Dossier Peut-on bien respirer (malgré la pollution) ?

Publié le 19 Février 2018

articles parus dans DNA  Sylvie Montaron le 17/02/2018

La pollution causerait 48 300 décès prématurés par an en France. L’Hexagone vient de se faire rappeler à l’ordre par l’Union européenne pour ses mauvais résultats. Quelques attitudes pour en diminuer les effets.

Les masques sont-ils efficaces contre la pollution ? Rien n’est moins sûr. Les masques chirurgicaux en tout cas sont inefficaces.

Les masques sont-ils efficaces contre la pollution ? Rien n’est moins sûr. Les masques chirurgicaux en tout cas sont inefficaces.

Réunis à Lyon au congrès de pneumologie de langue française, pneumologues, allergologues, ingénieurs chimistes, etc. ont évoqué des pistes pour préserver la santé respiratoire.

L’activité physique : pas partout en ville

Malgré la pollution atmosphérique, la balance bénéfices/risques joue en faveur de l’activité physique en ville. À condition, pour les plus fragiles, de limiter son temps de présence sur les sites de forte circulation. Une expérience a en effet montré que si marcher deux heures dans Oxford Street, boulevard le plus pollué de Londres, n’avait pas d’effet sur les personnes en bonne santé, cela augmentait pendant plus de 24 heures les problèmes respiratoires des asthmatiques alors que la même activité dans Hyde Park leur était bénéfique.

Voiture, vélo ou métro ?

À Paris, à vélo on respire mieux que dans une auto. Selon les mesures d’AirParif, un automobiliste respire jusqu’à deux fois plus de dioxyde d’azote qu’un piéton. Mais c’est dans le métro que l’on respire le plus de particules suivi de la voiture, du vélo et du piéton sur le trottoir. Si le même piéton descend au niveau des berges sans circulation, il respire un air 25 % moins pollué.

Les masques sont-ils efficaces ?

Il existe encore trop peu d’études sur l’efficacité des masques. Trop fins et ne collant pas suffisamment au visage, les masques chirurgicaux sont inefficaces. Si les masques FFP peuvent en théorie filtrer les particules, l’association Respire met en garde les cyclistes contre leur utilisation car ils gênent la respiration : « L’air aura tendance à rentrer par les fuites : le masque ne servira à rien. Pire, comme vous serez en hyperventilation, vos poumons seront encore plus sensibles à la pollution ». Quant aux microcapteurs de gaz et de particules connectés, il n’existe aucun cadre normatif permettant de comparer leurs performances à celles des appareils de mesures de référence. Le premier essai national est en cours à Lille. En attendant, des applications permettent de choisir les itinéraires les moins pollués comme celles d’AirParif et d’Atmo Auvergne Rhône-Alpes.

Épurateurs d’air  intérieur : à éviter

Les évaluations indépendantes manquent aussi pour les équipements revendiquant une purification de l’air intérieur. Selon une expertise de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), leur efficacité reste à démontrer et ils peuvent dégrader la qualité de l’air en générant de nouveaux polluants comme l’ozone pour les techniques d’épuration par ozonation ou plasma, l’oxyde d’azote (plasma) ou des aldéhydes (photocatalyse). L’Anses déconseille donc ces appareils ainsi que les sprays dits « assainissants » aux asthmatiques. « S’il y a un chat dans la maison, un purificateur ne suffit pas à réduire suffisamment les allergènes », constate pour sa part le Pr  Frédéric de Blay, pneumologue au CHRU de Strasbourg. Pour l’Anses, il est aussi nécessaire de conduire des travaux sur les huiles essentielles car elles émettent des COV (composés organiques volatils) pouvant provoquer ou aggraver un asthme.

