Destruction d'un site exceptionnel en Alsace Bossue - suite
Publié le 13 Mars 2017
Suite à la parution de l'article dans les journaux locaux sur la destruction, de zones exceptionnelles et de plus protégées par la loi, les agriculteurs de la puissante fédération FNSEA ont réagi.
Les DNA débutent leur article par la déclaration de la FNSEA qui prétend que les agriculteurs sont la « variable d’ajustement ».
L’un de nos collègues, Gérard a répondu à cet article. Les DNA ont publié une partie de sa lettre.
Voici les deux articles
Si vous me le permettez j’aoute à cette parfaite réponse de Gérard que s’il existe une variable d’ajustement c’est la Nature et pas les agriculteurs.
La Nature est toujours perdante car elle n’a personne ou presque pour la défendre, que les textes relatifs aux infractions à la loi sont rarement appliqués, les sanctions ne sont presque jamais suivies quand il s’agit d’agriculteurs.
Tous les agriculteurs n’ont pas la vie facile. Loin s’en faut.
Pourquoi la FNSEA ne défend-elle pas en priorité les petits agriculteurs, ceux de montagne et ceux de l’agriculture biologique mais défend-elle les primes agricoles à la surface?
La seule raison est que les aides agricoles de la CEE à la surface bénéficient d'abord aux grandes exploitations, celles qui dirigent ce syndicat, en particulier certains groupes industriels et même la reine d’Angleterre.
Pourquoi la FNSEA incite-t-elle à saccager l'environnement ? Elle l’a fait récemment avec l’un de nos collègues, l'encourageant à supprimer les haies pour toucher des primes car il était sous la limite de surface minimale qui permet d'en obtenir?
Les agriculteurs de la zone concernée par la liaison A4 Lorentzen dont on parle ici, ont vu
-le remembrement (ou aménagement foncier pour être moderne) entièrement payé par la collectivité c'est à dire le Département mais en réalité nos impôts,
- ainsi que les chemins ruraux, dont les travaux sont à venir.
- la surface des parcelles a été multipliée par six.
Ces changements vont améliorer leur productivité.
Il leur reste quelques contraintes à savoir
- conserver les techniques de cultures de certaines parcelles comme avant le remembrement :
- ne pas transformer les prairies de l’APPB (zone de protection réglementée éditée parle préfet) en champs cultivés, car ces milieux deviennent très rares,
- ne pas arracher les haies refuges de faune.
N’est pas le minimum que nous devons aux générations futures ?
Roland
À propos des compensations de l’A4 - Lorentzen
Suite à l’article sur les agriculteurs en Alsace Bossue (DNA dimanche 5 mars), Gérard Lavaupot , militant pour la protection de la nature a souhaité réagir aux positions exprimées lors de l’assemblée générale de la section locale de la FDSEA.
« Tout d’abord en tant que “protecteur de la nature “depuis toujours, je suis d’accord avec M. Dietrich (président de la section locale de la FDSEA, NDLR ) sur le fait que la situation actuelle (sur les zones impactées par le projet) est plutôt positive pour la biodiversité ! Et qu’on doive la mettre au crédit de nombreuses générations de paysans qui ont su jusqu’à présent préserver des biotopes favorables à une flore et une faune sauvage exceptionnelles à l’échelle de l’Alsace toute entière !
Seulement voilà, il y a un projet de route contre lequel je me suis toujours battu (depuis 1976), et dont la surveillance incombe désormais à l’Anab qui fait un travail remarquable. Ce projet n’est pas de la responsabilité de ceux que l’on appelle écolo, ou des habitants de la vallée de l’Eichel, amateurs de beaux paysages, de nature préservée et d’agriculture respectueuse. Il faudra donc, si la route se fait, supporter une saignée monstrueuse sur les terres agricoles de ces magnifiques collines et il faut déjà, avant même que la route soit faite, s’indigner de destructions irrémédiables et bien sûr illégales liées au remembrement.
S’il y a des compensations à la hauteur de 400 ha – il ne s’agit pas une mise sous cloche d’un territoire qui serait interdit aux paysans –, c’est qu’il y a enfin reconnaissance par les pouvoirs publics d’un patrimoine exceptionnel qui se traduit par une forte mesure légale de protection. Cet APPB (arrêté préfectoral de protection de biotope) n’interdit nullement aux agriculteurs de gérer leurs parcelles “en bon père de famille “mais il est censé préserver ces sites d’interventions destructrices des espaces et des espèces comme on le voit trop souvent avec l’agriculture productiviste moderne.
MM. Lorber (secrétaire général de la FDSEA) et Dietrich ne se sont sans doute pas rendus sur place : ils auraient alors – en bons agriculteurs compétents qu’ils sont – déploré ces retournements de prairies et ces destructions de haies, pratiques agronomiquement indéfendables sur ce terroir.
Selon moi, les vrais problèmes de l’agriculture en Alsace Bossue sont à chercher ailleurs que sur les compensations de la liaison A4 - Lorentzen qui s’avèrent plutôt une chance et une vitrine pour les labels bio et sur lesquelles les agriculteurs et les écologistes auraient milles bonnes raisons de s’entendre. Je désire ardemment comme beaucoup de citoyens que se développe en Alsace Bossue une agriculture innovante, diversifiée, de qualité et ancrée dans notre territoire avec des agriculteurs fiers de leur métier et assurés d’en tirer un revenu décent sans avoir à copier la plaine d’Alsace. »
Les handicaps s’accumulent pour les agriculteurs
article des DNA par Thomas Lepoutre (05/03/2017)
La situation des exploitants agricoles du secteur est loin d’être simple. En Alsace Bossue, ils ont dû et vont devoir faire avec des baisses de revenus, la météo capricieuse et diverses contraintes liées au territoire comme le projet de liaison A4-Lorentzen.
