La génétique perce les secrets du champignon de Paris
Publié le 19 Mai 2018
Les champignons saprophytes, dont fait partie le champignon de Paris Agaricus bisporus, se développent sur les feuilles, les bois morts, les cadavres, etc. Ces décomposeurs jouent un rôle essentiel dans l'écologie des milieux forestiers et des prairies. © Bram Herman Les champignons saprophytes, dont fait partie le champignon de Paris Agaricus bisporus, se développent sur les feuilles, les bois morts, les cadavres, etc. Ces décomposeurs jouent un rôle essentiel dans l'écologie des milieux forestiers et des prairies
Paru sur Futura-sciences
Les génomes de deux variétés du champignon de Paris ont été séquencés. Les facteurs génétiques régissant la croissance et le développement d'Agaricus bisporus n'ont -presque - plus de secrets. L'arsenal enzymatique de cette espèce, qui lui permet de vivre sur des sols riches en acides humiques, est pour le moins... impressionnant.
Depuis plus de 300 ans, le processus de fructification du champignon de Paris est maîtrisé dans les champignonnières à des fins alimentaires. La production annuelle mondiale dépasse 1.400.000 t dont plus de 100.000 t proviennent de France (essentiellement de la région du Val de Loire). À l'état sauvage, le champignon de Paris est plutôt rare et pousse principalement sur les litières dans les forêts (surtout de cyprès) et les prairies.
Dans le cadre d'un vaste projet de séquençage d'une trentaine de génomes de champignons saprophytes, mené aux États-Unis par le Joint Genome Institute, des équipes de l'Inra (MycSA), du CNRS, des universités de Lorraine (IAM) et d'Aix-Marseille (AFMB) ont analysé le génome de deux variétés d'Agaricus bisporus, le champignon de Paris (ou champignon de couche) très proches génétiquement ; l'une poussant dans un désert californien et l'autre utilisée en culture.
Vers une amélioration génétique des champignons de Paris ?
En comparant le répertoire de gènes de ces agarics avec ceux de plusieurs champignons xylophages (qui dégradent le bois mort), les chercheurs ont mis en évidence différents mécanismes enzymatiques propres au champignon de Paris. Ces processus spécifiques lui permettent de survivre et de proliférer sur un milieu complexe très riche en acides humiques freinant la croissance de la plupart des autres micro-organismes. Ces acides s'accumulent dans l'humus des litières forestières, des prairies ou le compost dans les champignonnières, sur lesquels poussent abondamment les champignons de Paris. L'utilisation efficace de cette matière organique nécessite un arsenal d'enzymes de détoxication et de dégradation particulièrement performant. Ainsi, l'étude révèle, chez le champignon de Paris, l'existence de 24 formes d'une peroxydase (une enzyme permettant l'oxydation) particulièrement efficace dans la dégradation des acides humiques, là où les champignons xylophages n'en présentent qu'une seule.
Ces résultats, publiés dans la revue Pnas, permettent de mieux comprendre comment les champignons décomposeurs du bois et d'humus, en agissant de concert, jouent un rôle écologique majeur et assurent le recyclage du carbone dans l'environnement. Ces travaux confirment également le lien entre la niche écologique de ces champignons et leur patrimoine génétique.
Par ailleurs, les scientifiques ont identifié un ensemble de facteurs génétiques contrôlant la croissance et la formation du champignon de Paris. Ouvrant la voie à de nouvelles améliorations génétiques de cette espèce, ces résultats aboutiront à la sélection de nouvelles souches pour la filière agroalimentaire.