Plastiques : la France recycle trop peu !
Publié le 29 Janvier 2018
Dossier paru dans les DNA le 26/1/2018
Édouard Philippe promet les 100 % d’ici à 2025
Nous sommes à la traîne dans la valorisation de nos déchets qui peinent à trouver une deuxième vie. Le gouvernement affiche des objectifs ambitieux, mais difficiles à atteindre…
En triant consciencieusement vos déchets, vous pensez faire un geste pour la planète. Mais ce n’est pas si simple. Mettre le plastique dans le bac jaune ne garantit pas qu’il finira recyclé.
Que deviennent nos déchets ?
Seuls 22,2 % des plastiques produits et consommés en France sont réellement réutilisés ! Le reste est incinéré (43,5 %, pour être revalorisé en énergie) ou mis en décharge (34,3 %), selon le classement de PlasticsEurope , association des fabricants de plastique européens .
Avec son faible taux de recyclage, la France se situe à la 25e place européenne… sur 28 ! Les pays les mieux classés sont ceux qui ont opté pour l’interdiction de mise en décharge, selon PlasticsEurope.
Sur les 900 000 tonnes de déchets plastiques français, 170 000 sont envoyées en Chine chaque année. Or le pays vient de décider de fermer ses frontières aux importations de déchets trop « impurs » (lire par ailleurs).
Pourquoi si peu de recyclage ?
La France se heurte à de multiples écueils. Tout d’abord au niveau de la collecte. Selon l’Ademe, seuls un tiers des déchets plastiques produits sont intégrés dans le système de tri. Et la moitié seulement de ce qui est collecté est envoyée en recyclage. Une situation liée aux lacunes du tri dans certains secteurs, mais aussi à une difficulté : les produits en plastique que nous consommons sont composés de matières diverses, et il est parfois complexe d’extraire la partie recyclable. L’autre obstacle est technique. « Sur la quinzaine de résines utilisées, cinq sont majoritaires, dont certaines que l’on ne sait pas recycler. Il existe des solutions pour le PET (polytéréphtalate d’éthylène utilisé pour les bouteilles d’eau, de Coca, de Canada Dry…), mais pas pour les pots de yaourts qui sont généralement brûlés pour la revalorisation de la matière. Et nous avons une inquiétude sur les nouvelles bouteilles de lait en PET opaque qui ne se recyclent pas », explique Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, qui regroupe les collectivités locales en charge de la collecte des déchets.
Ces obstacles rendent onéreux le traitement du plastique. Et côté débouchés, la matière est parfois difficile à vendre à un prix élevé, quand le plastique en matière première – lié au prix du pétrole – coûte peu cher. La filière est donc fragile économiquement.
Quelles solutions ?
Dans son discours de politique générale, le Premier ministre Édouard Philippe a fixé un objectif de 100 % de plastiques recyclés en 2025.
Un but qui semble difficile à atteindre, quand les meilleurs élèves européens sont à 40 %, et que l’Union, plus réaliste, se fixe une cible de 55 % des emballages plastiques recyclés d’ici à 2030 (aujourd’hui, la France en recycle seulement 26 %).
Tout commence dès la fabrication. « Un tiers des produits n’a pas de solution de recyclage. Il faut provoquer un changement dans la conception à la base », déplore Nicolas Garnier qui plaide pour un malus sur les matériaux non réutilisables, voire le retrait du matériau si la recherche, au bout d’un temps donné, ne propose pas de mode de recyclage.
L’autre piste, selon lui, est de forcer les industriels à intégrer des quotas de matériau recyclé dans la fabrication des produits.
Une réflexion sur nos modes de consommation s’impose également. Gilles Vincent, le président d’Amorce, résume : « Le meilleur déchet, c’est celui qui n’est pas produit ».
Élodie Bécu
26/01/2018
Importation de déchets : le virage chinois
La Chine ne veut plus être la poubelle de l’Occident. Depuis le 1er janvier, la porte du géant asiatique est fermée à 24 catégories de déchets solides dont certains plastiques, papiers et textiles, une mesure annoncée seulement six mois plus tôt par Pékin qui avance des motifs écologiques.
Ce changement du marché planétaire des déchets s’avère problématique pour les industriels américains et européens, habitués à voir une Chine avide de matières premières absorber la majeure partie de leurs déchets pour les recycler, et qui disposent de très peu de temps pour se retourner.
La filière cherche des solutions
L’Union européenne exporte la moitié de ses plastiques collectés et triés, dont 85 % vers la Chine. Les États-Unis ont, eux, envoyé en 2016 en Chine plus de la moitié de leurs exportations de déchets de métaux non ferreux, papiers et plastiques, soit 16,2 millions de tonnes.
Avec comme « scénario catastrophe » la perspective que ces déchets soient incinérés ou placés en décharge.
Aux États-Unis, « des usines cherchent comment entreposer » leurs déchets supplémentaires, et « certaines les stockent sur des parkings ou sur des sites extérieurs », observe la Fédération américaine des déchets et du recyclage.
