Gîte et couvert pour le grand hamster
Publié le 27 Avril 2017
Article paru dans les DNA/Simone Wehrung (27/04/2017)
La protection du grand hamster est peut-être en train de franchir un pas décisif grâce à l’alliance de la recherche et de l’agriculture. Exemple à Ernolsheim-sur-Bruche.
Il ne s’agit pas non plus de revenir aux années 50 quand le grand hamster était un nuisible mais « nos cultures peuvent sans problème supporter quelques individus », indique Francis Humann en montrant les enveloppes de pois disséminé au sol et le blé grignoté à proximité directe d’un terrier. On est à Ernolsheim-sur-Bruche, sur une de ses parcelles, cultivées en bio. L’éleveur de volaille y fait pousser des céréales à paille pour ses poules en y associant des pois ou du soja selon les préconisations de Mathilde Tissier qui vient de soutenir brillamment sa thèse (lire encadré) sur les pistes d’action favorables à la préservation du grand hamster. La chercheuse de l’institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (CNRS) vient de passer trois ans à expérimenter différentes pratiques agricoles et leurs effets sur la biologie de l’espèce, en particulier sur leur capacité de reproduction.
De ses travaux en laboratoire, la doctorante a conclu que l’une des alimentations les plus favorables consistait en une association blé/légumineuse (pois, soja,…) ou maïs-tournesol.
Avec la CUMA de la Plaine
Encore fallait-il en vérifier sur le terrain la pertinence tant pour le grand hamster que pour les agriculteurs. Car toute tentative de faire évoluer les pratiques agricoles sans en garantir les rendements pour l’exploitant serait purement et simplement vouée à l’échec.
Mathilde Tissier s’est donc adressée aux agriculteurs de la CUMA (coopérative d’utilisation de matériel agricole) de la Plaine, impliqués dans le programme de conservation du hamster d’Alsace LIFE Alister pour expérimenter avec eux les différentes pistes. Francis Humann est l’un d’eux et sa conversion en bio l’oblige justement à apporter de l’azote naturel à ses cultures de céréales. La combinaison blé/pois ou blé/soja lui offre une solution prometteuse (les légumineuses fixent l’azote dans l’air), encore facilitée par le matériel mis à disposition par la CUMA à ses adhérents notamment pour pratiquer le semis direct.
Sur ses parcelles, l’agriculteur procède à des tests avec cinq variétés de blé différentes. Le blé/pois a déjà suffisamment poussé pour offrir le gîte et le couvert aux rongeurs qui viennent de sortir d’hibernation. Les trous de terrier çà et là dans les champs prouvent que parmi les 55 hamsters comptés à l’automne dernier (sur 63 lâchés), ils sont plusieurs à se repaître des jeunes pousses et graines.
Le semis encore à venir de soja dans des bandes de blé adjacentes permettra d’étaler cette alimentation diversifiée jusqu’à l’automne et la prochaine hibernation.
Le blé/pois sera moissonné comme d’habitude et le blé/soja après le 15 octobre. Si le blé n’est à ce moment-là plus propre à nourrir les volailles, il sera valorisé par méthanisation, « donc a priori sans perte pour nous », souligne Francis Humann.
Bon pour la fertilité des sols
Toutes ces expérimentations sont évidemment étroitement suivies par les porteurs du projet LIFE Alister, la chambre d’agriculture, l’AFSAL (agriculteurs et faune sauvage Alsace) d’autant que tout ce qui est bon pour le grand hamster est bon pour la fertilité des sols et la biodiversité. Il ne faudrait toutefois pas que les retards dans les versements des aides par l’État aux mesures agro-environnementales viennent décourager les bonnes volontés des agriculteurs. L’institut pluridisciplinaire Hubert-Curien entend bien continuer les recherches et un doctorant, Florian Kletty s’est d’ores et déjà attelé à prolonger les travaux engagés.
DNA/Simone Wehrung (27/04/2017)
Le maïs et l’infanticide
Mathilde Tissier, qui a recueilli les félicitations du jury vendredi pour sa soutenance de thèse sur la biologie de la conservation du grand hamster, avait déjà fait parler d’elle en observant dans le cadre de ses travaux qu’une surconsommation de maïs poussait les mamans hamster à tuer et manger leurs petits (DNA du 24 janvier). Sous sa responsabilité, les équipes de chercheurs ont pu démontrer que la carence dans le maïs en vitamine B 3 et son acide associé, le tryptophane, mène le hamster à la démence puis à l’infanticide.
Cette découverte a réorienté les travaux du CNRS menés dans le cadre du LIFE Alister (projet européen de compréhension des causes de la disparition du hamster d’Alsace pour y remédier). « Jusqu’ici, on considérait que ce qui était important, c’était la macronutrition comme les protéines mais on a découvert avec ces travaux que c’est une vitamine qui est au cœur de l’inadaptation du maïs au grand hamster », résume Yves Handrich, chercheur au CNRS et l’un des deux encadrants de la thèse.
DNA (27 avril 2017)