Les Libellules: Comment protéger les Libellules, conserver les Zones Humides ? Episode 4 sur 4

Publié le 2 Septembre 2018

Les Libellules: Comment protéger les Libellules, conserver les Zones Humides ?  Episode 4 sur 4



 

Pourquoi protéger les Libellules ?

 

D'après un premier recensement, mené conjointement par le Museum National d'Histoire Naturelle, et le comité français de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature(UICN) en 2016, 12% des 89 espèces de libellules présente en France sont aujourd'hui menacées de disparition.

 

Ce sont alors 11 espèces menacées d'extinction et 13 en risque d'extinction(quasi-menacée).

La liste rouge européenne considère 15 % des espèces d’Odonates menacées d'extinction du fait de la destruction et dégradation des habitats de ces insectes.

 

Accouplement d'Orthétrum brun (Orthetrum brunneum)    Photo  Hans J. BLUM (Anab)

Accouplement d'Orthétrum brun (Orthetrum brunneum) Photo Hans J. BLUM (Anab)

Liste rouge France : les  11 espèces menacées d'extinction et les 13 en risque d'extinction (quasi-menacée).

Liste rouge France : les 11 espèces menacées d'extinction et les 13 en risque d'extinction (quasi-menacée).

Indispensable au développement des larves, le cycle de vie des libellules est absolument lié à la présence d'eau. Le problème est que les zones humides sont en constante régression au niveau mondial.

La diversité des espèces animales et végétales (= leur biodiversité) et la santé des populations constituent un indice du bon fonctionnement des zones humides.

 

Les libellules font partie des écosystèmes aquatiques mais aussi terrestres.

Protéger les libellules n'a pas seulement  pour but de préserver ces beaux insectes des eaux douces pour leur beauté, leurs couleurs et leur grâce ! 

C'est préserver leur rôle dans les écosystèmes, dont elles font partie, par exemple  dans la chaine alimentaire. Les Odonates, dans leur stade larvaire comme en stade adulte sont des prédateurs de moustiques et bien d'autres nuisibles. Ils sont utiles pour la régulation de leurs populations. Les libellules sont à leur tour les proies d'amphibiens comme les grenouilles  et de certains espèces d'oiseaux, leurs larves servent aux poissons comme nourriture.

Etang de Mittersheim Photo  Hans J. BLUM (Anab)

Etang de Mittersheim Photo Hans J. BLUM (Anab)

Assec temporaire  du  Lac de St.Cassien    Photo  Hans J. BLUM (Anab)

Assec temporaire du Lac de St.Cassien Photo Hans J. BLUM (Anab)

Mais surtout, les libellules sont des animaux emblématiques des zones humides. La diversité des espèces en libellules et les cortèges observés dans les différents milieux aquatiques  peuvent être considérés comme des excellents indicateurs de la santé de ces biotopes, on dit même, qu'elles sont des « bio-indicateurs de l'état des milieux humides".

 

 

La Liste Rouge Nationale des Odonates est la base pour l’action  en faveur de la biodiversité odonatologique.

L’objectif principal est de proposer des mesures réalisables pour la conservation et la promotion de la biodiversité. Toutes les espèces de libellules peuvent en profiter, pas seulement celles qui sont très menacées. D’autres organismes liés aux milieux aquatiques en seront également bénéficiaires, comme les oiseaux, les amphibiens, les reptiles, les insectes et d’autres invertébrés mais aussi les plantes aquatiques.

 

Au niveau régional la Liste Rouge d' Odonates d'Alsace de 2014 et l'Atlas préliminaire des Odonates d'Alsace de 2016 contribuent à la connaissance des espèces et de leurs habitats ainsi que des espèces en danger.

 

Pour la Lorraine il existe l'inventaire et  le statut des Libellules de Lorraine de 2002, complété par la parution d'un atlas transfrontalier (incluant la Wallonie, le Luxembourg, la Sarre allemande, le Rhénanie-Palatinat et la Lorraine française), l'Atlas des Libellules de la Grande Région.

