L’extraction aurifère en Guyane, un danger pour la biodiversité forestière et ses habitants

Publié le 17 Janvier 2017

Nous avons quelques liens privilégiés avec la Guyane raison pour laquelle nous vous faisons partager des informations sur ce beau département.
La situation légale de l'exploitation minière est en cours de changement et  risque de faire de grands dégâts sur la biodiversité pas seulement dans les DOM TOM mais aussi chez nous en  métropole .

Article paru sur Reporterre le 13 décembre 2016


L’orpaillage clandestin dans la forêt tropicale guyanaise est en plein essor, et avec lui ses impacts négatifs. L’État, demande l’auteure de cette tribune, doit repenser la lutte contre une activité très préjudiciable à l’environnement et aux populations autochtones.

La Guyane est certainement un des plus importants patrimoines de l’humanité, à la fois en raison de sa biodiversité exceptionnelle et de sa richesse culturelle. Notre territoire, adossé au vaste massif amazonien, constitue un des derniers refuges de forêt tropicale humide à l’échelle globale. À ce titre, l’État a une lourde responsabilité vis-à-vis de ces citoyens et des citoyens du monde. Le sud de la Guyane, en particulier, est très important sur le plan de sa biodiversité, mais aussi de sa sociodiversité, avec la présence de populations autochtones et locales culturellement très riches.

Malheureusement, et ce, malgré le travail remarquable des agents du Parc amazonien de Guyane (PAG), et celui réalisé par les forces armées en Guyane, le territoire du Parc, qui devrait être un exemple en matière de protection de forêt tropicale, est affecté par des chantiers illégaux d’orpailleurs clandestins de plus en plus nombreux.

Le conseil scientifique du Parc amazonien a depuis longtemps alerté les autorités sur cette situation dégradante pour un Parc national, notamment avec la rédaction de cinq motions relatives à l’orpaillage illégal (30 janvier 2009, 14 octobre 2009, 12 mai 2011, 5 décembre 2012 et 7 décembre 2013). Cependant, la situation ne cesse de se dégrader, comme l’atteste le dernier suivi environnemental (bulletin no 2 du Parc amazonien de Guyane) des impacts de l’orpaillage illégal, qui montre une hausse de 15 % (sur un an) du nombre de sites actifs, soit un total de 128 sites actifs

sur le territoire du Parc amazonien. L’activité alluvionnaire, qui affecte les cours d’eau, n’a jamais été aussi élevée depuis 2008 avec 118 chantiers.

Un accroissement dramatique des impacts négatifs de l’orpaillage

Cette situation est inadmissible et prouve l’aggravation de cette plaie pour notre forêt tropicale (une des mieux préservées au monde, jusqu’à il y a quelques années) et ses habitants, avec pour corollaire au pillage des ressources, un accroissement dramatique des impacts négatifs de l’orpaillage :

  • sur la qualité des milieux pourtant extrêmement riches d’un patrimoine biologique unique (fort taux d’endémisme), dont les cours d’eau en particuliers sur de longues distances (dépôt de sédiments sur les substrats vitaux, déficits en oxygène des milieux aquatiques, élimination de la végétation aquatique…) ;
  • sur la qualité et la quantité des ressources de subsistance (pêche, chasse, alimentation polluée…) ;
  • sur la pollution environnementale au mercure, que l’on sait à la fois d’origine naturelle, par l’érosion des sols anciens précambriens naturellement riches en mercure (Hg), et anthropogéniques, dont l’orpaillage, qui favorise la lixiviation, l’érosion des sols, donc la remise en suspension de la litière organique avec sa charge mercurielle. Celle-ci permet la méthylation du mercure en methylmercure, forme hautement toxique et bioaccumulable. Nous nous permettons de rappeler l’engagement de la France quant aux directives européennes sur l’eau qui auraient dues être mises en application et opérationnelles depuis... 2010, et dont les directives sont loin d’être mises en vigueur actuellement en Guyane ;
Orpaillage en forêt primaire Guyane

Orpaillage en forêt primaire Guyane

  • sur la santé des populations locales (imprégnation mercurielle...), notamment avec des intoxications massives fœto-maternelles surtout sur le Haut-Maroni : plus de 90 % de la population étudiée y présente des taux supérieurs aux seuils actuels de toxicité (5 µg/g de cheveux) et que plus de 15 % présentent des taux supérieurs à 20 µg dont 3 cas cliniques de neuropathies périphériques chez des adultes. Le développement psychomoteur des enfants ainsi affecté par la transmission fœto-maternelle étant grandement hypothéqué ;
  • sur leur mal-être croissant, mis en lumière par un taux de suicide extrêmement élevé : un suicide sur 200 habitants sur le haut Maroni, soit 25 fois plus que celui enregistré en métropole ;
  • la sécurité des personnes et des biens, celle des habitants, et aussi celle des agents de sécurité de l’État (comme l’ont montré les évènements dramatiques récents tant à Maripasoula qu’à Camopi).

Exemplarité en matière d’environnement

Les actions de police et les moyens alloués à ces actions doivent impérativement être renforcés à la hauteur du problème, et la stratégie de lutte doit être complètement repensée. De plus, nous soulignons la nécessité d’une coopération franco-brésilienne et avec le Suriname voisin pour venir à bout de ce fléau qui entache la vision du rôle des zones protégées, en particulier celle du PAG, en décalage avec les attentes initiales et qui donne une image dégradée et une défiance des citoyens à l’encontre de l’état régalien perçu comme impuissant et éloigné des préoccupations premières de ces administrés. Il en va également de l’exemplarité en matière d’environnement, à l’image de la COP21, que la France prône vis-à-vis de pays voisins et dont les moyens étatiques sont pourtant bien moindres que les siens.

De plus, nous nous opposons à considérer l’extraction minière comme service écosystémique, comme cela a été mentionné dans le rapport du programme Best (bulletin d’information Best no 3) établi par le WWF. En effet, un gisement — fut-il d’origine fluviatile — relève non pas de l’écosystème (temps présent), mais du géosystème (temps long et héritage des temps anciens) qui diffère de l’écosystème par les échelles de temps et/ou par une implication du vivant révolue. L’extraction minière ne peut donc, en aucun cas, être considérée comme un service écosystémique !

 

Marie Fleury*-Reporterre 13 décembre 2016
 

*Marie Fleury est la présidente du conseil scientifique du Parc amazonien de Guyane.

barge d'orpaillage

barge d'orpaillage

Rédigé par ANAB

Publié dans #préserver les ressources, #Pollution-pesticides

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