« L’agriculture ne peut plus être la variable d’ajustement ». Cette réflexion de Patrick Dietrich face aux difficultés rencontrées par les exploitants agricoles à aboutir à des prix de vente viables pour les exploitations résume assez bien l’état d’esprit qui a prévalu vendredi soir à l’assemblée générale de la section cantonale de la FDSEA.
En effet, lors de cette réunion, outre une partie d’informations pratiques à destination des exploitants agricoles, le plus gros de la réunion a porté sur les problèmes rencontrés ces dernières années et ces derniers mois par les agriculteurs du secteur.
Double peine climatique et tarifaire
La principale problématique pour l’avenir de l’agriculture dans le secteur réside avant tout dans la difficulté des filières élevage lait et viande à aboutir à un prix d’achat satisfaisant pour leurs produits, mais aussi la problématique des grandes variations de cours des céréales. Cela a notamment été mis en exergue lors d’une présentation de la situation économique des différentes filières. Ainsi, entre 2011 et 2015, les filières élevage ont vu leur résultat courant être divisé par deux, voire par quatre pour les plus impactées par les baisses de prix. Dans le même temps, les cours des céréales ont plongé. Les filiales tabac, houblon, maraîchage et arboriculture n’ont, elles, pas connu de telles baisses et se présentent comme des alternatives intéressantes pour les exploitants qui souhaiteraient aller vers la diversification, même si toutes ne sont pas implantables sur le plateau lorrain.
La problématique des marges prises par les industriels et par les divers intermédiaires entre producteurs et consommateurs a également été mise en avant. Ce fut le cas par exemple pour le lait UHT qui a vu son prix augmenter de 17 cents entre 2001 et 2015, là où la rémunération des producteurs laitiers n’avait alors augmenté que de 2 cents.
Pour ne rien arranger, la situation météorologique a été catastrophique en 2016, avec beaucoup d’eau au printemps et une quasi-sécheresse en été. Elle a eu un impact important sur l’ensemble des productions. Outre les céréales, les éleveurs n’ont pas eu la possibilité de faire de fauchage précoce pour préparer du fourrage. Or, la sécheresse de l’été a nécessité de nourrir les animaux plus tôt qu’habituellement, créant une tension sur la quantité de fourrage. Mais la production laitière et en viande a également été moins bonne, entraînant une sorte de double peine en ces temps où les prix de vente sont au plus bas.
Les compensations de l’A4-Lorentzen contestées
Après l’intervention de Gérard Lorber, secrétaire général de la FDSEA qui a notamment évoqué les revendications nationales de la FNSEA, le président de la section locale est revenu sur un dossier local sensible : la future liaison A4-Lorentzen. Dans ce dossier qui dure désormais depuis une quarantaine d’années, un APPB (arrêté préfectoral de protection du biotope) a été mis en place, prévoyant « 400 hectares sous cloche pour 36 hectares de route. C’est inacceptable, il faut revoir ce rapport à la baisse », explique Patrick Dietrich. Il ajoute que dans ce dossier, « si l’on veut sauver quelque chose de remarquable, c’est que ce qu’on a fait jusque-là était plutôt positif pour la biodiversité ».
Or depuis la mise en place de cet APPB, les communes concernées par le tracé de la route ont subi un remembrement, y compris pour les terres agricoles comprises dans cette aire. Et c’est là que les choses sont désormais délicates à gérer. En général, suite à un remembrement, les agriculteurs mettent leurs terres en adéquation avec leurs nouveaux périmètres, enlevant notamment des haies en milieu de parcelle avant d’en replanter en bordure de zone. C’est, selon les représentants de la FDSEA, ce qui s’est passé en ce début d’année et qui a provoqué la colère d’une association de protection de la nature (Voir DNA du 25 février dernier). Selon les propos tenus lors de l’assemblée générale, il semblerait que dans ce dossier, certains des exploitants concernés par ce secteur sous protection n’étaient pas au courant des interdits touchant leurs nouvelles terres.
Reste que pour les représentants de la FDSEA, le ratio entre les terres touchées et les terres « mises sous cloche » est bien trop important. « Les 45 hectares acquis par les collectivités devraient suffire. Là nous avons des exploitants agricoles qui ne peuvent pas faire leur métier sur leurs terres. On ne peut pas ne pas réagir », explique Gérard Lorber, qui annonce qu’il y aura sans doute une action des agriculteurs à propos de ce dossier.
De son côté, Patrick Dietrich pense que dans un contexte de disparition de terres agricoles à l’échelle nationale, « on peut trouver d’autres solutions que des surfaces agricoles pour compenser ce type de projets ». Il s’appuie pour ce point sur l’apport du monde agricole à l’économie locale. « Une exploitation c’est en moyenne six emplois directs et six emplois indirects. Ce n’est pas autant que les grosses entreprises, mais ça doit aussi compter. Vous imaginez que demain on demande à une grande entreprise industrielle de ne plus rien faire dans une partie de son usine sans compensation ? Ce n’est pas possible. Pourquoi ça le serait pour nous ? »
De son côté, Marc Séné, conseiller départemental, s’est également exprimé à propos de ce dossier mettant en avant le fait que celui-ci « avance. Le passage devant la CNPN (commission nationale de protection de la nature) se prépare. La décision de faire cette route ou non devrait définitivement intervenir dans l’été ». Il a dit son désir qu’il n’y ait pas de blocage d’ici là.
Reste désormais à savoir quelle forme prendra la future mobilisation des agriculteurs et si celle-ci aura un impact ou non sur l’avenir de ce dossier.
Le 24 février dernier, Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature, dénonçait les destructions de vergers pâturés, d’arbres fruitiers de haies et d’espèces protégées. PHOTO archives DNA - GE