Frankia alni- une bactérie fixatrice d’azote
Publié le 24 Janvier 2018
Frankia alni : qu’est ce que c’est ce truc ??
C’est la réponse à notre quiz de jeudi dernier: nodosités d'Aulne glutineux infectées par Frankia.
Oui, Frankia alni- est le nom d’une bactérie filamenteuse ou actinobactérie, fixatrice d’azote qui infecte les racines des aulnes d’où son petit nom « alni ».
Pourquoi actinobactérie : parce qu’elle est capable de former une symbiose avec les racines de plantes spécifiques en particulier en émettant des filaments très fins ou hyphes tels ceux des champignons. La forme et la progression de ces filaments, ramifiés et segmentés dans toutes les directions rappellent les rayons d’une roue. Ceci explique le suffixe « actino » qui vient du grec « actinos », rayon.
Elles produisent aussi deux autres types de cellules : des sporanges et des vésicules ou diazovésicules où sont produites les enzymes spécifiques à l’azote.
Ces plantes infectées ont la spécificité d’être présentes dans des milieux extrêmes comme :
milieux très salés, milieux avec métaux lourds comme déblais de mines ou avec un pH très acide.
Par exemple :
- les aulnes qui vivent au bord de l’eau,
- des éléagnacées comme l’argousier et l’Olivier de Bohème ou Chalef déjà présenté dans nos pages
- des myricacées comme le Myrte des marais ou Bois sent-bon, présent dans les marais surtout en Amérique du Nord, très odorant mais aussi toxique
- d’autres familles comme les rosacées et d’autres moins connues. Si la taille des nodules de notre aulne glutineux sont de 1 à 2 mm ils peuvent atteindre 50cm chez une plante dénommée Allocasuarina, incroyable, non ?
Mécanisme de fixation de l’azote :
Frankia utilise l’azote atmosphérique N2 (78% de l’air) pour le transformer en azote ammoniacal NH3 à l’abri de l’air, grâce à une enzyme spécifique , une nitrogénase. La quantité d’azote mis à la disposition des plantes font qu’elles peuvent alors se développer dans des milieux très pauvres en azote. C’est pourquoi ces plantes associées à Frankia sont des pionnières dans les sables, marais, moraines, cendres volcaniques moraines glaciaires et d’autres milieux spéciaux. Elles peuvent suppléer la plante de tous ses besoins en azote.
(voir la photo parlante de l’UMR de Lyon Schwob G avec et sans Frankia)
Origine de cette symbiose :
La symbiose est apparue au cours de l’évolution des plantes sans doute voici des dizaines ou centaines de millions d’années.
Les fabacées comme la luzerne, les pois, le soja, les trèfles, sont mieux connues pour avoir aussi des nodosités avec des bactéries fixatrices d’azote. Ce sont d’autres bactéries des rhizobium dont l’aspect est légèrement différent.
Déclenchement de l’infection
Le développement des nodules bactériens a lieu en cas de carence azotée du sol. Sans doute les racines émettent-elles un signal que Frankia reconnait, on ne sait pas à ce jour. Les bactéries Frankia produisent alors des hormones végétales (acide 3- indole-acétique et acide phénylacétique) qui accélèrent la croissance des poils racinaires, très jeunes, en cours de croissance de la plante et les déforment.
Les hyphes de la bactérie entrent en contact avec les fins poils racinaires et les infectent au niveau des courbures dont la paroi s’est amincie.
Les bactéries vont coloniser les poils qui changent d’aspect par croissance stimulée de certaines cellules.
Les poils non infectés car ayant terminé leur croissance vont eux se dégrader et il ne subsistera plus que des poils infectés. A noter qu’il existe plusieurs types d’infection des racines parles bactéries Frankia selon les espèces de plantes. Les hyphes des bactéries vont se développer dans les racines, encapsulés derrière des membranes en polysaccharides (sucres complexes).
Les nodules en se développant vont former des nodosités sphériques caractéristiques de couleur rouge chez les aulnes. Ils sont lignifiés car il faut une protection physique et chimique des nodules pour la production de cette enzyme spéciale, la nitrogénase doit se faire à l’abri de l’air.
Le poids des nodules peut représenter 3% de la biomasse d’un aulne soit un poids sec de 80 à 400 kg par hectare ce qui est énorme(Akkermans 1978).
Intérêt des plantes contaminées :
Ces plantes préparent sur des milieux appauvris l’arrivée de plantes moins bien équipées, moins robustes en produisant azote puis compost naturel. La quantité d’azote fixée est aussi importante que celles des Fabacées ! Elles sont et seront très utiles pour réhabiliter les sols dégradés par les activités humaines ou les érosions. Elles permettent de lutter contre la désertification, l’érosion l’ensablement.
Cette propriété de fixation d’azote est étudiée par de nombreux chercheurs. Elle pourrait se substituer à l’utilisation d ‘engrais azotés d’origine chimique ou organique pour toutes les plantes.
Texte et bibliographie Roland Gissinger (Anab)
Photos 3 à 5 Dep écologie microbienne de Lyon
Bibliographie
https://www.drthrasher.org/frankia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Frankia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Actinorhize
http://www.ecologiemicrobiennelyon.fr/spip.php?rubrique27
https://www.researchgate.net/publication/202116270_The_Frankia_alni_Symbiotic_Transcriptome http://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/12538078.1996.10515361