Biomolécules activespour notre santé et issues de la biodiversité
Publié le 17 Octobre 2017
Depuis l'époque où sont apparus les premiers organismes vivants, il y a plus de quatre milliards d'années, les différentes espèces animales et végétales, terrestres ou marines - des géantes aux microscopiques - ont élaboré une quantité infinie de molécules dotées de propriétés remarquables, fort utiles pour eux… mais également pour l'espèce humaine (médicinales, cosmétiques, etc.).
Tout au long de leur histoire, les sociétés humaines traditionnelles ont utilisé les plantes médicinales pour se soigner. En Amazonie, par exemple, les peuples indigènes utilisent plus de 1300 plantes médicinales. Aujourd'hui encore, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 80% de la population de la planète dépendent des remèdes traditionnels issus d'espèces sauvages. Nos sociétés modernes sont, elles aussi, demandeuses de ces molécules naturelles qui renferment des principes actifs dont on s'inspire pour concevoir la majorité de nos médicaments.
Dans le monde des plantes, 350000 espèces ont été répertoriées. Or, on estime que 2% seulement des molécules biologiquement actives de ce réservoir unique ont été analysés pour leurs propriétés médicales potentielles.
De même, on a étudié la composition chimique de seulement 1% des espèces marines répertoriées. Sur les 18000 substances naturelles qui en proviennent, 15% ont permis l'isolement de nouvelles molécules actives, comme l'AZT (zidovudine ou azidothymidine) utilisée contre le virus du sida et issue de molécules secrétées par une éponge des coraux des Caraïbes (aujourd'hui en danger).
Les antibiotiques, qui proviennent, eux, de champignons ou de bactéries, constituent un bon exemple de principes actifs largement utilisés pour la conception de médicaments. Parmi les autres molécules naturelles qui se montrent précieuses dans le domaine de la santé, notons les produits de défense et d'attaque (molécules de défense des végétaux contre les agressions bactériennes et fongiques ou herbivores ; poisons, venins, toxines), les substances à activité hormonale chez les animaux (phéromones sexuelles ou d'alerte). Même les agents pathogènes peuvent parfois être utilisés pour la santé humaine, dans la conception des vaccins !
La nature constitue donc un " grand catalogue " de structures moléculaires actives, qui résulte de la longue co-évolution des espèces vivantes et que les scientifiques (biologistes, chimistes…) vont explorer à la recherche de nouvelles pistes thérapeutiques.
Mais le chemin est long et complexe entre la substance naturelle et le médicament : il s'agit d'abord d'inventorier le vivant, de collecter plantes ou animaux et d'en extraire les molécules biologiquement actives. Il faut ensuite les étudier, les tester, afin de déterminer leur efficacité et leurs effets secondaires dans certaines pathologies (paludisme, cancer, sida, maladies neurodégénératives...)
Les composés naturels peuvent être extraits directement de la plante, de l'animal ou du microorganisme, et utilisés tels comme c'est le cas en médecine traditionnelle. Les besoins en matière première (plante, animal) sont alors importants puisqu'il faut disposer d'une quantité de molécules suffisantes.
Pour ne pas piller la nature, il est alors nécessaire de réfléchir à la mise en place de cultures ou d'élevages. Il est également nécessaire de se méfier des faux savoirs qui poussent les humains à utiliser, voire surexploiter par tradition des composés naturels dont les vertus médicinales sont vantées à tort !
Parfois les composés naturels, produits par la plante ou l'animal pour des fonctions précises (défense, attaque…), peuvent être trop peu actifs pour constituer les principes de médicaments efficaces, ou trop toxiques à dose thérapeutique. Dans ce cas, ils pourront servir de modèles. Les chimistes s'en inspireront librement, les modifieront par petites touches pour synthétiser des molécules dérivées, plus performantes ou moins toxiques. Depuis la fin du 19e siècle, cette approche a permis la découverte de nombreux médicaments majeurs, tels que la morphine et l'aspirine par exemple.
La nature est donc détentrice de nombreux médicaments potentiels qui disparaissent en même temps qu'elle.