Les Libellules : Méthodes d'Observation et d'Identification Episode 3 sur 4
Publié le 5 Août 2018
Liens vers les autres épisodes sur les libellules (cliquer)
Les Libellules Episode 1/4 : leurs habitats et cycle de vie aquatique
Libellules Episode 2/4 Cycle de Vie Terrestre
Libellules Episode 3/4 -Méthodes d'Observation et d'Identification des espèces
Libellules Episode 4/4 -Protection, Conservation des Zones Humides
Pour le simple naturaliste passionné c'est souvent le souhait, après une belle promenade à proximité d'un point d'eau, où il a découvert et photographié des libellules, de donner un nom aux belles, alors il faut les identifier avec leur nom d’espèces.
Pour un naturaliste, qui est observateur volontaire et participe à un programme de science participative, comme le STELI (Suivi Temporel des Libellules), la reconnaissance des espèces est nécessaire. Si l'observateur n'est pas déjà un expert en odonatologie, (science des libellules) il doit suivre une formation à l'identification des odonates avant de pouvoir participer.
Après quoi, il devrait être capable d'identifier une exuvie et la libellule adulte après sa capture avec le filet et examen à la loupe. On parle alors d'une identification à la main.
Choix de ne pas capturer les libellules
Je recommande de ne pas capturer ces insectes. Déjà la capture de toutes les espèces protégées est interdite par la loi. Comme il est impossible pour un débutant de savoir si une espèce est protégée ou pas, la méthode décrite ci-dessous qui respecte les espèces, est celle qui convient le mieux.
Ce que nous intéresse, comme naturalistes passionnés, c’est une approche à l'identification des odonates adultes sur le terrain sans capturer les spécimens pour ne pas affecter les populations.
Cette méthode est désignée « détermination visuelle à distance » ou « rapprochée ».
Elle ne nécessite aucun matériel particulier : nos yeux, une paire de jumelles avec un grossissement de 8,5 fois à une distance de 0,5m, un appareil photo pour photographier en macro, un carnet et un crayon sont suffisants pour ce qui concerne l'observation.
Pour l'identification, elle peut se faire sur le terrain, mais souvent c'est au retour à la maison. Après examen des photos et des notes, un guide de référence fiable (livre ou autre support) pour la détermination sera indispensable et permettra de conclure..
Il existe plusieurs sites internet très complets (voir en fin d'article), utiles pour une première approche mais souvent pas suffisants.
Méthodes utilisées pour l'identification :
Elles dépendent de l'ouvrage que possède l'observateur et de ses connaissances (débutant, confirmé, expert) et expériences.
1/Pour le débutant il existe des guides qui présentent une approche par la couleur. On sélectionne la couleur principale, qu'on a observée chez la libellule à déterminer.
Ce classement par couleur permet de chercher visuellement parmi un groupe d'espèces proches présentées. Le lecteur est alors orienté vers les pages d'identification avec tous les caractères illustrés.
2/D'autres livres illustrent les espèces en dessin ou photo avec souvent des tableaux d'orientation des critères qui sont propres à un groupe (sous-ordre, famille, genre). Mais le but principal est la comparaison directe de l'espèce observé avec les illustrations en dessins ou photos.
3/Un troisième type de guide est basé sur des clés de détermination, avec des clés dichotomiques traditionnelles et dessins ou photos. C'est un outil d'identification des espèces. .
L'explication de wikibooks de « clé dichotomique » :
« un outil construit à partir d'une série d'états hautement organisés en couplets. Un « couplet » est constitué habituellement de deux descriptions qui représentent des choix exclusifs (souvent, c'est une combinaison particulière de caractéristiques qui détermine la différence). Les deux choix sont lus et comparés avec le spécimen à identifier.
Une fois que la décision est prise, la sélection vous dirige vers un autre couplet (soit le suivant dans l'ordre ou un autre plus loin dans la clé), et ce processus est répété jusqu'à ce qu'une conclusion (identification réussie) est atteinte. «
Cette méthode d'identification par une clé dichotomique est idéale pour le débutant, car en travaillant avec cette clé, on apprend beaucoup de la classification des odonates.
Finalement : Les bons guides de référence ajoutent au descriptif des espèces les informations sur le comportement, le milieu, la période de vol, la répartition et les confusions possibles avec d'autres espèces. Exemples de guides à la fin de cet article.
Points d'identification d'un zygoptère, ici La Naïade aux yeux bleus (Erythromma lindenii) - Photo Hans J. Blum (Anab)
La Classification des Odonates
L'identification des espèces d'Odonates repose sur une classification morphologique et l'ensemble des guides de détermination est basé sur ces critères morphologiques et colorimétriques.
En Europe, les Odonates sont représentés par deux sous-ordres : les Zygoptères et les Anisoptères. La différenciation est très facile :
Zygoptères aussi appelées demoiselles:
-corps de petite taille et très fine
-les demoiselles replient leurs ailes au-dessus de l'abdomen quand elles sont posées(exception les Lestes)
-les ailes antérieures et postérieures en taille identique
-le vol est léger et papillonnant
-les yeux nettement séparés
Anisoptères (les grosses libellules):
-grand corps trapu et ailes étendues au repos
-les ailes antérieures sont moins larges que les postérieures
-vol rapide et puissant
-les yeux se touchent (sauf les gomphes)
Anisopère, ici une femelle du Sympétrum de Fonscolombe (Sympetrum fonscolombii) - Photo Hans J. Blum (Anab)
En Alsace, il existent 23 espèces de Zygoptères réparties en 4 familles : -les Calopteryx, les Lestes, les Platycnemiidés, les Agrions
et 47 espèces d'Anisoptères réparties en 5 familles :
-les Aeshnes, les Gomphes, les Cordulégastres, les Cordulies, les Libelluliidés
Points d'identification ici, sur le Crocothémis écarlate (Crocothemis erythraea) - Photo Hans J. Blum (Anab)
Les critères d'identification des Odonates
N'importe quel guide de détermination peut être utilisé. Il faut connaître les critères de base d'identification d'une libellule. Les photos de cet épisode vous montrent les critères les plus visibles pour une identification à distance, avec un minimum de jargon pour le non-expert.
