Tous les oiseaux du monde sur un seul arbre !
Publié le 12 Octobre 2018
Paru sur science étonnante
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s’agit de la plus grosse étude scientifique jamais entreprise sur les oiseaux. Elle est le fruit d’une collaboration entre près de 80 laboratoires de recherche, qui ont réalisé le séquençage du génome de 48 espèces d’oiseaux, parmi les 10 000 que l’on connait actuellement.
Parmi les nombreux résultats de cette étude (une vingtaine de publications au total), l’une des plus importante concerne la reconstitution de l’équivalent de l’arbre généalogique des oiseaux. A partir des génomes et au prix de calculs ayant demandé un total de 300 ans de processeur, il est en effet possible de préciser les relations de parenté entre les différentes espèces, et même de dater dans une certaine mesure les divergences entre les différentes lignées.
Comme je suis sympa, je vous ai redessiné l’arbre à partir de données publiées dans Science [1], vous pouvez cliquer pour le voir en plus grand.
Sur chaque branche ne figure qu’un représentant typique de chaque groupe, en général l’espèce séquencée dans l’étude. Mais par exemple ici « Moineau » désigne en fait le sous-ordre des Oscines, qui comprend à lui seul près de 4000 espèces dont le corbeau, l’oiseau-lyre, etc.)
Ce nouvel arbre apporte plusieurs enseignements remarquables, qui contredisent notamment certaines théories que l’on a pu faire en se basant uniquement sur des critères morphologiques. On voit dans cet arbre que les autruches sont les oiseaux qui ont divergé le plus tôt des autres, ce qui est peu surprenant; mais aussi que les poules et autre canards sont aussi un groupe bien distinct. Plus amusant, on voit que le flamant rose est assez proche de la colombe et du pigeon, plus qu’il ne l’est par exemple du pélican.
Comme cet arbre permet de dater les divergences, on en apprend aussi beaucoup sur l’histoire de l’évolution des oiseaux. J’ai déjà eu l’occasion d’en parler dans un billet, nous savions déjà que les oiseaux sont des descendants des dinosaures. Mais on sait maintenant mieux comment les différentes espèces se sont construites. En particulier l’arbre ci-dessus révèle qu’un « big-bang » de diversité s’est produit juste après la catastrophe qui fut à l’origine de l’extinction des dinosaures, il y a environ 65 millions d’années. Vous pouvez voir sur l’arbre que c’est autour de cette période que se produisent la majorité des diversifications. La quasi-totalité des groupes se sont constitués entre -65 et -50 millions d’années.
Les résultats du consortium ont permis également de dater assez précisément le moment où les oiseaux avaient perdu leurs dents dinosauriennes : vers 116 millions d’années. Enfin l’arbre ci-dessus montre que l’émergence de la vocalisation chez les oiseaux avait eu lieu au moins deux fois de manière indépendante (chez tous les oiseaux situés en haut de l’arbre, ainsi que chez le colibri), et que celle-ci fait intervenir des gènes qui sont très proches de ceux que l’on retrouve chez l’être humain. Comme quoi étudier les oiseaux pourrait peut-être nous apprendre un peu sur notre propre langage !
1] E.D. Jarvis et al. « Whole-genome analyses resolve early branches in the tree of life of modern birds » Science 12 December 2014: Vol. 346 no. 6215 pp. 1320-133