Compétition entre abeilles domestiques et sauvages
Publié le 11 Novembre 2018
Tout le monde ou presque aime beaucoup, comme moi, le miel. J’ai par ailleurs pratiqué l’apiculture pendant une dizaine d’années et arrêté pour diverses raisons dont le poids des ruches (très élevé). J'apprécie beaucoup ces travailleuses infatigables et fascinantes que sont nos abeilles.
Oui nous aimons le miel alors pourquoi parler de compétition avec les abeilles sauvages ?
1/ Intérêt des abeilles sauvages
C’est Gérard qui m’a envoyé un tiré à part d’article sur ce sujet (merci Gérard encore une fois) dont vous pouvez lire l’original en annexe. Sa fille a travaillé sur ce projet.
Les abeilles domestiques sont importantes certes mais les abeilles sauvages le sont tout autant si ce n’est plus.
Elles font partie de la biodiversité et au contraire des abeilles domestiques, comme Apis mellifera ou Apis cerana il n’existe pas quelques espèces mais des milliers rien qu’en France, toutes bien différentes par leur biologie, leurs formes, leurs habitats, leurs lieux de prédilection…
Certain espaces naturels peuvent en abriter plusieurs centaines d’espèces
Deux chiffres :
- une abeille sauvage, l’osmie visite 4 fois plus de fleurs qu’une abeille domestique pendant le même temps. Elle est sans doute moins efficace pour récolter le nectar et le pollen mais en visitant plus de fleurs elle en pollinisera d'avantage et de nombreuses espèces différentes.
- ces abeilles sauvages sortent butiner quand la température dépasse 12 à 14 °C et peuvent donc visiter les fleurs pendant les périodes froides de début d’année bien avant les abeilles domestiques de nos apiculteurs
Il est donc très important que ces abeilles sauvages dotées de facultés irremplaçables, ne disparaissent pas faute de nourriture - ni avec les prairies fleuries qui disparaissent à toute allure - ni en raison d’une compétition avec les abeilles « agricoles », domestiquées.
2/ Présentation de l’étude de détection de la compétition :
Les apiculteurs fuient les zones agricoles arrosées de pesticides et recherchent des zones naturelles fleuries. Les espaces naturels protégés sont donc des sites idéaux. Le problème est qu’ils sont censés protéger la biodiversité y compris celle de l'entomofaune, et en particulier celle des abeilles sauvages.
Un espace naturel comprend des fleurs diversifiées. Cet ensemble constitue une source de nourriture limitée. Il est probable que si des ruches sont installées en grand nombre dans cet espace, les abeilles sauvages en petit nombre verront leur nourriture habituelle devenir rare. Est-ce démontré? ?
OUI: Une étude a eu lieu dans le Massif de l’Estaque près de Marseille sur une zone de garrigue de 5700 hectares, 3400 étant sous statut d’espace naturel. La ressource principale est le romarin qui fleurit 6 semaines. Les apiculteurs ont 28 ruchers de 10 à 150 ruches !
Les chercheurs sont mesuré sur 60 sites trois fois le nombre de butineuses, mais aussi les quantités de nectar contenues dans le jabot des abeilles et la quantité de pollen retenue dans les brosses à pollen.
3/ Résultats :
Les abeilles domestiques sont 15.4 fois plus observées que les abeilles sauvages.
Les chercheurs identifient 3 zones d’emprise forte autour des ruches : 600, 900 et 1200 mètres.
Dans le rayon le plus restreint autour des ruches, le nombre d’abeilles sauvages diminue de 55%. Cet effet est plus marqué sur les abeilles sauvages naturellement de petite taille. Les plus grandes vont chercher des sources de nourriture à l’opposé des ruches.
La quantité de nectar ramassée par les abeilles sauvages diminue de 44% dans un rayon de 1100 m autour des ruchers et de 36% pour le pollen.
4/ Recommandations des chercheurs (cela ne signifie pas que cela va être fait )
- une distance a été définie (1200 m) d’impact des ruchers sur la faune d’abeilles sauvages
- -des ruchers collés les uns aux autres n’offrent aucune surface libre aux abeilles sauvages (en vert sur le graphe)
- les lieux gérés sous « statut d’espace naturel » selon leur taille devraient pouvoir être exclus de l’apiculture pour protéger leurs populations d’abeilles sauvages et même leur voisinage puisque la zone d’ »influence d’un rucher est de 1200 mètres. Certains espaces sont beaucoup plus petits que 1200 m. Ils protégeraient aussi leur flore originale qui est dépendante des abeilles et sans doute des micro éco-systèmes qui existent tout naturellement entre les abeilles sauvages, leurs prédateurs et leurs parasites.
- revoir les pratiques d’entretien et de fauche pour préserver la flore mellifère des espaces naturels
Résumé –Roland Gissinger (Anab)
Article original en pièce jointe pdf