Histoire de lichens épisode 7 : Une reproduction sexuée à sens unique (et Xanthoria calcicola )
Publié le 21 Janvier 2018
Nom scientifique : Xanthoria calcicola (Hepp) Arnold
Date de l’observation: 26 novembre 2017 à Zetting
Nomenclature : Division des Ascomycota, famille des teloschistaceae
Biotope : sur roche naturelle ou artificielle, monuments, briques…
Nous avons vu dans les épisodes précédents que l’association lichénique nécessite une relation étroite entre les partenaires photosynthétiques et fongiques pour le bon déroulement de son développement et sa nutrition. Nous allons voir dans les deux prochains épisodes comment les partenaires coopèrent pour se reproduire.
Leur reproduction peut être sexuée ou asexuée.
Une reproduction sexuée à sens unique
Le lichen peut se reproduire de façon sexuée. Cette fonction ne fait intervenir que le champignon, pas l’algue. L’algue, à l’intérieur du thalle lichénique, est dépourvue de reproduction sexuée. Non seulement de « séquestrer » l’algue, le champignon la « stérilise » également.
Il ne faut pas oublier que l’algue rencontrée dans les lichens peut se développer et se reproduire sexuellement à l’état libre.
La capacité de conquérir de nouveaux milieux et d’y survivre a un coût pour l’algue.
En revanche, le champignon ne peut pas se reproduire et survivre seul. Il doit être associé à l’algue pour pouvoir se reproduire.
Trois structures visibles sur la face supérieure permettent au lichen la reproduction sexuée :
- l'apothécie (petite coupelle)
- la lirelle (apothécie allongée sous forme de fente dans le thalle)
- le périthèce (petit dôme présentant un orifice apical).
Ces trois structures produisent les spores du champignon qui seront émises dans l'air. Ces spores facilement transportées par le vent vont constituer sur un autre support de nouveaux des hyphes qui devront capturer et emballer une algue présente dans le milieu de façon à pouvoir donner naissance à un nouveau lichen.
Le lichen, un organisme qui nous interroge sur la notion de symbiose
De nombreux auteurs parlent de symbiose lichénique. Au vu de la situation de l’algue dans le lichen, je ne serais pas aussi catégorique. Il y a certes des bénéfices réciproques à cette association, néanmoins l’algue est dans une prison dorée où elle est exploitée. Le champignon émet des suçoirs qui pénètrent à l’intérieur de l’algue verte. Dans certains lichens, un ménage à 3 peut même se former où un deuxième champignon s’installe pour profiter de l’association déjà en place. Un opportuniste peut même en profiter pour expulser le champignon en place qui finira par mourir.
Des algues peuvent être surexploitées par le champignon et finissent par mourir. Le champignon se nourrira des restes de son partenaire avant de capturer une nouvelle algue.
Alors symbiose, mutualisme avec partage des bénéfices ou plutôt parasitisme ? Le vivant nous montre une fois de plus qu’il se prête difficilement à une catégorisation stricte.
Il existe entre le champignon et l’algue une sorte d’équilibre qui se maintient tout au long de l’existence du lichen, un équilibre indispensable à la stabilité de ce qu’on pourrait appeler un système. La stabilité est une des caractéristiques des dynamiques du vivant. Ce n'est pas le système vivant qui est stable mais plutôt sa dynamique, c'est-à-dire ses fonctions. C’est ce qu’on appelle l’homéostase. Un système homéostatique est un système qui est stable face à de petites perturbations. C’est exactement une des caractéristiques des lichens, leur résistance et résilience à un environnement austère. Ce n’est pas la seule fois dans l’histoire du vivant que les algues s’unissent ainsi à un autre organisme. Rappelez-vous des coraux qui sont une association entre des algues et des animaux.
En conclusion, les lichens (mais il n’y aurait pas qu’eux) nous montrent qu’il faut être prudent avec les notions de parasitisme, de symbiose, etc. Au contraire, les choses ne sont pas aussi cloisonnées mais reposent sur l’équilibre délicat d’un système. Mais s’associer pour se diversifier est un moteur essentiel dans l’évolution du vivant. Ensemble on est plus fort et on va plus loin.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab )
Source: http://www.afl-lichenologie.fr/Photos_AFL/Photos_AFL_X/Xanthoria_calcicola.htm
Pour en savoir davantage sur les lichens :
http://www.bourgogne-nature.fr/fichiers/bn12-30-45-zoom-lichens_1376297234.pdf
http://mycorance.free.fr/valchamp/lichens.htm
http://www.sauvagesdupoitou.com/88/541
http://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/00378941.1968.10838621
Véronique Leclerc,Jean-Yves Floc'h, Les secrets des algues
Marc andré selosse, Jamais seul