Opération anti-braconnage
Publié le 26 Décembre 2017
Paru dans les DNA le 23/12/2017 Marie Gerardhy
Une opération coordonnée entre les gendarmes de La Petite-Pierre et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) a eu lieu mercredi soir. L’objectif était de coincer d’éventuels braconniers.Une opération coordonnée entre les gendarmes de La Petite-Pierre et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) a eu lieu mercredi soir. L’objectif était de coincer d’éventuels braconniers.
À proximité d’un mirador, les gendarmes écoutent avec attention les observations des agents de l’ONCFS.
Le rendez-vous était fixé à 19 h dans le local de l’ONCFS, à La Petite-Pierre. Eric Krauser, adjoint au chef de service, Dominique Cronimus et Guillaume Dutt, respectivement chef et agent de la brigade Nord, ont reçu exceptionnellement trois gendarmes de La Petite-Pierre pour un service nocturne commun : une opération anti-braconnage.
« C’était une volonté commune de nos deux services. Nous sommes parfois amenés à travailler ensemble, c’est l’occasion d’échanger sur les affaires qui occupent le secteur », explique l’adjudant-chef Bruno Klein, commandant de la brigade de La Petite-Pierre, accompagné des gendarmes Anaïs Nicolas et Perrine Kubler.
« Confisquer le matériel embête plus les chasseurs que les amendes »
Attablés autour d’un café, les six représentants de l’autorité établissent un plan d’action. C’est Eric Krauser qui mène la réunion, car la police de la chasse est une des missions privilégiées de l’ONCFS. Les gendarmes, attentifs, écoutent et posent des questions. « Nous ne sommes pas spécialistes de ce domaine, c’est une formation pour nous », admet Bruno Klein.
Détention ou port d’engin ou d’instrument de chasse prohibé, transport à bord d’un véhicule d’une arme de chasse non démontée ou déchargée et placée sous étui, recherche de gibier à l’aide d’une source lumineuse, chasse non autorisée la nuit, prélèvement de gibier hors prévision du plan individuel… Les infractions potentielles au code de l’environnement sont nombreuses.
« C’est simple, logiquement, nous ne sommes censés trouver personne en forêt. En ce moment, la nuit, la seule chasse autorisée sur le secteur est celle du sanglier en plaine. Les horaires de nuit commencent une heure après le coucher du soleil, donc aujourd’hui, la chasse est terminée depuis 17 h 35 », précise Eric Krauser.
Étalées sur la table et les chaises, des cartes topographiques servent de base pour définir les lieux de patrouille. Chaque mirador y est indiqué. « Nous les complétons au fur et à mesure de nos sorties sur le terrain. Certains miradors sont complètement invisibles depuis les chemins. Il faut bien connaître le périmètre », explique Dominique Cronimus.
Il montre un fusil saisi quelques jours auparavant près de Haguenau lors d’une chasse illégale. « Confisquer le matériel embête plus les chasseurs que les amendes. Ce genre de fusils est très coûteux. Nous pourrions les récupérer dans le cadre des affectations de biens saisis, ce serait utile. Mais c’est toujours compliqué quand il s’agit d’armes », regrette Eric Krauser.
À 20 h, les agents se répartissent dans deux véhicules. Dominique Cronimus embarque avec Bruno Klein et Anaïs Nicolas. Direction le ban d’Eschbourg. Les agents laissent la voiture en bas d’un chemin et le chef de la brigade Nord fait signe de se taire. Il ne faut pas qu’un éventuel chasseur en infraction les entende arriver.
« Si nous trouvons un chasseur avec une arme non chargée, il n’est pas considéré comme en infraction. Il peut très bien prétexter qu’il passera la nuit dans son mirador en attendant la réouverture de la chasse diurne. Alors s’il nous entend arriver, il s’empressera de décharger son arme. C’est pourquoi nous devons être discrets. »
« Tous les ans on attrape des braconniers là-bas »
En silence, tous trois remontent le chemin boueux en prenant garde de ne pas glisser. Le tapis de feuilles mortes détrempées qui jonchent le sol empêche de distinguer d’éventuelles traces de pneus. Un mirador se dresse en haut du chemin, mais il est vide. Un rapide coup d’œil dans les environs permet de s’assurer qu’il n’y a personne, à part les sangliers.