Libellule déprimée (Libellula depressa)  et Libellule à quatre taches (Libellula  quadrimaculata ) Photo  Hans J. BLUM (Anab)

Libellule déprimée (Libellula depressa) et Libellule à quatre taches (Libellula quadrimaculata ) Photo Hans J. BLUM (Anab)

Le PNAO (Plan national d'actions en faveur des Odonates)

 

Les espèces particulièrement menacées bénéficient aujourd'hui d'un statut de protection qui donne lieu à un Plan National d'Actions (PNA) pour leur conservation.

Les objectifs du PNA sont l'acquisition des données quantitatives et qualitatives sur l'état de conservation des espèces de la liste rouge nationale et l'amélioration de l'état de conservation de ces espèces et leurs habitats. Ce plan est décliné régionalement et intègre des espèces localement menacées.

 

C'est dans le cadre du PNA que le Museum National d'Histoire Naturelle, avec d'autres organismes de conservation, a lancé le  Suivi Temporel des Libellules

STELI.
Il est basé sur un protocole simple. L’observateur répète l’inventaire des odonates à intervalles réguliers sur une petite surface d’un site qu'il a choisi. C’est comparable au réseau STOC pour les oiseaux. Ce type de  programme de sciences participatives a pour objectif le suivi de l'évolution des populations des différentes espèces d'Odonates en France.

 

La documentation c'est-à-dire,  l'inventaire et le suivi,  sont importants pour évaluer les tendances à long terme. Le nombre d'individus peut varier de manière importante d'une année à l'autre,  comme pour beaucoup d'insectes,
-en fonction des conditions météorologiques,
- l'assèchement des petits plans d'eau par périodes de sécheresse prolongée,
-le mauvais temps en période d'émergence.

 

Dans le cas des libellules, la protection des espèces se concentre surtout sur la protection des habitats, et donc à l’entretien et la conservation des cours et plans d’eau dans lesquels leurs larves se développent.
Comme déjà mentionné, les libellules sont des animaux emblématiques des zones humides. Protéger les libellules, c'est conserver et améliorer les zones humides. Toutes les mesures entreprises dans ce contexte ont un effet positif sur la globalité de la flore et de la faune liées aux  zones humides.

Les zones humides sont par définition des zones d'eaux naturelles ou artificielles, courantes ou stagnantes, permanentes ou temporaires.  Elles fournissent des services essentiels et toute notre eau douce. Elles font l'objet d'une convention internationale : la convention de Ramsar, initiée en 1971 en  Iran. Celle-ci précise les modalités de  conservation et l'utilisation des ressources. Les mesures de préservation mises en place aux échelles européenne (Directive cadre sur l'eau, Directives oiseaux et Habitats Faune Flore) et nationales (loi sur l'eau et plan d'actions zones humides)  sont dérivées de la convention mondiale Ramsar.

Ruisseau ensoleillé  et source, exemples de  deux milieux favorables aux odonates  -Photos  Hans J. BLUM (Anab)
Ruisseau ensoleillé  et source, exemples de  deux milieux favorables aux odonates  -Photos  Hans J. BLUM (Anab)

Ruisseau ensoleillé et source, exemples de deux milieux favorables aux odonates -Photos Hans J. BLUM (Anab)

Menaces pesant sur les Libellules

 

Si les connaissances sur les Libellules et particulièrement de leurs habitats est le premier axe du PNA , il faut ensuite  évaluer les menaces qui pèsent sur ces habitats.

 

Les zones humides continentales jouent un rôle écologique essentiel, elles abritent une riche biodiversité. En France les zones humides accueillent 25 % de la biodiversité animale et végétale pour moins de 5% de la surface du territoire, dont bon nombre d'espèces menacées ou en voie de disparition. Ce sont surtout les mares et étangs et les réseaux qu'ils constituent collectivement qui abritent cette biodiversité. Elle est souvent plus riche que celle présente dans les eaux courantes ou les lacs.

