Nouveau plan loup : le loup à nouveau victime du manque de courage politique
Publié le 26 Février 2018
Communiqué des associations France Nature Environnement, FERUS, Humanité et Biodiversité, LPO, WWF
On était en droit d’espérer que le gouvernement se démarque de ses prédécesseurs en faisant le choix de favoriser la coexistence entre élevage et prédateur. Malheureusement il n’en est rien : la publication du nouveau « Plan Loup » pour la période 2018-2023 est une nouvelle occasion manquée pour définir de nouvelles orientations d’une gestion intégrée.
Inefficacité des tirs de destruction aveugles
Comme l’a résumé le Conseil National de Protection de la Nature (CNPN), ce plan s’inscrit dans une volonté de « freinage, par régulation, de la croissance des populations de loups, allant bien au-delà des possibilités réglementaires de déroger à la protection de l’espèce ». D’autres instances scientifiques comme le MNHN et l’ONCFS avaient également souligné qu’une « gestion » du loup basée uniquement sur les tirs de destruction n’apporte pas de solution pérenne pour réduire les attaques sur les troupeaux.
Alors que l’État permet la destruction de 40 loups par an depuis 4 années déjà, il n’a fait procéder à aucune évaluation de l’efficacité de ces abattages pour réduire les attaques sur les troupeaux ovins. Et pour cause : le tir indifférencié de loups est plus qu’inefficace, contreproductif (éclatement des meutes, dispersion, absence d’apprentissage de la cohabitation…). Comme l’a souligné le CNPN, une telle évaluation aurait pourtant dû constituer un préalable à l’intensification des tirs de prélèvement.
Atteinte à l’état de conservation de l’espèce
Une expertise conjointe du MNHN et de l’ONCFS recommandait non seulement de limiter les tirs à la protection des troupeaux, mais également de ne pas détruire plus de 10% de l’effectif présent afin de ne pas porter atteinte à l’état de conservation de l’espèce.
Or l’État a permis la destruction de 12 % de la population présente ces dernières années, mais il s’apprête à augmenter encore cette proportion dans le seul but de calmer les acteurs d’une filière aux difficultés économiques sans commune mesure avec celles créées par le prédateur, totalement occultées dans le débat.
Une frilosité coupable
L’État est incapable de mettre en évidence les bénéfices attendus du retour des prédateurs. Ainsi rien n’est dit de l’opportunité de voir le loup s’installer dans les grands massifs forestiers, où sa présence limiterait les impacts des fortes populations d’ongulés.
Pire encore, avec ce nouveau plan loup et les deux arrêtés qui en découlent, il va même jusqu’à accepter des demandes illégitimes et sans doute illégales portées par les organisations agricoles. L’État montre ainsi qu’il est dans une position défensive et qu’au lieu d’assumer un objectif de coexistence, il n’a ni le courage de rappeler le cadre de la loi ni celui d’affirmer qu’il est nécessaire que l’élevage s’adapte à la présence de cette espèce protégée. C’est pourquoi les orientations du Plan d’actions national sont déséquilibrées, et les dispositions des projets d’arrêtés inacceptables.
Les ONG porte-voix de l’opinion publique favorable au retour du loup
Dans leur grande majorité, les Français ont eu l’occasion de rappeler à de multiples occasions leur attachement au retour du loup dans les meilleures conditions possibles.
Nos associations entendent utiliser les moyens disponibles pour rappeler le cadre juridique existant et favoriser une gestion plus rationnelle de ce dossier. Le loup ne saurait être le bouc émissaire d’une filière en crise et si son retour pose des questions concrètes, des solutions existent. Nos associations proposent de combiner :
- Un renforcement des moyens de protection ;
- Des expérimentations sur l’adaptation de la conduite des troupeaux en présence du loup pour réduire leur vulnérabilité ;
- Le développement de recherches opérationnelles destinées à mieux prévenir les attaques.
Nos associations sont solidaires des éleveurs qui subissent des attaques malgré les mesures préventives mises en place. Conformément au statut du loup, espèce protégée au niveau international, les tirs doivent être réservés à des situations dérogatoires, aux fins de protection des élevages.
Force est de constater que, contrairement au problème du réchauffement climatique, le gouvernement n’a pas pris la mesure des enjeux en matière de reconquête de la biodiversité. Nos associations sauront rappeler ses obligations à un État souvent fuyant lorsqu’il s’agit de préserver le patrimoine naturel.
Plan loup : Plafond de prélèvement de 40 loups
Guidé par cet objectif « non négociable », selon Nicolas Hulot, d’atteindre une population de 500 loups d’ici à la fin du quinquennat, contre près de 400 aujourd’hui. Un seuil minimum de viabilité de l’espèce, d’après son ministère. Éleveurs et certains élus de territoires concernés déplorent les conditions restrictives pour défendre leurs troupeaux, et une vision parisienne déconnectée du terrain et de la réalité de la colonisation du prédateur.
Ce plan reconduit la logique de plafonnement de la « destruction » de canidés quand « il n’existe pas d’autres solutions ». Ce plafond a été limité à 40 animaux pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2018, et sera ensuite porté de 10 à 12 % de la population par an, au vu du recensement des effectifs. Cependant, ces tirs de prélèvement ne pourront s’effectuer qu’après le 1er septembre, priorité étant donné aux tirs de défense, facilités à proximité des troupeaux menacés. Voilà pourquoi les associations environnementales n’y trouvent pas non plus leur compte. « Le loup est à nouveau victime du manque de courage politique », dénoncent France Nature Environnement, WWF ou Ferus.
L’an dernier, 11 700 bêtes domestiques ont été tuées par le loup, un tribut qui ne cesse de croître, alors que l’on n’a jamais autant prélevé de canidés depuis deux ans. S’il est présent dans 33 départements et gagne du terrain, l’emprise du prédateur se fait principalement sentir dans le Sud-Est, Provence-Alpes-Côte d’Azur concentrant 60 % des attaques et Auvergne-Rhône-Alpes 30 %.
Les ministères concernés précisent que la consultation du plan a recueilli 5 700 contributions dont 75 % insistant sur la préservation du loup, tandis que 25 % soutiennent l’élevage face à la prédation. Les ajouts se limitent à un meilleur suivi de la population et à une expertise chargée « d’objectiver le phénomène d’hybridation », alors que plusieurs élus contestent les chiffres officiels.
Le plan final passe outre un autre avis réservé. Celui du Conseil national de la protection de la nature (CNPN), aréopage de scientifiques qui, le 12 janvier, visait les arrêtés de prélèvement, redoutant un « freinage de la croissance de la population de loups », et dénonçait une « banalisation des tirs de défense ». Le plan Hulot/Travert aura six ans pour faire ses preuves. Pour l’heure, peu croient au remède miracle qui fera sortir le « loup » des sujets de société clivants.
paru dans les DNA Antoine CHANDELLIER 20/02/2018
Les autres mesures du plan
- Mise en place progressive de la conditionnalité des indemnisations des éleveurs à la mise en place d’au moins deux mesures de protection : chiens, clôtures, gardiennage dans les zones enregistrant des attaques récurrentes, mais pas dans les fronts de colonisation.
- Installation d’une équipe de bergers d’appui mobiles et mise en place d’une « filière de qualité » pour les chiens de protection.
- Caler la campagne de tirs sur l’année civile (du 1er janvier au 31 décembre) et non plus du 1er juillet au 30 juin de l’année suivante. Tir de défense facilité.
- Création d’un observatoire de diagnostic de la protection des troupeaux.