Le maïs, cause de démence

Publié le 27 Janvier 2017

Article paru dans les DNA le 24 janvier 2017 Simone Wehrung

Une étude menée à l’institut pluridisciplinaire Hubert-Curien de Strasbourg a mis en évidence le lien entre une alimentation à base de maïs et un fort taux d’infanticide chez le grand hamster.

Des vers de terre pour les protéines mais surtout de la vitamine B3 pour la reproduction. Photo IPHC Florian KLETTY

Des vers de terre pour les protéines mais surtout de la vitamine B3 pour la reproduction. Photo IPHC Florian KLETTY

On savait que la maïsiculture était en grande partie responsable de la disparition du hamster d’Alsace: elle n’offre pas un couvert végétal suffisant pour mettre le rongeur à l’abri des buses, renards et autres prédateurs.

On sait maintenant que le maïs contribue même directement au déclin des populations. Réalisée par un groupe de chercheurs de l’institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (CNRS-Université de Strasbourg), une étude vient de montrer que la surconsommation de maïs développe « des comportements maternels inappropriés ayant pour résultat un taux élevé d’infanticides, environ 95 % ».

A l’origine, cette recherche, financée par le LIFE Alister*, visait à comprendre les effets de l’alimentation en blé et en maïs sur le taux de reproduction de l’animal. Par groupes de 7, les hamsters femelles ont été nourries soit avec un mélange de blé et de trèfle ou maïs/trèfle soit avec du blé ou du maïs additionné de vers de terre (régime plus riche en protéine). L’étude a mis en évidence pour tous les groupes carencés en protéine une réduction de la taille des portées, mais une anomalie très perturbante est apparue dans les groupes nourris avec du maïs.

Carence en vitamine B3

Dès le premier jour, les mères tuaient leurs petits ou les stockaient avec le reste de la nourriture pour les manger quelques heures, maximum quelques jours plus tard. «Et elles leur donnaient naissance hors du nid», ajoute Mathilde Tissier, responsable de l’étude dans le cadre de sa thèse (encadrée par Caroline Habold et Yves Handrich). «Ce qui est un autre comportement totalement atypique. »

La quantité de protéines n’y a rien changé « et curieusement, c’étaient les femelles les plus grosses qui dévoraient le plus rapidement leurs petits ». Plus elles engloutissaient du maïs, plus elles devenaient infanticides…

Les recherches s’orientent alors sur la carence dans le maïs en vitamine B3 et son acide aminé associé, le tryptophane. C’est cette avitaminose qui mène le hamster à la démence, comme chez les humains victimes de la pellagre, maladie de la peau et du système nerveux encore observée dans certaines populations dont l’alimentation est à base de maïs cru.

Il a suffi de rajouter de la vitamine B3 dans l’alimentation des hamsters « pour restaurer des comportements maternels appropriés et un bon succès reproducteur », soit 4 à 5 petits par femelle.

Une nouvelle piste

de conservation

Cette nouvelle donnée pourrait expliquer l’échec des réintroductions de hamsters dans les espaces protégés des prédateurs. Du maïs (grains, épis ou feuilles) est très fréquemment retrouvé dans leurs terriers et la carence apparaît dès que la part de la céréale jaune dépasse 30 % dans l’alimentation.

La problématique de la conservation du grand hamster est peut-être à un tournant. La limitation de la prédation est toujours pertinente mais « il est important aussi de restaurer la reproduction avec une alimentation variée ». Le maïs étant omniprésent dans la plaine d’Alsace, tout l’enjeu est maintenant de trouver des remédiations à la carence en vitamine B3. « C’est le sujet de notre dernière étude, en cours d’achèvement, annonce Mathilde Tissier. Trouver des cultures riches en tryptophane à associer au maïs. On a des pistes prometteuses ».

* Projet européen de compréhension des causes de la disparition du hamster d’Alsace pour y remédier

Rédigé par Anab

Publié dans #Protection animale

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