Histoire de lichens épisode 11 et l’importance écologique des lichens (et Hypogymnia tubulosa )
Publié le 17 Février 2018
Nom scientifique : Hypogymnia tubulosa (L.) Nyl.
Date de l’observation: 5 décembre 2016 à Remelfing
Division des Ascomycota, famille des parmeliaceae
Biotope : surtout corticole, sur troncs, branches et branchettes de conifères et feuillus isolés ou en forêts claires
Nous avons vu dans les épisodes précédents que les lichens sont des conquérants et que peu de milieux résistent à leur colonisation. Nous allons voir dans cet épisode que leur présence est essentielle pour certains animaux mais aussi pour les plantes.
Les rennes et la toundra
Cladonia rangiferina est une espèce de lichen connue sous le nom de lichen des rennes ou lichen des caribous. Cette espèce forme au sol de grands tapis blanchâtres buissonnants. C’est un lichen répandu dans les régions froides et tempérées des deux hémisphères. Comme il peut résister à des environnements très froids, c’est toutefois dans les régions arctiques qu’il atteint son plus grand développement, marquant profondément la physionomie de la toundra. Il recouvre le sol sur des millions d'hectares de la région boisée subarctique du Canada. Comme son nom le suggère, il est une source de nourriture importante, la principale source de nourriture pour les rennes (Rangifer tarandus). Les lichens sont également le maillon de base sur lequel repose l’écosystème arctique. Dans la toundra, ils forment un épais tapis qui régule l’humidité et la température au sol et offrent, comme nous l’avons vu, aux rennes européens et aux caribous canadiens jusqu’à 90 % de leur alimentation hivernale.
Il n’y a pas que les caribous qui raffolent du lichen mais aussi de nombreuses larves d’ insectes comme celles des noctuelles, des papillons de nuit. Plusieurs fois, en observant un prélèvement de lichen sous la loupe binoculaire, j’ai été surpris par une minuscule chenille rampant dans le thalle lichénique. Ces chenilles sont presque indécelables à l’œil nu mais force est de reconnaître qu’un lichen abrite une vie foisonnante. Une des conséquences est que les lichens constituent ainsi un véritable garde-manger hivernal pour de nombreux oiseaux insectivores: sittelles, mésanges, rouges-gorges.
Les lichens offrent aussi le gîte et le couvert à des escargots, des limaces et de nombreux invertébrés. Des grenouilles viennent également s’y camoufler
(cliquer sur le texte pour voir d'autres images de cette incroyable grenouille du Vietnam)
Theloderma corticale Photo Andreas Kalbow
Une sauterelle qui se fait lichen
En Amérique Centrale et en Amérique du Sud existe une espèce de lichen complètement blanche. Il permet le camouflage parfait pour un insecte. Le Markia Hystrix ou Lichen Katydid en anglais est un expert en la matière. Cet insecte appartient à l’ordre des orthoptères à l'‘instar des grillons, des sauterelles ou encore des criquets. Le corps de ce dernier, bien différent de celui d’une sauterelle telle que nous l’entendons, s’apparente à un amas de filaments blancs ressemblant comme deux gouttes d’eau à ce lichen. (cliquer sur le texte pour voir ce phénomène)
Des lichens et des oiseaux
Les oiseaux utilisent fréquemment des lichens mélangés avec d’autres débris pour fabriquer leur nid. En contrepartie certains lichens apprécient les substrats azotés fournis par leurs fientes.
Les oiseaux utilisant des fragments de mousse ou de lichen pour construire leur nid utilisent parfois des fils d'araignée pour les assembler : c'est le cas par exemple du Pinson des arbres (Fringilla coelebs). Il tisse son nid avec du crin et du lichen et l’installe à la fourche des arbres fruitiers. La Mésange à longue queue (Aegithalos caudatus) fait de même. Elle construit dès mars dans les arbustes un nid en forme de bourse avec des mousses et du lichen, garni à l’intérieur de plumes fines.
Idem pour le plus petit oiseau d'Europe, le roitelet huppé (Regulus regulus)
Des lichens et des plantes
En pourrissant, en dégradant les roches, les débris de lichen forment un sol, assez riche pour que la mousse et d’autres plantes puissent s’installer et grandir.
De nombreuses espèces de lichens vivent sur les arbres, on parle alors de lichen épiphyte. Précisons-le clairement : LE LICHEN N’EST PAS UN PARASITE DE L’ARBRE. Il n’empêche pas l'écorce de jouer son rôle et ne pénètre pas dans les tissus de l'arbre comme le gui pour puiser dans les ressources du bois vivant. On peut reprocher au lichen d’abriter des chenilles d’insectes « nuisibles » pour les cultures mais il ne faut pas oublier qu’il peut abriter des larves de précieux auxiliaires du jardin.
En conclusion
Sur les branches et les troncs, ils n’endommagent nullement les arbres. Bien au contraire, ils proposent un habitat richement structuré et de la nourriture à divers êtres vivants de petite taille et préparent le terrain pour l’installation des plantes. Beaucoup d’êtres vivants dépendent ainsi des lichens, d’une petite mousse jusqu’à un mammifère qui s’en nourrit dans le froid de la toundra, en passant par un insecte qui se camoufle et des oiseaux qui construisent leurs nids. Les lichens créent aussi des micro habitats et leurs rôles et fonctions écologiques au sein des écosystèmes naturels sont donc importants et multiples. Partie intégrante des écosystèmes naturels, la protection de leur diversité passe par celle de leurs habitats.
Texte, photos, et bibliographie : Gilles Weiskircher (Anab )
Source:http://www.afl-lichenologie.fr/Photos_AFL/Photos_AFL_H/Hypogymnia_tubulosa.htm
Pour en savoir davantage sur les lichens :
http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/lichen/
https://www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i134coutin2.pdf
http://www.maxisciences.com/insecte/cet-incroyable-insecte-est-le-roi-du-camouflage_art38883.html
http://www.osi-perception.org/Les-lichens-des-pistes-a-suivre.html
https://www.waldwissen.net/wald/pilze_flechten/wsl_pilzschutz_schweiz/index_FR
http://gaiapresse.ca/images/UserFiles/File/Forets/LichensFrPic_revDAGC.pdf
Pour en savoir davantage sur les nids d’oiseaux :