Le crachat de coucou ou de crapaud, ou l'écume printanière
Publié le 26 Mai 2018
Le crachat de coucou ou de crapaud, ou l'écume printanière
Ce sont les noms donnés à ce petit mystère qui réapparait à chaque printemps dans les prairies.
D’où cela vient ?
Pour quoi faire ?
Chez toutes les plantes ?
Qui en est l’auteur ?
1/ D’où cela vient ?
Cette écume n’est pas juste une piqûre sur les plantes. C'est un composant secrété par des insectes piqueurs qui aspirent la sève brute montante des plantes. Les insectes, en général leurs larves, fabriquent cette mousse avec les glandes salivaires de l'abdomen , tergites VII et VIII. Ils incorporent par un système de canaux, au liquide beaucoup d'air et des agents tensio-actifs. Ils rejettent l'excédent par l'anus sous forme de bulles qui produisent cette écume. Quelques milligrammes de ces agents suffisent à former avec l’eau un film résistant autour de poches d’air.
La mousse de nos shampoings est produite par le même phénomène avec des tensio-actifs d'origine chimique.
Les noms communs donnés indiquent la période de l’année où ils sont le plus visibles, au moment du retour du Coucou de l’Afrique équatoriale ou du Sud et à la période de ponte des crapauds.
Si vous regardez à la loupe vous constaterez comme moi, que l’alignement des bulles est quasi géométrique.
Les bulles sont alignées les unes derrière les autres et forment une pyramide comme si elles entouraient la tombe d’un pharaon ! La comparaison n’est pas au hasard.
2/ Pour quoi faire ?
Les scientifiques ont longuement réfléchi pour identifier l’utilité de ces sécrétions.
La première raison serait la protection vis à vue des prédateurs. Les larves sont dissimulées dans ces bulles et restent invisibles à la manière du pharaon. La composition de cette mousse et son goût amer est aussi un répulsif pour ses prédateurs.
Cette écume riche en air assure la protection thermique à la manière d’un isolant du froid et du chaud, comme la laine de verre ou l’ouate de cellulose des larves. Il assure un contrôle permanent et homogène de l’humidité. Sans cette mousse la larve se déshydraterait rapidement et ne pourrait survivre.
Larves de cercopidae(Philaenus spumarius) productrices de crachat de coucou (taille réelle moins de 1 mm)
3/ Quelles plantes sont concernées :
D’après les photos jointes à cet article, vous verrez qu’il existe de nombreuses plantes sauvages concernées. Ainsi dans les prairies fleuries, la petite sanguisorbe, la sauge des prés, la marguerite, au bord des chemins, les genêts, sont couramment habités par les larves qui fabriquent du « crachat de coucou ».
Dans le jardin, les chrysanthèmes, dahlia et fuchsia par exemple sont concernés. Cette liste est loin d’être complète. Même les plantes emblématiques comme ses majestés les orchidées, doivent subir les piqûres de ces larves.
‑Les plantes ne subissent pas de conséquences fâcheuses et directes pour leur développement avec ces piqûres excepté quelques cas. Par contre les insectes piqueurs sont de bons vecteurs de maladies végétales microscopiques de type mycologique, bactérienne ou virale. Ils les transmettent de par leur mode d’alimentation à de nombreux individus rapidement au sein des tiges, par les vaisseaux conducteurs de sève.
4/ Fin de l’enquête. Mais qui en est l’auteur ?
La plupart des « fabricants » de crachats de coucou sont des cercopes, insectes proches des Cicadelles et des insectes piqueurs comme la Cigale (Cicadomorphe ordre des hémiptères ).
Voir la photo de l’un d’eux sans doute un cercope à confirmer, si c’est faisable sur cette photo. Comme je n'ai pas réussi à l'identifier avec certitude, vous avez échappé à un quiz sur cette mini bestiole de 0.5 ou 1 mm. Ils restent observables avec une bonne loupe grossissement X 10 sur tous les crachats de coucou.
Pour les spécialistes, mais cela devient compliqué pour moi, il existe des espèces chez les Aphrophoridae, Clastropteridae qui ressemblent aux cigales, des Epipygidae, cigales de zones néotropicales et des Machaerodidea, des cigales avec une énorme corne sur le dos très spectaculaire.
Attardons nous sur les cercopes, les plus courants chez nous avec des espèces comme le Cercope des prés , Philaenus spumarius, (à noter que spumarius vient de « spumar », l’écume, la mousse) et le Cercope sanguin, Cercopis vulnerata.
Leur particularité commune est que les adultes sont des insectes sauteurs capables de performances supérieures aux puces pourtant bien connues pour cela.‑
Ils peuvent sauter plusieurs dizaines de fois leur hauteur et donc piquer une herbe puis sauter rapidement sur la suivante.
Nombre d'entre eux ont une couleur aposématique mot compliqué qui signifie que les animaux ont des couleurs criardes ou d'avertissement pour prévenir les éventuels prédateurs de leur toxicité ou leur faire croire à une toxicité:
‑- couleur jaune vif avec rayures imitant les guêpes (les syrphes en sont un bon exemple)
‑- couleur rouge foncé ou orange avec points noirs très visibles pour les coccinelles par exemple..
C'est aussi le cas de serpents venimeux ou de crapauds eux vraiment toxiques.
Ici, les insectes avertissent le prédateur que s'il s'en prend à lui il va lui projeter de l'écume écœurante ou toxique. Certains animaux ont des couleurs évidemment fictives pour leurrer le prédateur telles les caméras de surveillance fictives souvent installées car moins chères que les vraies. La nature ne nous a pas attendus pour faire des économies et consacrer ses ressources à l’essentiel de sa biologie, sa reproduction.
Texte et photos Roland Gissinger (Anab)
identification larves : Martine Devondel