Un rapport officiel américain reconnaît la responsabilité humaine dans le changement climatique

Publié le 6 Novembre 2017

Un rapport officiel américain reconnaît la responsabilité humaine dans le changement climatique

paru sur Le Monde le 4/11/2017 C Lesnes

La Maison Blanche n’a pas émis d’objection à la publication d’un document d’envergure établi par la communauté scientifique. A la veille de la COP23, rien ne dit pour autant qu’il s’agit d’un revirement

C’est un pavé dans la mare des climatosceptiques de l’administration Trump. A trois jours de l’ouverture de la COP23, le 6 novembre à Bonn, les agences fédérales du gouvernement américain ont publié vendredi – avec l’accord de la Maison Blanche – un rapport qui établit un lien sans ambiguïté entre le changement climatique et la pollution causée par l’homme. « Il est extrêmement probable que les activités humaines, en particulier les émissions de gaz à effet de serre, sont la cause dominante du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle », indique le texte.

Appelé Climate Science Special Report (CSSR), le document fait partie de l’évaluation nationale des Etats-Unis sur le climat, qui, en vertu d’une décision du Congrès datant de 1990, doit être publiée tous les quatre ans. Il est établi par les treize agences concernées par le climat (de la NASA aux départements des transports, de l’agriculture et de la défense) et contresigné par l’Académie nationale des sciences. L’Agence nationale océanique et atmosphérique (NOAA), qui avait été chargée de le présenter au public, l’a qualifié d’« examen de la science du changement climatique » faisant « autorité ».

Posté sur un site spécifique et non sur celui de la Maison Blanche ou de l’Agence pour la protection de l’environnement (EPA), le document note que la température annuelle moyenne de l’air à la surface du globe a augmenté de 1 °C entre 1901 et 2016. La période actuelle est désormais « la plus chaude de l’histoire de la civilisation moderne », ajoute-t-il. Entre 2021 et 2050, la hausse devrait atteindre 1,4 degré supplémentaire.

Revirement

Le niveau global des océans a grimpé en moyenne de 18 à 20,5 centimètres depuis 1900, dont près de la moitié depuis 1993, l’accroissement le plus rapide en cent ans depuis au moins 2 800 ans. L’incidence de la marée s’accentue dans plus de 25 villes de la côte atlantique et du Golfe du Mexique. A l’horizon 2100, une hausse de 20 cm « ne peut pas être exclue », prévoit le document, et « sans réductions majeures des émissions, les températures moyennes globales pourraient augmenter de 5 degrés ou plus avant la fin du siècle ».

Les dernières années ont vu un nombre record de phénomènes météorologiques extrêmes – sécheresses et incendies dans l’Ouest, ouragans dans le Sud, fortes précipitations. Cette tendance « devrait persister durablement », anticipent les scientifiques. Selon eux, les événements climatiques extrêmes ont coûté 1 100 milliards de dollars, depuis 1980, aux Etats-Unis.

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Des extraits du CSSR avaient filtré en août dans la presse, alors que nombre de scientifiques s’inquiétaient d’un possible veto du cabinet de Donald Trump sur sa publication, deux mois après l’annonce par le président de la sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris – un accord « pas juste », selon lui, pour son pays. Récemment, Scott Pruitt, le directeur de l’Agence de protection de l’environnement, déclarait encore la responsabilité des humains dans le réchauffement « incertaine », avis partagé par le secrétaire à l’énergie, Rick Perry. Le 2 novembre, neuf sénateurs avaient écrit à M. Trump pour demander quelles mesures avaient été prises pour que le rapport soit « protégé de toute interférence politique ».

Le président Trump, affirme le « New York Times », n’était que « vaguement » conscient de la publication du rapport.

Le coordonnateur du rapport, David Fahey, directeur de la division des sciences chimiques à la NOAA, a assuré vendredi qu’il n’y avait pas eu « d’interférence politique dans le message scientifique ». Les questions en discussion ont été, « du point de vue scientifique, résolues à notre satisfaction », a-t-il précisé, ajoutant : « Les peurs que nous avions ne se sont pas matérialisées. »

S’agit-il d’un revirement de la Maison Blanche, d’une reconnaissance du rôle de l’humain susceptible d’infléchir la position américaine sur l’accord de Paris ? Rien n’est moins sûr, d’autant que l’équipe Trump n’est pas à une contradiction près. Selon le New York Times, la décision de publier le CSSR a été prise par Gary Cohn, le directeur du conseil économique de la Maison Blanche. Soucieux de se concentrer sur le projet de réforme fiscale, sur lequel les républicains comptent faire campagne pour les législatives de novembre 2018, il aurait souhaité éviter la « distraction » qu’aurait constituée un affrontement avec la communauté scientifique. Le président Trump, affirme le quotidien, n’était que « vaguement » conscient de la publication du rapport.

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Ni le secrétaire à l’intérieur ni le directeur de l’EPA n’ont fait de commentaire. Mais Myron Ebell, le maître à penser des climatosceptiques, a fait part de sa « tristesse ». Convaincu de la résistance passive des échelons subalternes de l’administration contre le programme de M. Trump, il a regretté que la Maison Blanche ait « laissé les fonctionnaires » continuer « sans supervision » sur la voie tracée par Barack Obama.

Rédigé par ANAB

Publié dans #Changement climatique

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