Même sur une bonne photo macro prise sur le terrain, on ne voit pas toujours des détails très fins, qui sont seulement visibles avec une loupe. Pour cela, plusieurs photos sont nécessaires avec une vue latérale, dorsale et frontale pour visualiser le maximum des critères d'identification.
La tête
La coloration de la face et des yeux est un élément d'identification pour séparer les genres des Corduliidae, pour déterminer les mâles des Orthetrum et Libellula, ainsi que la plupart des Aeschna. Pour les sympetrum la position et l'étendue du noir sur le front est un critère important de détermination.
Points d'identification latéraux d'un Sympétrum fascié (Sympetrum striolatum ) - Photo Hans J. Blum (Anab)
Le Thorax
Un minimum de vocabulaire technique est nécessaire pour nommer les éléments de différences entre les espèces comme dans toutes les sciences naturalistes.
Il existe des mots précis pour chaque type de plume d’un oiseau..
Ici, plutôt qu’un long discours , se reporter à la photo pour voir quel est l’élément désigné.
Le thorax auquel est rattachée la tête, est la partie centrale du corps avec le prothorax qui porte les pattes antérieures, et le synthorax, où sont attachées les pattes médianes et postérieures ainsi que les deux paires d'ailes.
Les plaques thoraciques et le dessin des sutures latérales sont utiles à l'identification des gomphes, des aeschnes et des sympetrums. Les bandes humérales et antéhumérales servent à l'identification des lestes et agrions.
La coloration des pattes est importante pour distinguer Ceriagrion et Pyrrhosoma ainsi que les espèces du genre sympetrum.
La forme et la structure des ailes ont été utilisées pour établir les clés de détermination des familles et des genres des libellules. Dans les guides les plus techniques, le nombre et la position des nervures portent des noms spécifiques comme 'triangle anal" (variation de forme), "champ discoïdal" etc..
Libellules et Orthetrums peuvent être distingués par la présence/absence, la couleur et l'étendue de la tache basale des ailes et sa forme. La couleur et longueur des petits losanges en bordure des ailes antérieures ou pterostigma sont utiles pour séparer certaines espèces des Orthetrums et lestes.
Morphologie d'un anisopère, ici Gomphe à forceps (Le), Gomphe à pinces (Le)(Onychogomphus forcipatus ) - Photo Hans J. Blum (Anab)
L'Abdomen
L'abdomen, situé en arrière du thorax, est constitué de 10 segments.
La numérotation est souvent reprise dans les guides et le débutant conservera à portée de main un schéma pour voir à quoi correspond chaque numéro.
La répartition du noir et du bleu, le dessin du deuxième segment (S2) et la coloration des segments S8 et S9 jouent un rôle primordial pour l'identification des zygoptères bleus. (voir photo).
Les organes reproducteurs, comme l'appareil copulateur des mâles, situé sous le segment S2 et l'ovipositeur ou les lames vulvaires (présents selon le mode de ponte) des femelles se trouvant sous les segments 8 et 9, sont très utiles pour différencier mâles et femelles en cas de dimorphisme sexuel peu prononcé et sont souvent un critère d'identification des familles, genres et espèces.
L'abdomen se termine par les appendices abdominaux (dénommés cercoïdes, cerques, lame supra-anale selon sexe et sous-ordre) , qui sont très utiles pour l'identifier les espèces, car uniques pour chaque espèce.
Sur les photos prises en but d'une identification, les organes reproducteurs et les appendices abdominaux sont souvent peu visibles en détail. Cela suffit pour terminer la détermination en cas d'un doute pour l'observateur qui réalise l'identification à la main.
Le nombre très réduit d'espèces de libellules par région (69 pour L'Alsace), par rapport à 6000 au niveau mondial, doit nous tous les naturalistes, nous encourager à déterminer ces beaux insectes.
Textes, photos et bibliographie de de Hans J. BLUM (Anab)
Bibliographie :
Guide de type « comparaison directe »
Guide des libellules de France et d'Europe. K.-D.B. Dijkstra, Delachaux et Niestlé, Paris, 2007
Guide « clé dichotomique et photographique »
Cahier d'Identification des Libellules de France, Belgique, Luxembourg et Suisse. Grand D., Boudot J.-P., Doucet G., Biotope, Mèze, 2014
Guide « photographique par couleur »
Libellules de France- Guide photographique des imagos de France métropolitaine par J.-L. Hentz, C. Deliry et C. Bernier, 2011, édité par Gard Nature et le groupe sympetrum
Un site pour approfondir l'anatomie et le cycle de vie :
http://meslibellules.fr/index.php
Un site parfait pour débuter l’identification aux espèces :
http://www.poitou-charentes-nature.asso.fr/identifier-les-libellules-du/
Un glossaire pour les mots techniques
http://meslibellules.fr/pagesweb/divers/glossaire.php
Un site dédié aux confusions possibles :
http://www.snpn.mares-idf.fr/doc/Fiches_Libellules_Total.pdf
Une adresse pour regarder un magnifique documentaire sur les libellules:
https://www.youtube.com/watch?v=dQTnxq5oik4