Le terrier des blaireaux

Publié le 15 Novembre 2017

un terrier bien actif
un terrier bien actif

un terrier bien actif

Nous avions déjà parlé des traces de pattes  du blaireau voir notre article du 6 mars 2016.  (cliquer)

Voici un autre sujet intéressant pour les naturalistes et autres amateurs. Le lieu de vie des blaireaux, pendant la  journée, le terrier,  est mystérieux pour nombre d’entre vous et  d’aspect très varié.

Je pourrais dire qu’il existe autant de terriers que de blaireaux. Aucun terrier ne ressemble à un autre, car même si le terrain est identique, les habitants, le tempérament des blaireaux  sont différents et donc  l’aspect en sera l’expression :  différente.

Mais au fait existe-t-il  quand même des caractéristiques générales ? réponse, oui.


Terrier principal : lieu d’habitation d’un clan de blaireaux, gîte d’hiver et gîte de mise bas
-ouvertures
Les terriers principaux comportent des ouvertures ou gueules de 25 à 35 cm de haut à 17 à 25 cm de large. Un terrier peut comporter 1 seule gueule, 30 gueules ou même plus de cent !!
Selon le matériau les gueules peuvent être beaucoup grandes et atteindre 80 cm ou 1 mètre de hauteur (sable, ballast de voie ferrée).
Le nombre de gueules d’un terrier n’est pas corrélé au nombre de blaireaux présents dans le terrier. Un observateur a vu sortir d’un terrier à ouverture unique 6 blaireaux ! Inversement d’un immense terrier à cent gueules il ne sortira que 6 individus, par exemple.
Mon expérience est que le nombre de gueules dépend d’abord de la nature du sol.
Plus le sol est sableux, plus grand est le nombre de gueules. Un sol meuble est très  facile à creuser pour le blaireau mais  aussi prompt à s’effondrer. Dans ces cas, le blaireau doit creuser en permanence de nouvelles entrées ou entretenir les anciennes.
Au contraire, plus le sol est compact ou fait de rocher, plus faible sera le nombre de d‘ouvertures. Cela parait logique.

Il existe selon certains chercheurs quelques  intérêts à un grand nombre de gueules :
le terrier est mieux ventilé, les animaux peuvent s’abriter dans d’autres zones en cas de danger et les femelles peuvent  plus facilement se cacher de la femelle dominante.

 

aspect d'un tobogan à entrée des terriers- la partie basse du pied  photo mesure 70 cm de long

aspect d'un tobogan à entrée des terriers- la partie basse du pied photo mesure 70 cm de long

détail de gueules, la première dans une carrière de sable
détail de gueules, la première dans une carrière de sable

détail de gueules, la première dans une carrière de sable

- goulotte
En général le cône de déblais est marqué par une goulotte en V. Cette forme traduit le travail du blaireau qui évacue les terrains avec ses pattes de derrière en faisant une marche arrière.
La goulotte (ou toboggan ou gouttière )  peut être très longue. J’en ai mesuré une de plus de 3 mètres 50.
Ces goulottes ne sont pas droites. Elles obliquent au final pour que le blaireau ne débouche pas brusquement à découvert. Ceci est sans doute une habitude héritée du temps où certains grands carnivores, comme le loup, prédataient les blaireaux.

chambre :
à l’intérieur du terrier se trouvent des chambres. L’une d’elles sert de lieu de vie à la blairelle et à ses petits. Elle mesure  environ un mètre de large, plus de 50cm de haut  et peu contenir 200 litres de litière.  J'ai pu vérifier plusieurs fois cette dimension en visitant des terriers dont le toit de la chambre s'était effondré. C'est très impressionnant et il vaut mieux ne pas être à cet endroit au moment où cela se passe.
La litière consiste en des brins d’herbe et /ou de la mousse récoltés en dehors du terrier. La femelle va ramasser cette litière dans les champs ou les alentours du terrier et les ramener au terrier en les transportant dans sa gueule. Elle dispose ces morceaux hachés de dimensions 5 à 20 cm en couches successives. En les humectant de salive elle provoque la fermentation de cette litière qui peut atteindre une température de 1 à 11 °C  au dessus de la température générale du terrier. C'est un chauffage biologique sans utilisation de matières fossiles. Bravo les blaireaux!
La litière peut  être répartie dans d’autres chambres ou les couloirs sur les endroits ou les blaireaux vont dormir en journée.

occupation : le temps d’occupation du terrier est de 84% en hiver et 58% en été selon les études précises faites sur des terriers.