L’interdiction de Pékin pose aussi un épineux problème aux entreprises chinoises du recyclage, extrêmement dépendantes des déchets occidentaux.
« Cela va devenir difficile de travailler », admet Zhang Jinglian, propriétaire d’une société de traitement des déchets plastiques, Huizhou Qingchun. Plus de la moitié de sa « matière première » est importée, et sa production va être réduite « d’au moins un tiers ».
La Chine veut préserver son environnement
Questions à
Arnaud Brunet Directeur du Bureau international du recyclage (BIR)
Quel rôle joue la Chine dans le marché mondial du recyclage ?
« La Chine achète des matières recyclables pour son industrie manufacturière. Elle récupère d’une certaine manière ce qu’elle a vendu au monde entier, et le réinjecte dans sa production. Elle est la plus grosse industrie papetière, et donc le plus gros importateur de papier recyclé dans le monde. Elle achète de gros tonnages de déchets de papier, de plastique, de métaux ferreux et non ferreux. »
Pourquoi la Chine a-t-elle pris la décision de fermer ses frontières aux déchets étrangers ?
« La Chine ne ferme pas complètement son marché. Elle a décidé de resserrer ses critères de qualité, ce qui revient à mettre des barrières à l’importation de déchets. Il est légitime pour un pays de vouloir préserver son environnement. »
Quelles sont les conséquences d’une telle décision sur les pays occidentaux ?
« La Chine exige depuis le 1er janvier des taux d’impureté des matériaux très bas, ce qui implique des traitements très importants en amont, de la part des exportateurs. Les industriels vont devoir mettre en place des process complexes et coûteux. Cela ne se fera pas en un jour, or la Chine a pris sa décision en juillet 2017 pour une application en janvier 2018 ! Un tel choix suscite de l’inquiétude chez les professionnels du recyclage qui risquent d’être déstabilisés. Il y a deux issues possibles : changer la manière de recycler les déchets pour être conforme à ces critères, ou trouver de nouveaux marchés pour ces matériaux, notamment en Asie du Sud-Est. »
Propos recueillis par Élodie Bécu
26/01/2018
La consigne de retour ?
Va-t-on revenir au système de la consigne pour les bouteilles en verre, et l’élargir aux emballages en plastique ou en métal ? C’est une idée qui émerge de la consultation publique sur l’économie circulaire lancée par le gouvernement sur le Web. Les internautes, interrogés sur les moyens de « mieux consommer » ou « mieux trier et mieux recycler », plébiscitent ce système. Le principe : on ramène l’emballage que l’on a utilisé, et en échange, on récupère de l’argent. Amorce, association regroupant les collectivités locales, est opposée à cette solution qui priverait les acteurs de la collecte d’une partie significative de leurs revenus. Le gouvernement rendra sa décision début mars.
Parmi les autres pistes évoquées par les citoyens figure également la taxation des produits à faible durée de vie, non recyclables ou suremballés. Ils demandent par ailleurs d’y voir plus clair dans les consignes de tri. Un point de vue partagé par Amorce qui réclame un ménage dans les logos sur les emballages, notamment pour éviter ceux qui sont apposés à mauvais escient sur des produits qui ne se recyclent pas. Et créent la confusion chez le consommateur.
Quelques chiffres
Les principaux secteurs utilisateurs de plastiques sont : emballages (40 %), BTP (20 %), automobile (8 %) et équipements électriques et électroniques (EEE, 5 %).
Le tonnage de plastiques collectés en 2016 a atteint 902 000 tonnes, soit une hausse de 3 % par rapport à 2015, selon Federec qui regroupe les entreprises de recyclage. Cette hausse modérée s’explique par une amélioration des habitudes de tri et le déploiement de l’extension des consignes de tri des emballages ménagers à tous les plastiques (+ 5 000 tonnes).
Ces plastiques proviennent à 71 % de la collecte industrielle, et à 29 % de la collecte sélective des déchets ménagers.
Lait : comment s’y retrouver ?
Les bouteilles de lait en PET opaque, qui ne se recycle pas, paraissent plus fines et plus brillantes. La plupart des bouteilles en PET opaque n’ont pas d’opercule en aluminium. En cas de doute, recommande l’association Zéro Waste, il est possible de regarder en-dessous de la bouteille : le type de plastique y est indiqué par un sigle ou un numéro (1 ou rien pour le PET opaque sous les bouteilles de lait, selon UFC-Que Choisir).
22,2%
« C’est le taux moyen de recyclage des déchets plastiques en France –loin derrière la Norvège (43,4 %), la Suède (40,6 %), et l’Allemagne (37,7 %). En France, 64 % des déchets plastiques sont des emballages. Cependant, nous n’en recyclons que 26,2 %, alors que la moyenne européenne est de 40,9 %, selon PlasticsEurope ».