Des insectes contournent la ligne Maginot (des plantes )
Publié le 27 Novembre 2018
Les plantes évoluées ont développé des défenses de nature physique et chimique pour éviter de se faire manger par des animaux.
L’exemple le plus évident est celui des arbres à épines comme les pruniers sauvages ou le houx dont les épines sont leurs chevaux de frise. Le but n’est pas de compliquer le travail des humains mais celui d’éviter de se faire dévorer par les animaux brouteurs de feuilles et autres ruminants.
Les végétaux pour résister aux insectes insensibles aux épines doivent utiliser d’autres armes pour se défendre. C’est une défense chimique, alerte aux masques.
Exemple de la Piéride de la Rave
Comme son nom l’indique, ce papillon, sa larve se développe sur le chou et la rave qui sont des brassicacées.
Les familles de plantes sont presque toutes caractérisées par une empreinte génétique chimique.
Chez les Brassicacées, anciennement dénommées crucifères, ce sont des composés sucrés contenant du soufre, les glucosinolates. C es composés soufrés prennent une odeur âcre et particulière. Ces odeurs sont celles du chou, brocolis, chou-fleur, chou de Bruxelles… que tout le monde n’apprécie pas ou qui parait trop désagréable en raison de son intensité.
Par exemple, certains adorent le miel de colza comme moi d’autres le détestent car il a cette petite odeur de chou. C’est aussi le cas de certains insectes aussi rebutés par cette odeur de chou.
Ces plantes stockent aussi dans les parois cellulaires ou leurs vacuoles des stocks immobilisés d’une enzyme spéciale, la myrosinase,. Sous l’action d’une déchirure des parois, cette enzyme, libérée va former avec les glucosinolates un complexe neurotoxique pour les chenilles des insectes.
Défense neutralisée-et intrusion dans le bunker
Comme cette affaire traine depuis longtemps, quelques millions d’années et plus, des petits malins comme la Piéride de la Rave(Pieris rapae) ont détourné cette défense chimique.
Au contraire de les intoxiquer, cette odeur de chou est un signal positif pour les capteurs sensoriels situés sous la trompe de la femelle:
"une plante, une brassicacée, est à proximité et cette nourriture est idéale pour l’éclosion de tes œufs et le développement de tes larves".
Pour la plupart des chenilles lambda, le mélange des glucosinolates et de l’enzyme présent, myrosinase provoque la formation d’un poison mortel : l'isothicyanate de méthyle.
La Piéride de la Rave a développé un système de protéines qui bloque l’activité de l’enzyme et l’empêche de former ce poison à chenilles. Les composés sont inoffensifs et la chenille peut se développer en mangeant la plante.
Exemple de la Mineuse marbrée (Pyllonorycter blancardella)
La petite chenille de ce papillon creuse des galeries dans le limbe des feuilles des pommiers. Plusieurs générations de chenilles se succèdent tout au long de la saison sur les feuilles vertes et même sur les feuilles jaunes qui annoncent l’automne.
En regardant de près les feuilles on s’aperçoit que la galerie creusée par la chenille est entourée d’une zone verte., une zone qui n’est pas encore au ralenti habituel de l’automne.
Un chercheur de l’Université de Tours, David Giron, a montré que cette zone verte était le résultat d’un subterfuge chimique de la part de la chenille.
La salive de la chenille contient une hormone végétale, la cytokinine qui est libérée dans les feuilles. Petite subtilité, cette substance est produite par des bactéries symbiotes de la salive du genre Wolbachia et non pas par les tissus de la chenille. Ces bactéries ont d’ailleurs d’étranges pouvoirs quand ils contaminent les espèces animales comme celui de déterminer le sexe des cloportes et de certains hyménoptères .
La production de cytokinine maintient en activité les tissus de la feuille alors que la saison devrait les mettre en situation de sénescence.
Pour le moment on ne sait pas pourquoi les bactéries produisent cette hormone mais cela correspond à une manipulation de la vie de la plante!
Article résumé par Roland Gissinger (Anab)
de « Les plantes et les insectes : une lutte permanente » INRA –Jacques Huignard