 


situation : le blaireau vit sous la terre dans souvent 100% d’humidité. Il n’aime pas l’eau. Il  creuse dans des terrains secs ou  naturellement drainés orientés vers le sud.
Le nombre de terriers dans une terre non drainée, argileuse et humide est rare dans notre région , je dirais 1 sur 50.
Les terriers sont  situés sur des pentes et talus pour cette raison de drainage et la facilité d’évacuation des déblais par gravité. C’est le cas de 80 à 95% des terriers selon les régions. La pente est de 10 à 100% ! C’est quelquefois très acrobatique et même dangereux de visiter un terrier.


 

situations originales et gênantes :
certains des  terriers que nous suivons sont situés au milieu de chemins forestiers  Dans certains cas,  le chemin s’effondre et bloque le passage des véhicules. L’ONF (Office National des Forêts) est obligé de boucher les ouvertures régulièrement ou de couler du béton pour éviter les problèmes.
A un autre endroit, les blaireaux ont trouvé le ballast de la voie ferrée accueillant. Sans entretien c’est l’accident de chemin de fer assuré. En plaine d’Alsace, la LPO avait dénoncé dans la presse le bétonnage de terriers de blaireaux. Sensible à son image, la SNCF a financé la création d’un complexe terrier artificiel fait de canaux en béton reliés entre eux.

Deux autres terriers sont situés sur des digues d’étang avec le risque de voir la digue se rompre un jour. Certains propriétaires laissent faire, d'autres n'apprécient pas du tout.
J’assure aussi le suivi d’un terrier très important dans une ferme abandonnée. A l’un de mes derniers passages tout un étage était effondré. Les galeries minent actuellement tous les murs.  Il existe donc un risque que tout le bâtiment s’écroule les prochaines années.

Le plus original que j'ai vu, est un terrier situé sous une terrasse d’habitation. Le blaireau évacuait ses déblais sur l’escalier du propriétaire soit  500 litres à 1 mètre cube par an,
l'équivalent de quelques brouettes!.
Le propriétaire était un vrai ami des animaux. Il a supporté ces désagréments pendant au moins deux ans et une année supplémentaire jusqu’à l’émancipation des blaireautins. Ensuite la mise en place d’un clapet anti retour a empêché les blaireaux de retourner dans leur résidence grand  luxe bien au sec sous cette terrasse et contre le mur enterré, situé  le long de la chaufferie de la maison!



comment faire en cas de problème avec un terrier ?
Mon collègue André G. assure le suivi  de nombreux terriers dans le vignoble alsacien. La région est propice à nos amis blaireaux.  Certains vignerons les acceptent d’autres pas du tout. Il a ainsi retrouvé des barres de fer dans des terriers  et un pare-brise de voiture destinés à décourager les blaireaux. Pas sympa du tout.
Ce genre de mesure est inefficace. Les blaireaux vont revenir et creuser d’autres sorties. Il est compréhensible que le vigneron ne peut travailler avec terriers au milieu  des chemins ou il circule en tracteur. Il peut certes les tolérer en bout de parcelle et quelques uns. Si c’est insupportable le mieux pour lui est de contacter des services de médiation faune sauvage comme il en existe un très efficace et expérimenté dans notre région  à la LPO Alsace à Rosenviller.


