Histoire de lichens épisode 4, organisation des lichens
Publié le 30 Décembre 2017
Nom scientifique : Flavoparmelia caperata (L.) Hale
voir sous ce lien la présentation détaillée de ce lichen
Date de l’observation: 26 novembre 2017 à Zetting
Division des Ascomycota, Famille des parmeliaceae
Biotope : corticole, sur feuillus, rarement sur conifères, parfois sur roches ou sur sols non calcaires, en général en milieu forestier, photophile, non nitrophile. Espèce très commune
Nous avons vu dans les épisodes précédents que le lichen est une association de plusieurs organismes. Ce n’est pas tout de coopérer mais il faut aussi s’organiser.
Dans cet épisode, nous allons voir comment ces acteurs s’organisent pour faire une structure originale, le lichen
Vivre sur la terre ferme, ce n’est pas une mince affaire
Le lichen vit sur différents supports comme les troncs d’arbres, les rochers, etc. Ce mode de vie impose déjà plusieurs contraintes physiques qui sont celles de pouvoir s’ancrer fermement sur son support et résister aux intempéries (vent, pluie, rayonnement solaire), mais aussi des contraintes physiologiques qui sont de trouver sa nourriture soit dans le milieu aérien, soit sur son support, se reproduire, etc.
Une algue, c’est très sensible aux rayonnements UV, à la dessiccation. Il n’est pas courant de trouver des algues en dehors de l’eau. Elle devra donc être protégée. De plus, les lichens ne sont pas des plantes, ils n’ont pas de racines pour s’ancrer dans le sol et y puiser des nutriments C’est à toutes ces problématiques que doivent répondre les lichens
Un lichen, c’est un thalle
Mais qu’est-ce donc qu’un thalle ? On désigne par thalle un corps ne disposant pas d’une organisation, d’organes différentiés. Par exemple, un végétal est organisé en racines, tiges, feuilles. Son corps est donc structuré. Ce n’est pas le cas chez les lichens, du moins visiblement comme on le verra plus tard. Les lichens ont certes une structure mais pour autant on ne peut pas parler d’organes. Les biologistes classent dans les thallophytes les organismes non structurés comme les algues, les champignons et les lichens. On retiendra donc que le thalle, c’est le corps du lichen.
Se structurer pour résister
Certains lichens sont gélatineux, c’est- à - dire qu’ algues et filaments du champignons se mélangent de façon homogène. Ceci concerne quelques espèces de lichen qu’on appelle les lichens homomères.
Les autres lichens en majorité vont adopter une organisation qu’on peut schématiser comme un sandwich : une couche d’algue coincée entre deux couches de champignons. On parle de lichens hétéromères pour désigner cette organisation en strate. Formulé autrement, on parle d’un cortex supérieur constitué de filaments de champignons très serrés, en contact avec le milieu extérieur, puis d’une couche gonidiale constituée des algues, puis d’une medulla constituée de filaments de champignons moins serrés et enfin d’un cortex inférieur constituée également de filaments de champignons très serrés, mais cette fois ci en contact avec le support.
Cette organisation en sandwich répond déjà à la problématique de la protection de l’algue. Littéralement coincé entre les couches de champignons, elle est protégée du milieu extérieur hostile.
Certains lichens, au niveau du cortex inférieur (donc la couche en contact avec le support), présente des excroissances constituées de filaments de champignons, les rhizines (à ne pas confondre avec les racines). Voici nos structures de fixation.
Différentes formes de lichens
Les lichens peuvent adopter différentes morphologies. Les plus importantes globalement sont (voir les photos des types):
- les lichens crustacés : ces lichens sont entièrement et fortement incrustés sur leur support qui sont souvent des rochers ;
- les lichens foliacés : ces lichens ne sont pas soudés entièrement sur leur support, on peut par conséquent les détacher facilement ;
- les lichens fruticuleux : ces lichens adhèrent au substrat juste par un point d’attache et pendent souvent des branches d’arbres.
Se structurer pour vivre
Nous avons a vu dans un épisode précédent comment les champignons peuvent synthétiser des acides, les acides lichéniques, qui protègent le thalle des agressions extérieures. Certains lichens peuvent présenter aussi sur leur cortex supérieur des cils qui sont des excroissances de filaments mycéliens, augmentant ainsi la surface d’échange avec le milieu extérieur. Nos intestins font pareil avec les villosités qui tapissent la lumière intestinale pour augmenter la surface d’absorption. Ils se nourrissent à partir de l'atmosphère en captant les minéraux sous forme de solutés dans les eaux de pluie mais en ayant aussi la possibilité, pour les lichens fixés sur des roches, de dissoudre les éléments minéraux rocher en excrétant, par l'intermédiaire du champignon, des acides organiques. Le champignon sécrète également des molécules complexes permettant de piéger l’eau et donc de résister à la sécheresse.
En conclusion : le lichen, un écosystème en soi
Cet épisode nous a permis de voir comment un organisme si simple en apparence a, grâce à la coopération de ses membres, mis en place une stratégie pour survivre dans un environnement hostile. Le lichen est un écosystème en soi, capable de fabriquer sa nourriture par photosynthèse et capter ses nutriments aussi bien dans l’air que dans son substrat. Tandis que les animaux et les végétaux se sont organisés en structures complexes avec des compartiments, des organes, une différentiation des tâches, le lichen nous montre que la différentiation des tâches peut aussi s’effectuer sans structuration complexe, rien que par coopération de ses membres. L’histoire de l’évolution du vivant sur terre nous montre depuis des millions d’années que le vivant parvient à s’adapter à son environnement par des stratégies différentes mais finalement analogues (il suffit de penser aux ailes des chauves souris et celles des oiseaux). Le hasard fait danser l’évolution, la nécessité fait chanter le vivant.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab )
Source: http://www.afl-lichenologie.fr/Photos_AFL/Photos_AFL_F/Flavoparmelia_caperata.htm
Pour en savoir davantage sur les lichens :
http://www.biodeug.com/licence-3-bio-vegetale-partie-4-les-mycetes-et-les-lichens/
http://www.bourgogne-nature.fr/fichiers/bn12-30-45-zoom-lichens_1376297234.pdf
Introduction à Histoire de lichens (épisode 1 /16) et Ramalina farinacea
Histoire de lichens épisode 2/16 : des pionniers résistants (et Punctelia subrudecta )
Histoire de lichens épisode 3 -association lichénique (et Melanelixia glabratula )
Histoire de lichens épisode 4, organisation des lichens
Histoire de lichens épisode 5 : croissance et vie des lichens (et Parmelia sulcata )
Histoire de lichens 6 : ils sont là depuis longtemps et partout (et Lecanora chlarotera)
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Histoire de lichens épisode 12: des colosses aux pieds d’argile
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