Dominique Cronimus redémarre, en expliquant pourquoi la chasse est interdite la nuit : « Les animaux sont plus vulnérables dans le noir, ils n’ont quasiment aucune chance. Seul le sanglier peut être chassé à l’affût la nuit car il est considéré comme nuisible. Mais il y a parfois des accidents, encore récemment quatre ânes ont été abattus par erreur en Savoie. »
À Pfalzweyer, un agrainoir est installé à côté d’un mirador. « Cela permet de sélectionner les animaux qu’on abat, car ils s’approchent suffisamment près pour les distinguer. Les laies avec des marcassins sont en général épargnées. »
En redescendant, les agents distinguent non loin, dans le faisceau des lampes torches, des yeux briller. Biches, bichettes et faons observent tranquillement leurs allées et venues. Plus loin, un sanglier s’échappe devant les roues du véhicule. « Les animaux ne sont pas craintifs, c’est la preuve qu’il n’y a pas eu de braconnage. Sinon ils seraient plus effarouchés. »
À Schoenbourg, des traces de pneus toutes fraîches s’enfoncent dans la forêt. Intrigués, les agents les suivent, mais c’est une fausse piste. Soudain, peu avant 23 h, le talkie-walkie de Dominique Cronimus grésille. « Bon, nous, on a un client. On procède au contrôle », informe Eric Krauser, parti en patrouille avec Guillaume Dutt et Perrine Kubler du côté de Sparsbach et Erckartswiller.
En attendant des nouvelles, Bruno Klein s’informe sur la procédure à suivre en cas d’arrestation. « On leur demande de montrer leurs mains, et qu’ils ne touchent plus à leur arme. Puis on contrôle leur permis de chasse, leur assurance, et s’ils sont bien sur leurs lots de chasse. » Fausse alerte, l’automobiliste arrêté écopera juste d’une amende pour circulation dans un espace naturel.
Dernière étape du périple, la vallée de Dossenheim-sur-Zinsel, près du lieu-dit Oberhof, en passant par la réserve nationale de chasse de La Petite-Pierre, où toute forme de chasse est strictement interdite. « Nous allons rester statiques au-dessus de la route. Tous les ans, on attrape des braconniers là-bas. Ils passent en voiture en éclairant la plaine pour abattre des cervidés. »
Une longue attente commence alors, dans le noir et le froid. Les collègues, qui ont également fini leur tour, se sont postés plus loin, à un autre point de vue. Les pieds dans l’eau stagnante du terrain, Bruno Klein, Dominique Cronimus et Anaïs Nicolas discutent à voix basse. Ils admettent que la pratique de la chasse est chère, les règles strictes et les sentences en cas de non-respect lourdes.
« Nous allons reconduire cette opération »
Plus tôt dans la soirée, ils avaient notamment évoqué l’affaire des miradors sabotés. De septembre 2016 à mai 2017, gendarmerie et ONCFS ont enregistré de nombreuses plaintes de chasseurs qui ont vu leurs miradors et agrainoirs dégradés. « L’un d’eux a eu pour 5 000 euros de préjudice. L’affaire devenait sérieuse. Mais depuis l’article dans le journal, ça s’est arrêté. »
Vers 1 h 30, les six agents se mettent d’accord par talkie-walkie pour lever le camp. Ils se retrouvent à la gendarmerie pour faire le point. « Nous allons reconduire cette opération, pour que les neuf gendarmes de La Petite-Pierre en profitent. On pourra aussi envisager d’autres opérations communes de contrôles », assure Bruno Klein. Le lendemain déjà, ils réitéraient l’action, sans relever toutefois plus d’infractions.