupliers de 1 m de diamètre ont été abattus par des castors.
Peut-être ce comportement est lié au fait que les arbres âgés secrètent moins de polyphénols, des tanins, composés, toxiques à forte dose pour les mammifères. Notre ami castor doit varier sa nourriture car les rejets de souche secrètent d’avantage de toxines pour mieux résister aux attaques des herbivores. C’est une évolution des plantes qui a favorisé celles capables de se défendre ainsi. Il en de même dans de nombreux milieux comme la savane africaine avec les acacias capables de diffuser dans l’air un gaz avertisseur, l’éthylène, signal d’attaques d’herbivores. Les plantes sous le vent, qui ont reçu ce signal d'attaque, produisent alors d’avantage de polyphénols toxiques et les herbivores ne les broutent plus! Certains herbivores ont trouvé la parade et remontent le vent en broutant. Les plantes n'arrivent pas à avertir leurs congénères situés en amont par leur sécrétion chimique d'éthylène.
Les castors préfèrent les arbres de petits diamètres, 3 à 5 cm ou les branches et rejets de l’année, entièrement consommables, bois, écorce et feuilles,
Rendement atelier de bûcheronnage
Un castor peut couper un saule de 8 cm en 5 minutes et un peuplier de 25 cm en deux séances de travail nocturne de 1 heure !!
Agriculture castorienne
En abattant des troncs et surtout de petits troncs de 5 à 10 cm, le castor facilite la repousse de rejets caractéristique des saules. Il transforme ainsi les rives plantées d’arbres moyens ou gros en pépinières à rejets en fait un vrai garde-manger de nourriture fraîche. La consommation de branches et de feuilles sur « ces plantations » sera optimale car pas de tri à faire, tout est bon, en quantité importante et accessible avec le moindre effort.
Cuisine du castor
Le castor consomme de l’écorce et des fibres sur son chantier. Il débite certains troncs sur place en plusieurs morceaux pour faciliter leur transport, si possible sur l’eau. Cela lui est plus facile, il consomme moins d’énergie en tirant une branche dans l’eau que sur la terre ferme.
Il va transporter ces morceaux dans un garde-manger frais qui lui conservera toutes ses qualités nutritives.
Nous avons vu à un endroit 2 troncs de taille semblable coupés depuis quelques jours. L'un des troncs, s’était "envolé", et avait une longueur de 7 mètres environ!.
L'excédent de nourriture, des branches coupées, est planté dans le fond de la rivière, à un endroit assez profond où le courant est faible. Le castor consommera ces branches ainsi conservées au frais, avec tous leurs éléments nutritifs, au fur et à mesure, pendant la mauvaise saison. C’est son « réfrigérateur »
Temps recherché pour la nourriture :
Le castor selon certaines études passe 4.5 heures par jour à se nourrir.
Comme tous les animaux il cherche instinctivement de la nourriture de haute qualité énergétique au prix du moindre effort. Il se déplace autour de son gîte de 0.5 à 1 km au plus et notre Castor fiber cherche sa de nourriture à moins de 3 à 4 mètres de l’eau et pas au-delà de 20 à 30 mètres. Au contraire, son cousin canadien Castor canadensis se déplacera lui jusqu’à 250 m.
Photos et texte Roland Gissinger (Anab)
voir la suite de cet article: Traces de bucherons polonais (2) = les castors
Sources bibliographiques :
Le castor / Pierre Cabard / Delachaux Niestlé /
Autres documents intéressants, communiqués par Etienne :
http://www.nabu-saar.de/tiere-pflanzen/themen/biber/
http://www.nabu-saar.de/fileadmin/user_upload/S4-9_4-15__aus_14-nabu-saarland-Biberbroschuuere.pdf
http://www.geml.fr/geml_actions-castor.html