 

Les menaces pesant sur les zones humides sont nombreuses et la plupart sont  liées aux activités humaines. Identifions les causes les plus importantes :

-  durant le dernier siècle les zones humides en France ont perdu la moitié de leur surface par drainage, assèchement, comblement pour mise en culture, urbanisation zones commerciales, industrielles ou pavillonnaires.


- divers aménagements comme, le dragage, la canalisation, l'endiguement, la régularisation des cours d’eau, le recalibrage des cours d'eau, la construction de barrages.


- la pollution (industrie, stations d'épuration, pesticides de l'agriculture intensive, eutrophisation par des nitrates et phosphates des engrais de l'agriculture et viticulture intensives ou par modification des plans d'eau pour une utilisation piscicole ,

- l'introduction d'espèces invasives(écrevisses),
-  le changement  climatique et d'autres…

 Caloptéryx occitan (Calopteryx xanthostoma)  et Leste vert ( Lestes viridis)       Photo  Hans J. BLUM (Anab)

Caloptéryx occitan (Calopteryx xanthostoma) et Leste vert ( Lestes viridis) Photo Hans J. BLUM (Anab)

Les actions à proposer

 

Le PNAO est décliné pour les régions dans un PRAO ou  Plan régional.

 

Les possibilités d’actions sont multiples : entretien des étangs et des mares, élimination des déchets de coupes voire des ordures qui jalonnent un ruisseau forestier, financement et prise en charge conjointe de projets de génie hydrauliques, acquisition de terrain et autres.

 

Le PNAO et le PRAO donnent des moyens à la préservation des Odonates directement.

Mais  la conservation des Odonates  est à intégrer dans les systèmes et organisations  de préservation de la biodiversité
-  la Trame Verte et Bleue)  ,

- ONB l’Observatoire National de la Biodiversité, ,
- les SRCE Schémas Régionaux de Cohérence Ecologique
,
- les SCAP Stratégie de Création des Aires Protégées,
- le réseau Natura 2000,
- les Réserves nationales /régionales, les Parcs nationaux,  régionaux etc….

Si vous ne connaissez pas ces systèmes, cliquez sur les liens et  vous accéderez aux sites de documentation. Vous  verrez qu’ils fourmillent d’informations denses et intéressantes sur la  Nature en France.

 

Tous les milieux aquatiques et humides jouent un rôle dans le fonctionnement hydraulique du bassin versant. Ils abritent une importante biodiversité, composée d'espèces communes, «  les généralistes » et d'espèces remarquables dites « les spécialistes ». Ce sont souvent elles  qui sont très sensibles aux pollutions et aux diverses dégradations des milieux. Dans ce cas elles sont désignées comme étant des « bio-indicateurs », en fait des révélateurs de la bonne bio-diversité si elles sont présentes ou mauvaise bio-diversité,  si absentes..

C'est pour cela que aussi les services de l'eau, comme l’ONEMA, et les Agences de Bassin  sont engagés dans la protection et restauration des milieux aquatiques.


Pour terminer ce petit voyage chez les libellules, les zones humides et la biodiversité, j’aurais pu  décrire les habitats des libellules et les menaces possibles en détail. J'ai préféré  vous présenter, à vous les naturalistes et les personnes sensibles à l’environnement, le cadre juridique et l'existence des organisations et cadres juridiques  déjà existants pour protéger ces insectes emblématiques que sont les libellules.

 

Crocothémis écarlate (Crocothemis erythraea)  Photo  Hans J. BLUM (Anab)

Crocothémis écarlate (Crocothemis erythraea) Photo Hans J. BLUM (Anab)

On protège plus facilement, ce qu'on connait.
 