Limiter les émissions chez soi

Pour réduire l’exposition aux polluants de l’air intérieur, il faut limiter les émissions, aérer et ventiler. Une aération quotidienne de 10 minutes permet de renouveler l’air. Pour que le logement soit bien ventilé, il ne faut pas obstruer les grilles d’aération, les dépoussiérer régulièrement et faire vérifier la VMC tous les trois ans. « On ventile moins aujourd’hui et cela favorise la présence de moisissures car nous produisons beaucoup d’humidité et ces moisissures augmentent les exacerbations d’asthme », note le Pr  de Blay. Outre l’utilisation de produits chimiques (ménagers, cosmétiques…), les polluants peuvent venir des émissions de matériaux de construction ou de décoration. Certains écolabels garantissent de faibles émissions pour les isolants, peintures, dérivés du bois, revêtements de sol, colles, etc. comme Nature Plus, l’Angle bleu, GUT et Emicode. Concernant le chauffage au bois, le label Flamme Verte permet de sélectionner les appareils les plus vertueux.

Dans les villes, les moteurs sont sources de pollutions aux particules fines

Dans les villes, les moteurs sont sources de pollutions aux particules fines

Aucun site n’est épargné. En ville, les particules dominent, essentiellement l’hiver, produites d’abord par le transport : moteurs diesel, usure des freins, des moteurs, des chaussées et certains moteurs à essence, à injection directe, précise Bruno Courtois de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail. Cet ingénieur chimiste s’interroge aussi sur les conséquences sanitaires de l’utilisation d’urée dans les moteurs : « Le moteur émet de l’ammoniac, ce qui n’est pas pris en compte actuellement dans la réglementation ni les contrôles techniques ».

Pas mieux à la campagne et à la mer

À la campagne, l’air est loin d’être pur car c’est là que se concentre la pollution à l’ozone. C’est également là que l’on enregistre les plus forts taux de pollution aux pesticides.

Enfin, sur l’eau, la pollution liée au fioul lourd est aussi préoccupante : un bateau de croisière émet autant de particules fines et d’oxyde d’azote qu’un million de voitures, selon les mesures réalisées par l’association France Nature Environnement dans les ports de Marseille et Nice.

L’effet des pesticides sur la santé a été largement sous-estimé.

L’effet des pesticides sur la santé a été largement sous-estimé.

Les pesticides menacent les campagnes
 

VIVRE À LA CAMPAGNE a longtemps été vu comme un facteur protecteur contre l’asthme et les allergies respiratoires par les pneumologues qui s’intéressaient peu aux pesticides. « On estimait que les effets étaient dus à un niveau d’exposition élevé par voie cutanée ou par ingestion. On pensait que les effets respiratoires étaient anecdotiques, de l’ordre de moins de 1 % », rapporte le Pr  Chantal Raherison-Semjen. Mais aujourd’hui, cette pneumologue au CHU de Bordeaux pense que l’on sous-estime « l’imputabilité des pesticides sur la santé respiratoire ».

Des études étrangères ont montré une association entre certains pesticides, notamment le Glyphosate, et deux types de sifflements, allergique et non-allergique, chez les agriculteurs et chez leurs femmes. En France, une étude (sur la cohorte Elfe) a montré que 100 % des femmes enceintes étaient imprégnées de pesticides pyréthrinoïdes qui font partie des insecticides les plus utilisés en agriculture. « Mais on dispose encore de peu d’études sur les effets respiratoires sur les riverains », explique le Pr  Raherison-Semjen. En 2014, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) avait recensé des témoignages de riverains se plaignant d’irritations oculaires et de problèmes respiratoires lors des épandages. La majorité des témoignages provenaient du Limousin et de Rhône-Alpes. 35 % des plaignants vivaient près de vergers et 16 % près de vignes.

Mais le pesticide est voyageur. « À Lyon ou à Valence, on capte des molécules quand on les cherche », explique Stéphane Socquet-Juglard de l’association Atmo Auvergne Rhône-Alpes. Une campagne exploratoire de surveillance en 2018 Il n’existe pas actuellement de réglementation sur la surveillance des pesticides dans l’air mais des associations Atmo régionales ont déjà réalisé des mesures.

