Quels effets de l'espèce humaine sur la biodiversité

Publié le 16 Octobre 2017

Dossier biodiversité du CNRS Manuelle Rovillé
article d'introduction aux  dossiers biodiversité: santé, sols, climat, alimentation


Depuis des milliers d'années, nous vivons plus ou moins consciemment en interaction avec la biodiversité, qui nous rend de nombreux services, vitaux ou de « bien-être » : apport de matières premières pour l'alimentation, la santé et l'économie, bon fonctionnement des milieux permettant par exemple l'agriculture et l'accès à l'eau potable, protection naturelle contre les intempéries et les maladies, régulation du climat local et global, apport de biens immatériels tels que la beauté des paysages, la connaissance que nous tirons de la biodiversité, la culture, etc. Or, ces services, indispensables à l'espèce humaine, sont extrêmement fragiles.

Pourtant, l'augmentation de la population humaine et de ses besoins, le développement de nouvelles technologies et de nouveaux modes de vie peuvent modifier rapidement cet équilibre Homme-Nature. Les principales pressions humaines qui en découlent sont la surexploitation des ressources , la fragmentation des habitats des espèces et les changements d'occupation des sols, les pollutions chimiques, les introductions d'espèces envahissantes ou néfastes et les changements climatiques.
Ces pressions ont un impact considérable sur la biodiversité, induisant sa forte diminution et la dégradation des services écologiques qu'elle nous fournit.

Si la biodiversité m'était comptée...

L'érosion de la diversité biologique modifie aussi nos relations sociales. Elle creuse l'écart entre ceux qui savent exploiter à leur profit, quitte à l'appauvrir et ceux, souvent plus pauvres et moins à même de se faire entendre, et de s'adapter aux changements, qui voient leur accès aux ressources diminuer considérablement, alors qu'ils en dépendent pour leur survie.

Jusqu'à peu, la majorité des « services » rendus par la biodiversité ne s'étaient jamais vu attribuer de valeur financière. Cependant, la valeur économique de certains de ces services est désormais en train d'être estimée ! Le coût lié à l'altération des milieux et des espèces et ses conséquences économiques pour la société va enfin être identifié...
Transport du bois (Brésil)De plus, l'augmentation de la population et des modes de vie implique une utilisation de plus en plus forte des ressources énergétiques, sous toutes leurs formes. Si l'épuisement des énergies fossiles est un problème majeur du siècle à venir, il est bon de s'interroger d'une manière générale sur l'impact des énergies, fossiles ou vertes, sur la biodiversité, et leur impact en retour sur l'Homme.

Biodiversité modifiée et santé font-elles bon ménage ?

Nous savons que la destruction des habitats des espèces est un problème central dans la perte de la grande diversité du vivant. Mais savons nous que cette pression anthropique influe aussi fortement sur la santé humaine, favorisant l'émergence de maladies infectieuses ? Avons-nous suffisamment conscience que la biodiversité protège notre santé ? Que sa diminution favorise les épidémies dans les élevages et au-delà (grippe aviaire) et affaiblit les récoltes, pouvant parfois provoquer la famine ?
Application topique de produit cosmétique sur une peau reconstruite cultivée sur insert.Les substances toxiques libérées dans la nature sont également nombreuses et extrêmement variées et peuvent agir sur la santé de certaines espèces, induisant cancers, dérégulations hormonales, malformations... Ces substances sont transmissibles à l'Homme directement ou via la chaîne alimentaire, et leur impact sur notre organisme est encore mal connu.
L'espèce humaine a également appris à manipuler la biodiversité, à tord ou à raison, via la création d'organismes génétiquement modifiés (OGM). Certains d'entre eux, utilisés pour la médecine, peuvent cependant apporter des résultats quelques peu surprenants et intéressants, tels que la fabrication d'insuline grâce à des levures, et d'hémoglobine grâce à des plants de tabac !

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Se nourrir et se loger sont des priorités... Mais sans tout perturber ?

Chantier de labour et semi de blé à Lille.Le problème de l'alimentation humaine devient aujourd'hui complexe : la mondialisation, ainsi que la nécessité de nourrir une population croissante et de développer l'économie ont amené « la révolution verte du 20e siècle ». Cette agriculture moderne a entraîné des changements radicaux dans les modes de production : les défis de rendements et d'exportations ont été atteints au prix de fortes dégradations de l'environnement - surexploitation des ressources, destruction des habitats, pollutions chimiques - dues a l'intensification de l'agriculture. Elle agit également sur la dégradation du sol et de sa biodiversité, impliquant une baisse de sa fertilité, de sa productivité et de ses fonctions épuratrices. De plus en plus épuisé, le sol pourra-t-il assurer ses fonctions éternellement ?
Et cependant, la famine et le non accès à l'eau potable demeurent pour près d'un milliard d'êtres humains. Comment y faire face, tout en orientant localement l'agriculture non intensive comme l'un des principaux moyens de gérer dorénavant la biodiversité ?

