Les services rendus par la forêt : source ou puits de carbone (rapport INRA chap 1/4)

Publié le 23 Juin 2018

Document publié par l'INRA  Les forêts de demain

Pour plus d 'informations voir le site de l'INRA :
https://appgeodb.nancy.inra.fr/biljou/fr/fiche/forets-et-eau


« Maintenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en-dessous des 2°C par rapport aux niveaux préindustriels ». Voilà à quoi se sont engagées les 196 délégations participant à la COP21, en décembre 2015. Si l’accord de Paris est historique et ambitieux, il ne doit pas masquer uneréalité alarmante : même limitée à seulement 2°C, cette hausse va nécessiter de profondes modifications de la gestion sylvicole.

Le changement climatique bouleverse le fonctionnement de l’arbre et de la forêt. Si certains de ses effets se révèlent parfois bénéfiques, il risque de causer des dommages importants. A quoi ressembleront les forêts en 2050 ? Quelles sont les essences les mieux adaptées à un environnement donné ?
Dans ce contexte climatique, comment se prémunir des risques qu’il s’agisse des bio-agresseurs ou des sécheresses à venir ? Quelles sont les options pour les sylviculteurs ? Quelles ressources génétiques pour les forêts de demain ? Mais aussi : comment la sylviculture peut-elle participer à l’atténuation du changement climatique ?

Tour de mesuredes échanges entre l’atmosphère et la forêt. (57), site géré par l’INRA-Nancy

Tour de mesuredes échanges entre l’atmosphère et la forêt. (57), site géré par l’INRA-Nancy

Les forêts et le changement climatique

Un hectare d’une belle forêt de hêtres telle qu’on en trouve en Lorraine absorbe environ chaque année le carbone qu’émet une voiture qui roule pendant 40 000 kilomètres. C’est dire si les forêts sont des alliées précieuses dans la lutte contre le changement climatique. A elles seules en effet, elles stockent à moyen terme plus de la moitié du carbone des terres émergées.
Voilà pourquoi les chercheurs de l’Inra s’attachent à comprendre la dynamique de ces éléments clés pour le bon fonctionnement de la planète.
Ils tentent notamment d’identifier les facteurs qui peuvent augmenter ou diminuer la capacité des arbres à séquestrer le dioxyde de carbone (CO 2 ), ce gaz à effet de serre si connu. Et de savoir si le changement climatique rend les arbres plus vulnérables.

anénomètre et appareil demesure du flux de sève
anénomètre et appareil demesure du flux de sève

anénomètre et appareil demesure du flux de sève

Une tour pour mesurer les flux de carbone
La forêt de Hesse, en Moselle, est une magnifique hêtraie de plus de 50 ans. Une tour dépasse la canopée : c’est là que les scientifiques de l’Inra ont disposé leurs instruments pour mesurer les flux de carbone entre la forêt et l’atmosphère. Depuis 1996, ils mesurent ces échanges en continu afin de mieux appréhender les variables qui déterminent la capacité de la forêt à absorber le CO 2 et donc, à limiter l’impact de nos émissions. Pour cela, les chercheurs enregistrent de nombreuses données climatiques, comme l’humidité de l’air et du sol, ou l’état du feuillage des arbres. Cette installation fait partie du réseau européen Integrated Carbon Observation System (ICOS) qui vise à comprendre, à de grandes échelles, le cycle des gaz à effet de serre, tant au niveau des océans que des terres émergées.

La forêt de Font-Blanche à la loupe 
Composée de pins d’Alep et de chênes verts, la forêt de Font-Blanche dans les Bouches-du- Rhône, est un excellent exemple de forêt mélangée méditerranéenne. Et les chercheurs de l’Inra y ont installé leurs instruments. Ils mesurent, entre autres, les échanges de CO 2 et d’eau entre la forêt et l’atmosphère, les flux de sève, la transpiration des feuilles, ou bien encore la respiration des sols. Les scientifiques ont ainsi mesuré l’impact du stress hydrique exceptionnellement intense au cours de l’été 2015. 


 

Quand la forêt émet du carbone 

Et voilà qu’une sécheresse s’abat sur la forêt. Pour éviter de se déshydrater, les feuilles ferment leurs stomates, ces pores par lesquels elles transpirent. Mais ce faisant, elles cessent d’absorber du CO 2 . Elles n’en continuent pas moins de respirer et donc de produire du CO 2 . Ainsi, lorsque les pluies font durablement défaut, la fonction de puits de carbone de la forêt est gravement perturbée. Au point que certaines forêts, notamment celles du Nord de l’Europe ou les forêts tropicales, peuvent devenir temporairement des émettrices nettes de CO 2 lors d’une sécheresse prolongée. D’autres causes peuvent faire de la forêt une source de gaz à effet de serre. Les assauts d’insectes (surtout les herbivores qui s’attaquent au feuillage) réduisent considérablement les capacités d’absorption d’une forêt. Quant aux incendies, ils peuvent envoyer dans l’atmosphère en quelques heures, tout le CO 2 qu’une forêt a patiemment accumulé au fil des décennies