Suivez l’exemple de notre collègue  Gilles selon son  commentaire sur les épisodes des libellules.
Donnez-vous comme objectif  de découvrir les libellules, de les identifier et de leur  donner un nom à l’aide de collègues déjà connaisseurs ou / et à l’aide des ouvrages proposés.
Démarrez cette recherche par  une espèce commune dans votre secteur.

Si l'un de vous  est encore plus motivé par la découverte des libellules, il peut  devenir  observateur pour l'inventaire des libellules et participer à tout type d’engagement local ou régional sur les  libellules ou  même remplacer chez lui un gazon de jardin par une mare de jardin.

 



Textes, photos et bibliographie de Hans J. BLUM (Anab)




 

Rédigé par ANAB

Publié dans #Insectes de chez nous

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
Merci Roland pour votre réponse; je prends contact d'ici 1 à 3 jours maxi , ayant encore un examen à passer et un déménagement à terminer . Même si je ne suis pas directement concerné , ce type d'enjeu majeur me tient à coeur et même si je devais y laisser des plumes je ne lâcherais pas cette affaire espérant dire bientôt "nous" . Dès la fin de l'hiver je m'en suis ouvert à Jean-Marie Brohm qui a de suite alerté des connaissances sur La Petite Pierre etc . Donc à très bientôt , merci !
Répondre
J
Pour une Libellule il y a de quoi être déprimée... (Libellula depressa; Sympetrum depressiusculum...)
Répondre
H
Bonjour jc L.,<br /> <br /> je suppose que c'est une question.<br /> Pour L. depressa la réponse: la libellule déprimée a un abdomen à la fois court, plat et très large par rapport à la plupart des libellules.
R
A la lecture de ces articles je suis épaté par la richesse de ces articles sur les libellules. Les photos sont aussi d'excellente qualité et les schémas pédagogiques. <br /> Je ne peux que vous encourager à les lire tous et à commencer de suite les recherches et identifications de ces beaux insectes. Cette semaine j'ai vu une grosse libellule et des petites ( zygop.) dans mon jardin alors que je suis à plus de 1 km de la Sarre.<br /> La saison n'est pas terminée.<br /> <br /> Merci beaucoup Hans.
Répondre
J
Bonjour , je reposte le texte du 21 Aout : ".., à propos de "catastrophe écologique" je voudrais rebondir sur une autre qui est entrain de se préparer et celle-là est très proche de chez nous : l' ONF , la SDEA et d'autres agences officielles (ONCS) se sont entendus pour assécher plusieurs très beaux étangs de la région de la Petite Pierre , sous couvert d'une loi sur l'eau émanent du gouvernement Bachelot ! - Ainsi celui du Domaine du Moulin d'Eschbourg est déjà prévu pour octobre ! Circa 3 Hectares. Alors que l'on parle de protection de ces zônes humides , de leur régulation des températures en fond de vallée je trouve qu'il faudra s'opposer vivement et fermement à ces agissements . Je pense saisir Alsace Nature et si possible d'autres acteurs du secteur; qu'en pensez-vous? NB : dans l'étang d'Eschbourg existe d'ailleurs une algue endémique rarissime , documentée par les savants depuis le milieu du xIx è siècle et elle n'existe que là , et un peu plus bas au "Hammerweier" et dans qq rares lacs du Maine ! Peut on saisir le tribunal en référé pour un tel cas ? NB : entre temps j'ai aussi pris contact sur place avec les responsables qui luttent contre le problème de la nappe suexploitée par le groupe Nestlé à Vittel et à Contrexeville
Répondre
R
Merci J P de cette alerte. Nous allons essayer de suivre ce sujet bien que n'étant pas tout à fait sur le secteur pour en voir tousles enjeux. Oui, signaler ce sujet à d'autres associations cela ne peut être que plus efficace. Vous pouvez prendre contact par la messagerie pour nous donner plus de détails et mieux démarrer ce suivi.