En parallèle, l'urbanisation éloigne l'espèce humaine de la biodiversité. Le béton, imperméable et stérile améliore la circulation et l'entretien des villes, mais il nous oblige à importer au quotidien la nourriture et l'énergie nécessaires à la vie de ses occupants. Et pourtant, la ville, avec sa gigantesque capacité de logements, s'avère une réponse efficace à l'augmentation de la population sur Terre.
Que faire alors avec ces lieux de vie où la biodiversité est altérée, où le transport incessant de produits dégage des substances nocives et où la considérable demande conduit à une production de masse dans les campagnes environnantes ? Des solutions (transports en communs, Amap (association pour le maintien d'une agriculture paysanne), bâtiments HQE, etc.) s'amorcent mais les efforts à fournir restent conséquents.

Quand la génétique et l'éthique s'en mêlent

Parcelle de blé tendre d'hiver, variété Koreli.Depuis le 20e siècle, lié à une forte croissance démographique et un important développement d'activités et de leur cortège d'impacts (dont le changement climatique), on constate une forte perte du nombre d'espèces animales ou végétales, mais aussi de la taille de leurs populations. Or, plus une population est réduite, plus sa diversité génétique est faible et plus le risque d'extinction devient élevé car son potentiel d'adaptation aux changements est réduit. C'est donc également une perte de diversité génétique qui est observée, diversité pourtant fortement étudiée et exploitée par l'Homme.
En effet, le 20e siècle correspond à la découverte de l'ADN, notre patrimoine génétique ! Depuis les années 1950, les avancées de la science en matière de génétique sont fulgurantes, et vont toujours plus loin. La biodiversité est devenue, au delà d'un support d'étude des génomes, un support de manipulation génétique, de création, d'invention d'espèces. Or, la création d'organismes génétiquement modifiés (OGM), bien que passionnante, pose des questions éthiques extrêmement importantes. Questions qui ne sont pas résolues à ce jour. Elle concerne toutes les espèces, animales et végétales... et pourrait peut-être un jour concerner l'espèce humaine ! Il est donc indispensable de savoir placer des limites... d'où les questions éthiques et philosophiques fondamentales qui se posent sur ce sujet.

La biodiversité fait la pluie et le beau temps...

Pélican blanc (Famille Pelecanidae, Pelecanus onocrotalus) et Dendrocygne (Famille Anatidae, Dendrocygna viduata). Première zone humide d'importance au sud du sahara, le Parc National des Oiseaux du Djoudj (12000ha) au Sénégal est essentiel pour l'hivernage des migrateurs d'Europe du Nord et d'Afrique de l'Ouest (environ 3 millions d'oiseaux transitent, plus de 400 espèces dénombrées).Les changements climatiques, dont la responsabilité humaine est désormais incontestable, influent fortement sur la biodiversité, perturbant les services que cette dernière rend à l'espèce humaine. Les modifications de concentration en CO2 de l'atmosphère, de température et de pluviométrie touchent le développement des espèces, leurs cycles de vie, perturbant ainsi la production agricole (donc notre sécurité alimentaire !) et augmentent les périodes d'allergies au pollen... Les migrations des espèces sont également modifiées, amenant l'émergence de maladies infectieuses dans certaines régions. Enfin, certaines espèces ne s'adaptent pas au changement climatique et sont vouées à disparaitre, modifiant les écosystèmes dans lesquels elles vivent et les services qu'ils rendent aux êtres humains !
En sens inverse, la biodiversité influe sur le climat local et mondial, à travers l'absorption des gaz à effet de serre, l'évapotranspiration et l'albédo global. De ce fait, son altération efface à son tour l'effet de diminution de l'impact des changements climatiques sur la planète.

Se protéger en préservant la biodiversité ?

Face à ce déséquilibre rapide qui s'installe entre l'espèce humaine et son environnement, de nombreuses actions peuvent être menées pour préserver cette si précieuse biodiversité :
-favoriser et renforcer les pratiques déjà existantes, souvent depuis des siècles, favorables à la fois à la biodiversité et aux activités humaines,
-mettre en place de nombreux programmes et outils de sauvegarde de la nature (conservation et restauration des espèces et des milieux) ; élaborer des politiques en faveur de la biodiversité, au niveau local et international ; se doter des moyens permettant de mesurer l'état de la biodiversité (grâce aux bio-indicateurs) ;
-renforcer une forte mobilisation à tous les niveaux (gestionnaires, chercheurs, politiques, élus, associations, grand public, entreprises, etc.).
-mieux comprendre la biodiversité pour la protéger : renforcer pour cela la recherche dans ce domaine et mobiliser la communauté scientifique sur des problématiques nouvelles liant la biodiversité aux activités de la société.
-prendre conscience de nos impacts à travers l'éducation et une large information, afin de modifier nos comportements au quotidien.

Séchage de la vanille à Antsirabe Mananara (Madagascar).Il ne s'agit pas de préconiser un « retour en arrière » pour l'espèce humaine, mais bien d'utiliser la connaissance et le progrès technologique acquis ou futur à bon escient pour trouver les voies satisfaisantes pour soutenir le développement de l'humanité ! Car il faut bien se rendre compte que la préservation de la biodiversité a pour but le maintien du potentiel évolutif de la planète et de la vie sur Terre. La diversité du vivant travaille pour nous, nous protège, nous abrite et nous nourrit. Ses services sont irremplaçables, toute la technologie du monde ne pourra rien changer ! Et ce sont avant tout les espèces qui sont les artisans des services et du bien-être que les écosystèmes nous rendent avec le potentiel que leur confère leur diversité génétique.

Rédigé par ANAB

Publié dans #Biodiversité hors région

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