Grossir et prendre du poids chez les arbres 
Grossir et prendre du poids, ce n’est pas la même chose chez les arbres. Paradoxalement, ces deux processus ne se déroulent pas tout à fait en même temps. Tout d’abord, le tronc grossit en taille grâce à la production et à l’expansion de nouvelles cellules. Ce n’est qu’ensuite que l’arbre s’alourdit : la paroi des cellules accumule de la cellulose et de la lignine qui leur donnent leur densité et leur résistance mécanique. Entre les deux phénomènes, il peut s’écouler jusqu’à un mois. Ces résultats, obtenus par une équipe internationale impliquant l’Inra, montrent que sur de courtes périodes, on ne peut pas déduire la productivité des forêts en mesurant la variation du diamètre des troncs. Ils suggèrent aussi que le changement climatique pourrait modifier le décalage entre la croissance en taille et l’augmentation de la biomasse, ce qui pourrait affecter la fixation du carbone par les forêts

Taillis à courte rotation : une source de biomasse à optimiser 
Première source d’énergie renouvelable en France, le bois a encore de beaux jours devant lui. En effet, la même quantité de CO 2 capturée par les arbres est émise dans l’atmosphère lors de sa combustion. Résultat : un bilan carbone bien plus favorable que celui des énergies fossiles. Et les accords de la COP21 devraient contribuer à dynamiser encore plus la filière. L’une des sources de bois-énergie qui semble promise à un bel avenir est celle issue des taillis à courte rotation (TCR). Entre sylviculture et agriculture, les TCR consistent à planter des arbres à croissance rapide qui seront récoltés tous les 7 ou 8 ans, voire 2 ou 3 ans pour les très courtes rotations. Cette production ultrarapide de bois permet de valoriser des terrains peu aptes à l’agriculture.
Des TCR sans épuiser les sols ni la ressource en eau Deux problèmes jouent encore contre les taillis à courte rotation : ils consomment beaucoup d’eau et ils peuvent appauvrir les sols. Les chercheurs de l’Inra planchent sur des solutions. L’une des pistes est d’identifier et de sélectionner les variétés d’arbres les plus efficientes dans l’utilisation de l’eau et des nutriments. Autre voie à l’étude : associer les TCR à la culture de légumineuses fourragères comme le trèfle ou la luzerne. Ces dernières, grâce à une symbiose avec des bactéries, ont la propriété de fixer l’azote de l’air, et donc, d’enrichir les sols en ce nutriment. 


 

Les services écosystémiques rendus par les forêts ? 
Apparue dans les années 1970 et placée sur le devant de la scène internationale lors de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (Millenium Ecosystem Assessment) dans les années 2000, la notion « service écosystémique » - bénéfices fournis par les écosystèmes à l’humanité - interroge le rôle et la place de l’homme dans les écosystèmes, ainsi que sur les relations réciproques entre société et écosystèmes ou socio-écosystèmes. Ces services sont souvent divisés en quatre catégories : services d’approvisionnement (aliments, eau douce, bois matériau, bois de feu, fibres, produits biochimiques, ressources génétiques...) ; services de régulation (régulation du climat, purification de l’eau, pollinisation) ; services culturels (loisirs et écotourisme...) ou encore services de soutien aux conditions favorables à la vie sur Terre (cycle des éléments nutritifs, cycle du carbone) qui sont par ailleurs nécessaires à la production de tous les autres services. La biodiversité a des effets directs ou indirects sur de nombreux services écosystémiques.


Les plus grands stockeurs de carbone d’Amazonie 
En Amazonie, la contribution à l’atténuation du changement climatique de chacune des 16 000 espèces d’arbres différentes qui y vivent, est très inégale. Seules 200 d’entre elles contribuent à la moitié de l’augmentation de la biomasse et du stockage du carbone de la forêt. C’est l’un des résultats publiés par Rainfor, un réseau scientifique européen et sud-américain auquel participe l’Inra qui tente notamment de mieux évaluer les flux de carbone entre l’atmosphère et la forêt amazonienne. Ces travaux pourront aider les scientifiques à prédire le comportement des forêts humides tropicales dans le contexte du réchauffement global




 

Rédigé par ANAB

Publié dans #Changement climatique

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G
alors vive l'inra!!!
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M
Merci pour ce bel article. Clair, précis en un mot bien intéressant :)
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R
Merci de ton commentaire Martineke. L'Inra fait des recherches intéressantes dans ce domaine, 3 autres chapitres suivent