Les Libellules: leur cycle de vie terrestre Episode 2 sur 4

Publié le 29 Juillet 2018

Les Libellules : les Observer, les Identifier et les Préserver en 4 épisodes:

Les Libellules Episode 1/4 : leurs habitats et cycle de vie aquatique

Libellules Episode 2/4 Cycle de Vie Terrestre

Libellules Episode 3/4 -Méthodes d'Observation et d'Identification des espèces

Libellules Episode 4/4 -Protection, Conservation des Zones Humides

Nous avons vu dans le premier épisode le cycle aquatique des libellules ou odonates.
A présent voyons comment ces insectes passent de la vie aquatique à la vie terrestre et comment ils se reproduisent.

L'émergence

La nymphe, qui est sortie du milieu liquide en grimpant sur un support adéquat, souvent une structure végétale verticale, débute maintenant sa métamorphose.
Elle est de type hémimétabole. Cela signifie que le milieu de vie des larves est différent de celui des adultes.

Le but est de se débarrasser de la peau de chitine qui l’emprisonne pour devenir un acrobate aérien. Cette phase d’émergence dure peu de temps chez les demoiselles et en général plusieurs heures pour les Anisoptères, les grosses libellules.

Certaines espèces ont une synchronisation de l' émergence, et sont dites « espèces printanières ». Toutes ou presque sortent de leur métamorphose en même temps.

Normalement les odonates cherchent une tige inclinée vers l’arrière et cachée pour s'accrocher.

L' enveloppe de la larve se fend derrière les yeux au niveau du dos.

Un Anax Empereur commence à sortir de son enveloppe larvaire. Photo Hans BLUM (Anab)

Le thorax(avec pieds et ailes) de la libellule sort doucement de son ancienne enveloppe corporelle, puis la tête et finalement l' abdomen. Courbé le dos en avant, accrochée avec les pieds sur l'ancienne peau, la libellule a une position permettant l'expansion du corps et le durcissement des ailes. La couleur de l'ensemble est encore neutre et pâle.

L'Anax Empereur a quitté l'ancienne peau ou exuvie. Photo Hans BLUM (Anab)

A la fin, quand son corps est bien allongé, les ailes bien dures, la libellule les ouvre et s'envole. Il est aussi facile d’observer que la couleur des ailes a changé. Les nombreuses nervures et dessins de l’aile sont devenus bruns ou noirs. Ce premier vol est dit « vol imaginal ».

Le corps encore translucide, mais déjà des couleurs, les ailes sechées et ouvertes pour le vol imaginal . Photo Hans BLUM (Anab)

La cuticule, ancienne peau, qui reste sur la tige, est dénommée « exuvie ». L’exuvie est très importante pour déterminer les espèces sur un site (voir épisode 4).
Les naturalistes et experts récupèrent précieusement les exuvies sur les bords des ruisseaux et étendues d’eau pour confirmer la présence sur un site d’une espèce de libellules très mobile, peu visible ou rare. L’identification de la libellule immature, juste éclose, est rarement possible.
Ses couleurs en particulier vont encore changer. Les adultes ont à l’inverse des couleurs relativement stables, ce qui facilite leur identification par les observateurs.

L'exuvie est abandonnée. Photo Hans BLUM (Anab)

La Maturation

Avec le vol imaginal commence la phase de maturation. La libellule s'éloigne du courant ou du plan d'eau. C'est plus ou moins loin, cela dure de plusieurs jours à quelques semaines selon l'espèce. Sortie de sa vie aquatique, et arrivée dans le milieu terrestre, la libellule ne chasse plus des larves aquatiques mais chasse en vol des insectes volants, mouches, moucherons, moustiques et araignées.

La chasse démarre du plein vol pour les espèces dites « patrouilleuses » .
Pour les espèces dites « percheuses», qui ont l’habitude de surveiller depuis un brin d’herbe ou une branche leur territoire, la chasse démarre depuis le perchoir.

La maturation n'est pas une modification de taille. La taille ne change plus après la métamorphose. La maturité sexuelle inclut le développement des couleurs et motifs visibles. Leur visibilité joue un rôle très important pour que les deux sexes d'une espèce puissent se rencontrer en vue de leur reproduction. La vue étant un sens particulièrement développé chez les « libellules », les parures colorées permettent aux mâles de se faire remarquer par leurs congénères.

La libellule après avoir terminé sa maturation sexuelle, revient à l'eau.

La Reproduction

L'Accouplement

Ce sont tout d'abord les mâles, sexuellement matures, qui arrivent dans les milieux aquatiques.

Souvent ils choisissent un territoire, où ils chassent et patrouillent. Ce terrain est défendu contre toute intrusion. Les couleurs et taches du mâle, fonctionnant comme indices pour les femelles de passage, entrent en jeu pour la séduction sexuelle.

Dès que une femelle arrive sur le site, elle est capturée. Le mâle l'attrape par la tête ou au niveau du thorax, selon l'espèce, grâce à des pinces appelées « cerques abdominaux ». Chaque espèce a son propre système d'accroche.

La femelle recourbe l'extrémité de son abdomen vers l'avant pour que la pièce copulatrice, se trouvant sur le 9ième segment, puisse entrer en contact avec l'organe génital secondaire du mâle, placé sur son deuxième segment abdominal.

Cette méthode, unique dans le monde du vivant, est appelée le cœur copulatoire en raison de sa forme en coeur ou roue d'accouplement et sert au transfert du sperme.

Ce cœur copulatoire se forme en plein vol, chez les libellulidés ou sur terre, par exemple chez les agrions, les sympetrums et les orthetrums.

Coeur copulatoire chez un couple d'Anisoptères(ici Orthetrum coerulescens) . Photo Hans BLUM (Anab)

Coeur copulatoire d'un couple de zygoptères(ici Calopteryx haemorroidalis) . Photo Hans BLUM (Anab)

Mâles et femelles s'accouplent avec de nombreux partenaires différents pendant leur courte vie d'adulte,

La Ponte

Après l'accouplement la ponte intervient rapidement. Il existe une grande diversité de méthodes de ponte chez les libellules. On peut distinguer :

-la ponte endophytique : les œufs fertilisés sont déposés dans des végétaux morts ou vivants, qui flottent ou bien sont immergées dans l'eau.

-la ponte exophytique : les œufs sont jetés en vol dans l'eau au hasard ailleurs que sur une structure végétale.

Chez beaucoup de libellulidés la femelle relâche les œufs en tapotant la surface de l'eau avec la pointe de l'abdomen.

La ponte peut se faire par la femelle seule (ex. Anax empereur), en accompagnement du mâle en tandem (les agrions) ou en gardiennage par le mâle, qui surveille et protège la ponte (ex. Orthetrum).

Avec l'oeuf fécondé durant la ponte, le cycle de vie de la libellule recommence.

Ponte seule par la femelle d'Anax Imperator et en tandem chez Coenagrion puella. Photo Hans BLUM (Anab)

Beaucoup des comportements observés pendant l'émergence et dans la phase de reproduction, donnent des informations clés pour l'identification des espèces, dont nous allons vous parler au cours de l’épisode 3.

Textes et photos de Hans BLUM (Anab)