 

Gueules de terriers de blaireaux, dans un arbre, sous une terrasse
Gueules de terriers de blaireaux, dans un arbre, sous une terrasse

Gueules de terriers de blaireaux, dans un arbre, sous une terrasse

taille , surface :
dans nos régions la surface d’un terrier est de 200 à 500 mètres carrés  (maison bourgeoise) mais peut atteindre 1000 à 1200 mètres carrés. (appartement HML ou suite de luxe palace 5*****)

longueur des tunnels  :
 80 à 400 mètres de long pour la plupart soit l’équivalent  de 4 à 30 mètres cubes de terre excavée

- déblais
Ces gueules quand  les blaireaux sont présents et actifs débouchent sur un cône de déblais de terre et cailloux provenant du creusement des galeries.
Ce cône de déblais peut être très imposant et très impressionnant. La plupart de ces cônes font 1 à 2 mètres cubes mais certains peuvent atteindre une dizaine de mètre cubes ou plus.
C’est la marque de fabrique du terrier de blaireau car le blaireau est une véritable pelleteuse.
(à découvrir dans un prochain article).
Les cônes sont aussi plus imposants quand le terrier est en pente. L’évacuation se faisant par gravité, elle allège considérablement le travail de la pelleteuse, euh pardon, du  blaireau.


 

En dehors des forêts (71%),la localisation des terriers est à 12% dans les friches, 6%  en plaine et  8% dans les bosquets et le reste en divers lieux.
Le blaireau ne creuse pas de terrier au dessus de 2000 mètres dans les Alpes car sa nourriture préférée, le ver de terre, y est peu abondante ou absente.

abondance des terriers
Il choisit l’emplacement en raison de l’abondance de nourriture aux alentours. Dans notre région la densité de terrier est d’environ 1 terrier pour 60 hectares. Elle varie de 1 terrier principal  pour 10 hectares en Angleterre ou Irlande à 1 pour 5000 hectares dans des zones peu propices de grande culture ou de quasi désert.

historique des terriers
Sur les cartes d’Etat Major de l’IGN certains lieux-dits portent dans leur racine, le nom de blaireau  ou "tesson" en clair ou par exemple "Dachs" en dialecte local.  Ceci n’est pas rare et il nous indique à nous les naturalistes,  que des terriers ont existé ou existent encore à ces endroits.
Si effectivement un terrier existe encore aujourd’hui, il est plus que centenaire car les lieux dits et leur  cartographie ont plus de cent ans. Les historiens pourraient nous éclairer à ce sujet.

terriers secondaires :
terriers comportant 1 à 2 gueules. Ils sont  utilisés pour le repos diurne ou nocturne d’un blaireau ou d’une blairelle  pour la mise bas à l’abri.
Ils peuvent être assez nombreux juste autour des gros terriers ou disséminés sur leur « propriété.
Ils sont souvent abandonnés et alors squattés par d'autres habitants de la forêt, renards en particulier, chat sauvage.


 

Rédaction et photos Roland Gissinger (Anab)



 

La bible sur le sujet" blaireau européen"  et d’où sont tirés certains chiffres  :
Le blaireau          d’Emmanuel Do Linh San                           chez Delachaux et Niestlé

Rédigé par ANAB

Publié dans #Biodiversité de notre région

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P
Bonjour , je suis actuellement des terriers de blaireaux ds les Vosges, pour le compte de Oiseaux-Nature .J'ai 2questions :<br /> 1) En l'absence de traces visibles (peu de pluie) , la gouttière apparente au sol est-elle un indice suffisant pour affirmer que le terrier est actif ? <br /> 2) A cette saison , en supposant qu'il y en ait , le meilleur moment pour observer est bien le couché de soleil ?
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R
Bonjour,<br /> <br /> <br /> 1/la gouttière apparente au sol est un élément suffisant pour dire que le terrier est occupé que si les traces de déblaiement sont récentes ou si cette gouttière comporte des empreintes de pattes ou de griffes.<br /> <br /> une gouttière peut exister et perdurer assez longtemps sur un terrier , plus d'un an sans qu'il soit habité.<br /> <br /> 2/ Pour voir les blaireaux. Je ne suis pas le mieux placé pour répondre. D'après la littérature et les dires des confrères de nombreux blaireaux ne sortent qu'assez tard du terrier (minuit). Cela dépend en fait de chaque terrier.<br /> Le plus simple, mettre un piège photo et noter les heures habituelles de sortie puisque le piège ne se déclenche qu'en présence d'un animal à sang chaud.<br /> <br /> Bonnes observations!!