L’Anses souligne la « nécessité de surveiller les pesticides dans l’air ambiant » de manière harmonisée au plan national et de mettre en place des campagnes particulières pour évaluer l’exposition des populations vivant à proximité des sources d’émissions.

Pour la France métropolitaine, l’agence a identifié 23 substances hautement prioritaires et 10 substances prioritaires à surveiller. Une « campagne exploratoire nationale » sera menée cette année avec les associations de surveillance de l’air. Elle permettra d’obtenir les premières données de contamination de l’air et servira à définir une stratégie de surveillance nationale à mettre en œuvre.

DNA/S. M. 17/02/2018

Repères

Des décès prématurés

Le nombre de décès prématurés varie selon les normes retenues. Pour Santé Publique France, qui se base sur l’étude européenne CAFE, la pollution atmosphérique causerait 48 300 décès prématurés par an en France. Les habitants des zones de plus de 100 000 habitants ont une perte de 15 mois d’espérance de vie à 30 ans due aux particules fines PM2,5 ; ceux des zones de 2000 à 100 000 habitants, ont une perte d’espérance de vie de 10 mois et ceux des zones rurales de 9 mois. Si les normes de l’Organisation mondiale de la santé étaient respectées, 17 700 décès seraient évités.

Les particules fines 5e  facteur de mortalité

En 2015, les particules fines PM2,5 étaient classées 5e facteur de risque de mortalité dans le monde après l’hypertension artérielle (2e ) et le tabagisme (1er ), selon une étude, publiée dans The Lancet , Cette étude estimait que les PM2,5 étaient à l’origine de 26 000 décès en France.

Neuf pays européens hors normes

La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Italie, la Hongrie, la République tchèque, la Roumanie et la Slovaquie se sont fait sermonner par l’Union européenne pour leur non-respect des normes de qualité de l’air, notamment en ce qui concerne le dioxyde d’azote ou les particules fines. L’Europe a averti qu’elle n’hésiterait plus à les sanctionner. La Commission européenne estime que la pollution de l’air entraîne chaque année 400 000 décès en Europe.

En 2050, 50 % de la population sera allergique aux pollens

Questions à

Vous alertez sur les conséquences du réchauffement climatique sur la santé respiratoire. Y a-t-il déjà des effets visibles ?

« Le réchauffement climatique est un facteur de risque d’exacerbation des maladies respiratoires. On le voit déjà avec une augmentation des crises d’asthme et des allergies respiratoires. Les saisons polliniques ont été modifiées : elles démarrent plus tôt, sont plus longues et les pollens sont plus abondants. Avec la chaleur et le C02, les protéines des pollens sont plus allergisantes. Dans les années 90, 15 % de la population souffrait d’allergies respiratoires. Aujourd’hui, ce sont 30 % et en 2050, ce seront 50 % du fait de l’extension des pollens. »

Les catastrophes climatiques ont aussi des effets…

« Les vagues de chaleur entraînent une augmentation de 3 % des hospitalisations pour des problèmes respiratoires et une plus grande mortalité chez les plus de 75 ans. Les patients atteints de maladies cardiovasculaires, d’insuffisance respiratoire, les nourrissons et les jeunes enfants sont aussi plus vulnérables. Avec le réchauffement climatique, la fréquence et l’intensité des tempêtes de sable et des feux de forêts augmentent également comme on l’a vu en Californie et au Portugal et cela provoque une augmentation de la pollution aux particules fines PM 2,5. »

Qu’est-il possible de faire pour se protéger ?

« Les perspectives sont plutôt sombres avec le désengagement des États-Unis. Mais il est possible de travailler sur l’urbanisme. En augmentant la densité des espaces verts et en installant des murs végétalisés, par exemple, on augmente l’absorption de la chaleur et on fait baisser la température. On l’a bien observé à Paris en 2003 : il suffisait de s’éloigner du centre de la ville pour perdre 3 °C. »

Rédigé par ANAB

Publié dans #Pollution-pesticides

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